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Urgent

Condamner le négationnisme du génocide contre les Tutsi

Redigé par Tite Gatabazi
Le 4 octobre 2024 à 03:47

Le procès de Charles Onana et des éditions du Toucan, prévu du 7 au 11 octobre 2024 devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, représente une occasion cruciale de condamner le négationnisme du génocide contre les Tutsi au Rwanda.

Pourtant, il est frappant de constater l’absence de condamnations publiques contre cette négation, tant dans les médias que dans les partis politiques français. Cette indifférence face à un crime de cette ampleur montre combien, comme l’affirme l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau, « l’ignorance du public français sur le génocide des Tutsi rwandais y compris dans les milieux les plus informés est tout simplement stupéfiante. »

Le terme « négationnisme », a permis de dévoiler et de dénoncer les tentatives de déni des crimes de la Shoah, illustrées par des figures comme Robert Faurisson qui niait l’existence des chambres à gaz. Dans le cas du génocide contre les Tutsi, deux formes distinctes de négationnisme peuvent être observées, toutes deux dérivant des discours de défense des génocidaires.

La première forme est celle d’un négationnisme pur et dur, tel que celui incarné par Charles Onana. En 2019, ce dernier déclarait ouvertement sur un plateau de télévision qu’« entre 1990 et 1994, il n’y a pas eu de génocide contre les tutsi ni contre quiconque ».

Cette négation brute des faits historiques a conduit à des poursuites judiciaires contre Onana en 2020, menées par des organisations telles que Survie, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Fédération internationale des droits humains (FIDH).

Le négationnisme de cette nature s’inscrit directement dans la lignée des discours révisionnistes les plus radicaux et violemment mensongers, similaires à ceux des négationnistes de la Shoah.

La deuxième forme, plus insidieuse, consiste à minimiser ou relativiser le génocide. C’est le cas de personnalités qui, en mettant sur un pied d’égalité les bourreaux et les victimes du génocide contre les tutsi, relativise la portée de ce crime brouillant ainsi la distinction fondamentale entre les auteurs du massacre et ceux qui l’ont subi. Ce type de discours, qui prétend reconnaître le génocide tout en minimisant sa gravité, est tout aussi dangereux, car il dilue la reconnaissance des faits dans des considérations trompeuses.

Le parallèle avec les négationnistes de la Shoah est frappant. Tout comme ces derniers étaient animés par un antisémitisme virulent, les négationnistes du génocide contre les tutsi puisent leur rhétorique dans une littérature profondément négrophobe.

Les écrits de Charles Onana sont imprégnés d’un racisme qui, loin d’être purement intellectuel, a des implications politiques et morales. Comme l’explique l’historienne Hélène Dumas, « le négationnisme ne se limite pas à une entreprise perverse de révision intellectuelle, il poursuit également un but politique et moral. » En effet, la négation d’un génocide permet à ses auteurs de se justifier a posteriori, perpétuant ainsi l’injustice historique.

L’une des particularités du négationnisme du génocide des tutsi réside dans le fait qu’il ne se limite pas à un seul courant politique.

Contrairement à la négation de la Shoah, qui tend à être disqualifiée par l’antisémitisme, la négation du génocide contre les Tutsi traverse l’ensemble de l’échiquier politique.

Des personnalités politiques de tous horizons, se sont livrées à des propos ou à des analyses relevant de cette forme de révisionnisme historique. Cette omniprésence témoigne d’une tendance persistante à réduire la négrophobie à un phénomène propre à l’extrême droite, alors qu’elle est en réalité partagée par de nombreux acteurs de la sphère publique.

Un autre aspect marquant du négationnisme du génocide contre les Tutsi est son ancrage dans les catégories raciales développées à l’époque coloniale.

Comme le soulignent les historiens Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda, il est préoccupant de constater que ces schémas raciaux, désavoués dans le cadre de l’antisémitisme après la seconde guerre mondiale, continuent de prospérer dès lors qu’il s’agit de l’Afrique et des Africains. Ce discours racialisant, autrefois utilisé pour justifier la colonisation, semble aujourd’hui trouver un terrain fertile dans les débats sur le génocide contre les Tutsi.

Le procès de Charles Onana offre ainsi une opportunité cruciale de reconnaître la gravité du négationnisme et de condamner fermement ceux qui s’y adonnent. Pourtant, à en juger par le faible intérêt suscité par cette affaire dans l’opinion publique et les médias, un long chemin reste à parcourir avant que la négrophobie inhérente à ce discours ne soit disqualifiée, comme ce fut le cas pour l’antisémitisme à l’époque de l’affaire Dreyfus.

Les écrits de Charles Onana sont imprégnés d'un racisme qui, loin d’être purement intellectuel, a des implications politiques et morales

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