Le Président Kagame : Derrière les coulisses, une vérité difficile à croire

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Le 27 juin 2017 à 01:04

C’est le 17 juin 2017, que le Front patriotique du Rwanda (FPR) a désigné le Président Paul Kagame en tant que candidat à la présidence lors des élections prévue pour le 4 août 2017. Bien qu’il soit sans opposition, le FPR a toujours effectué un scrutin secret pour l’élire. Sur les 1930 membres présents lors du congrès qui a tenu place pour sa candidature, 1929 ont voté pour le Président Kagame, avec un vote blanc.
Je me suis souvent demandé comment raconter cette histoire, vu des connaissances qui me sont (...)

C’est le 17 juin 2017, que le Front patriotique du Rwanda (FPR) a désigné le Président Paul Kagame en tant que candidat à la présidence lors des élections prévue pour le 4 août 2017. Bien qu’il soit sans opposition, le FPR a toujours effectué un scrutin secret pour l’élire. Sur les 1930 membres présents lors du congrès qui a tenu place pour sa candidature, 1929 ont voté pour le Président Kagame, avec un vote blanc.

Je me suis souvent demandé comment raconter cette histoire, vu des connaissances qui me sont acquises, en tant que journaliste qui a accès aux processus décisionnels au Rwanda.

Je peux, par exemple, vous révéler quelque chose de très surprenant : le seul vote blanc qui ait résulté lors de la candidature de Kagame, était celui du Président Kagame lui-même ; c’est en effet, quelque chose qu’il a partagé avec moi.

Autre chose que beaucoup d’étrangers ne savent pas c’est que les représentants des neuf autres partis politiques au Rwanda ont tous voté pour le Président Kagame lors du congrès qui s’est tenu au QG du FPR, à Rusororo, ville de Kigali. En effet, ceci est fait en fonction du Forum consultatif national des partis politiques, qui est conçu par la Constitution du Rwanda en tant que mécanisme consultatif permanent pour promouvoir le dialogue et la consultation des partis politiques concernant les décisions clés dans le pays.

Pour les étrangers, l’idée seule qu’un parti puisse participer à la prise de décision d’un autre parti semblerait très étrange, voire même calculée ; mais ces propos qui sont biaisés sont dus au fait que la plupart des étrangers ont des préjugés profondément ancrés en eux, spécialement quand il s’agit du fonctionnement de la démocratie et des élections au Rwanda.

Pour ma part, j’ai été libéré des préjugés qui me servaient au cours des analyses que j’illustrais sur les événements qui prenaient place au Rwanda et en Afrique. Maintenant, je me concentre plus sur les facteurs réels qui conduisent à des décisions politiques particulières.

Il est difficile de raconter l’histoire de l’Afrique postcolonial, et surtout celle du Rwanda, car chaque fois que quelque chose arrive, les gens préfèrent se référer au passé et se fier à leurs préjugés plutôt qu’à la réalité des faits.

Cette confusion s’explique en grande partie par la dépendance même des narrateurs africains sur les érudits et les journalistes occidentaux. Le manque de compréhension et parfois de distorsion délibérée est également favorisé par l’incapacité des principaux acteurs dans les processus décisionnels clés en Afrique de raconter l’histoire de ce qui s’est réellement passé. Pourtant, c’est la seule façon dont les conversations sur le Rwanda et l’Afrique peuvent passer pour de la spéculation sur « ce qui doit arriver » à « ce qui s’est réellement passé ».

Les Rwandais dépassés

Basé sur les déclarations du Président Kagame, lors de son discours, celui-ci a déclaré dans son discours qu’accepter la nomination comme porte-drapeau du FPR, peut être déconcertant pour les étrangers. Selon ses propres déclarations, il a affirmé qu’il aurait préféré ne pas se présenter à la présidence, mais de se tenir parmi le public et de transmettre le pouvoir à une autre personne. Cela ne s’est pas produit, a-t-il dit, parce que le FPR, les autres partis politiques et les citoyens en général lui ont demandé (je dirais même « poussé ») à se tenir debout.

"Je devrais être ici aujourd’hui en train de parler d’un nouveau leader, mais vous en avez décidé autrement", a-t-il déclaré.

"La pression de ne plus contester à nouveau était bien mineure comparée à celle de devoir le faire à nouveau. Je n’avais aucun autre rôle à jouer, sauf celui d’accepter. "
Sans oublier qu’il a défié la jeunesse rwandaise d’aspirer au leadership et surtout à la présidentielle.

« Aspirez à être un dirigeant, de même qu’être un Président. Mais surtout, aspirez à être un bon dirigeant. C’est ce dont les Rwandais ont besoin et c’est ce qu’ils méritent », a-t-il dit, suggérant que lui-même était très jeune, lorsqu’il dirigeait le FPR au cours du génocide contre les Tutsi de 1994.

"La raison qui vous a poussé à me demander de me présenter encore à la Présidentielle, pourra être abordée, lors des sept prochaines années. Je veux que vous y répondiez ... Je ne vous oppose pas, mais je vous demande de réfléchir parce que vous devez y réfléchir ", a déclaré Kagame aux délégués. Un tel silence régnait que vous auriez pu entendre une épingle tomber.

C’est sur un ton réservé que le Président Kagame a déclaré ces propos. Qu’il fut désireux de ne pas brusquer les nombreux Rwandais qui ne voulaient pas entendre parler de sa retraite, alors qu’il parlait de résoudre les problèmes qui l’amenaient à accepter de rester, de nombreux délégués avaient des larmes aux yeux. Peu de gens savaient combien il était difficile pour lui d’accepter cette décision. Car j’étais impliqué à le convaincre, par conséquent, je sais combien cette décision était difficile pour lui. Ainsi, alors qu’il parlait avec une prudence mesurée, je savais d’où il venait.

Ensuite, je me suis demandé : comment puis-je raconter l’histoire des pressions auxquelles Kagame était confronté quand il a insisté pour démissionner en tant que candidat à la présidence en 2017 ? Comment expliquer la difficulté que nous avons eue en essayant de le dissuader de cette décision ? Comment puis-je, en tant que membre externe de ce processus décisionnel, démontrer la lourdeur de son cœur quand il a finalement cédé à la pression pour se remettre en marche ? Comment puis-je dire cette vérité incroyable, qui semblerait incroyable pour beaucoup, surtout dans une situation où les conclusions sont formées sur des préjugés plutôt que sur les faits réels ?

Il y a une perception à travers l’Afrique entière que ses dirigeants ne veulent pas quitter le pouvoir. Souvent, ces dirigeants et leurs acolytes cherchent à modifier la constitution pour pouvoir diriger - non pour le bien du pays, mais pour leurs intérêts personnels et collectifs. Et beaucoup de ces préoccupations, sont bien réelles de ces jours, et Kagame le sait trop bien. Comment expliquer la difficulté que nous avons eue en essayant de le dissuader de cette décision ?

L’ignorance des facteurs, des combinaisons et des processus qui ont amené Kagame à accepter de se remettre en veille est aveuglante. Les préjugés qui informent les attitudes des gens vis-à-vis des dirigeants qui changent les constitutions de leurs nations pour rester au pouvoir sont très puissants. Beaucoup de gens croient que derrière les coulisses, c’est bien le Président Kagame qui a orchestré et manipulé toutes les décisions, et pourtant, la vérité de ce qui s’est passé réellement est très éloignée de cela, même s’il est très difficile à croire.

J’étais un acteur clé dans le processus qui a amené Kagame à accepter cette élection.

D’apres le récit d’Andrew M. Mwenda,
Journaliste ougandais et DG de la revue de Presse "The Independent".


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