Mais une chose paraît certaine : les équilibres diplomatiques s’en trouvent bouleversés, et les principaux perdants de cette séquence géopolitique sont, une fois de plus, les Européens.
La mise en scène d’un tête-à-tête exclusif
Le simple fait que la rencontre se soit tenue sans médiation, sans format élargi ni concertation multilatérale, en dit long sur le nouvel ordre des priorités. Washington et Moscou s’autorisent un dialogue bilatéral au-dessus des têtes de leurs partenaires et, surtout, en dehors des canaux institutionnels qui faisaient encore illusion ces dernières années.
Cette dramaturgie diplomatique consacre la marginalisation du Vieux Continent : les Européens, jadis prétendants au rôle d’arbitres ou de codécideurs, se retrouvent réduits au rang de spectateurs d’une pièce où ils ne sont plus appelés à jouer.
La pression reportée sur Kiev et Bruxelles
Incapable de contraindre son homologue russe sur le terrain militaire, Donald Trump a choisi la voie du contournement : mettre la pression sur l’Ukraine et sur ses alliés européens. Kiev est désormais sommé de composer avec un rapport de forces défavorable, tandis que l’Union européenne se voit contrainte d’assumer une charge économique, militaire et politique sans réelle voix au chapitre. La stratégie américaine, dans ce contexte, n’est pas tant de résoudre le conflit que de se désengager progressivement de son coût, en transférant la responsabilité du maintien de l’équilibre à ses alliés fragilisés.
L’Europe, grande absente de son propre destin
Le plus frappant demeure l’effacement européen. Ni Berlin ni Paris, pourtant historiquement engagés dans le format Normandie, n’ont été conviés à ce dialogue de haute intensité.
L’Union européenne, déjà divisée sur la stratégie à adopter vis-à-vis de Moscou, n’a pas su transformer sa puissance économique en véritable levier politique. Elle apparaît dès lors comme une entité périphérique, dépendante des décisions extérieures, soumise aux soubresauts des relations russo-américaines.
Cette marginalisation actée souligne une évidence : l’Europe, faute d’unité stratégique, se condamne à n’être qu’un théâtre d’opérations et non un acteur de premier plan.
Les leçons d’un déclassement stratégique
Ce sommet d’Alaska résonne comme une mise en garde brutale : à défaut d’affirmer une autonomie stratégique, l’Europe sera condamnée à subir la géopolitique qui se joue ailleurs. La guerre en Ukraine, plus qu’un conflit territorial, révèle l’absence de souveraineté réelle du Vieux Continent dans les affaires de sécurité globale. Le temps n’est plus aux incantations sur la défense commune, mais aux choix clairs : ou bien l’Europe assume son destin et s’érige en acteur indépendant, ou bien elle s’accommode d’un statut mineur, au risque de se voir définitivement reléguée à la périphérie des grandes décisions.
L’Alaska aura donc symbolisé bien davantage qu’une rencontre entre deux puissances : il aura illustré la faillite de l’Europe à exister par elle-même. Ce qui s’est joué, derrière les portes closes, n’est pas seulement un compromis russo-américain, mais une réorganisation implicite de la hiérarchie mondiale. Et, dans cette recomposition, l’Europe n’a pas seulement perdu une bataille diplomatique : elle a perdu le droit d’écrire son propre récit.

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