Crépuscule démocratique au Burundi

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 juin 2025 à 04:27

Sous les oripeaux d’un scrutin prétendument pluraliste, les législatives burundaises du 5 juin 2025 ont consacré la confiscation absolue de la représentation nationale par le CNDD FDD.

Affichant un score stalinien de 96,51 % jusqu’à atteindre localement le mirifique 100 % sans nul ni abstention, le parti au pouvoir monopolise les 100 sièges de l’Assemblée nationale. Ce triomphe proclamé ne s’obtient toutefois qu’au prix d’une vassalisation de l’appareil électoral  : exclusion préalable des figures d’opposition, intimidation capillaire des bureaux de vote, verrouillage médiatique et invalidation mécanique de tout concurrent n’atteignant pas le seuil constitutionnel de 2 %.

La marge de manœuvre laissée aux formations rivales se résume au rôle de faire valoir, réduites à crier dans le désert la «  mort programmée de la démocratie  ». En vérité, le suffrage est devenu simple rituel de légitimation d’un régime parti État, où l’urne scelle le verdict qu’édicte d’avance la raison d’un pouvoir devenu lui même sa propre fin.

État en lambeaux  : autopsie d’une gouvernance prébendière

À cette glaciation politique s’agrège une pathologie structurelle de gouvernance qui gangrène chaque échelon de l’administration. Le Burundi se voit transformé en archipel de rentes  : hydrocarbures raréfiés, douanes capturées, marchés publics bradés à des cliques courtisanes, tout concourt à l’érection d’une kleptocratie décomplexée.

Dans les ministères, la capillarité de la concussion supplante toute culture de reddition de comptes  ; les audits internationaux, quand ils ne sont pas étouffés, dévoilent une ponction systématique des fonds d’aide et des recettes fiscales au profit de réseaux clientélistes.

L’incompétence se double d’une impunité érigée en norme  : quand la sanction semble possible, elle se mue en simple redéploiement fonctionnel, perpétuant la médiocrité dans une rotation sans fin des mêmes dignitaires.

Le pacte social, déjà effiloché, se délite sous la pression d’une inflation galopante excédant 40 % par mois. La pénurie chronique de carburant depuis près de trois ans asphyxie l’activité, prive hôpitaux et écoles d’approvisionnement, paralyse le transport des denrées et fait exploser les prix.

La Banque mondiale classait déjà le Burundi, en 2023, dernier de la planète en PIB par habitant  ; l’État, loin de pallier le désastre, en devient l’agent accélérateur, distribuant licences d’importation et devises à ses affidés tandis que 75 % de la population survit sous le seuil international de pauvreté.

Nation exsangue  : l’implosion socio économique et l’aventure extérieure

Sur ce corps social éprouvé, le pouvoir impose le fardeau d’opérations militaires aventureuses en RDC, dilapidant des ressources qu’exige pourtant une urgence intérieure criante. La défiance populaire croit à proportion de l’incongruité d’une projection armée extérieure alors que la misère domestique atteint des abîmes inédits.

Dans les campagnes, l’exil économique mine les communautés  ; en milieu urbain, la jeunesse, cantonnée à l’informel, voit tout horizon bouché par un État qui confond croissance avec taxation prédatrice et chantre de la grandeur nationale avec inflation monétaire.

Ainsi s’esquisse la figure d’un pouvoir de plus en plus contesté, non pas par le jeu institutionnel, vidé de substance, mais par une résistance diffuse des citoyens à la résignation. Les grèves larvées, les réseaux de solidarité clandestins, les alertes lancées sur les réseaux sociaux composent une mosaïque de micro insurrections civiques qu’aucune répression ne peut totalement étouffer.

En somme, le Burundi s’enlise dans une crise systémique où l’éclipse démocratique n’est que la face visible d’une gouvernance prébendiaire et d’une incurie économique abyssale.

Sans refondation éthique ni ouverture politique réelle, la nation risque de voir son tissu social se désagréger irréversiblement, dans le silence gêné d’une communauté internationale trop souvent prompte à l’indulgence diplomatique.

Avec 100 % des sièges, le CNDD-FDD s’est arrogé une victoire totale, au prix d’un processus électoral verrouillé et vidé de toute concurrence réelle

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