De l’ombre à la scène diplomatique de l’AFC/M23

Redigé par Tite Gatabazi
Le 19 août 2025 à 02:45

Il est désormais manifeste que l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) a franchi un seuil critique dans son rapport avec les acteurs nationaux et internationaux. Depuis les assises de Kampala en 2024, suivies de l’invitation officielle du médiateur désigné par l’Union africaine à Luanda, le mouvement a quitté le registre du simple « groupe armé » pour endosser progressivement celui d’interlocuteur politique.

La rencontre du 12 février 2025 avec la CENCO et l’ECC, puis la signature d’un communiqué conjoint avec le gouvernement congolais le 24 avril, lu sur les ondes de la RTNC, marquent des jalons décisifs. Malgré l’interdiction initiale faite aux médias de citer l’AFC/M23, le ton a changé, et les stigmates sémantiques d’antan ont perdu de leur vigueur. Le narratif officiel, contraint par les faits, s’est infléchi au profit d’une normalisation implicite.

L’onction internationale : l’ONU et les voisins de la RDC à l’œuvre

Cette évolution a trouvé un relais de taille dans les démarches multilatérales. La visite de Bintou Keita, représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU, le 12 juin 2025 à Goma, a constitué une rupture majeure dans la tradition onusienne de distance vis-à-vis du mouvement.

Quelques jours plus tard, le 26 juin, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires lui emboîtait le pas, confirmant l’entrée de l’AFC/ M23 dans la sphère des interlocuteurs institutionnels.

Dans le même temps, des gestes significatifs ont émané des États voisins : l’Ouganda rouvrait symboliquement la frontière de Bunagana le 10 juillet, tandis qu’à Doha, le 19 juillet, une déclaration de principe était signée entre Kinshasa et l’AFC/M23.

Enfin, le Kenya a franchi un pas inédit en nommant une consule générale à Goma, consacrant ainsi la centralité de cette ville dans l’architecture politique et diplomatique régionale.

De la situation de fait aux droits acquis : un nouvel ordre à l’Est

En droit, la notion d’« état de fait » désigne une situation qui, bien qu’échappant au cadre normatif initial, s’impose par sa réalité concrète et finit par générer des effets juridiques.

C’est précisément ce à quoi l’on assiste aujourd’hui dans l’Est de la RDC. La reconnaissance, même tacite, de l’AFC/ M23 par des institutions religieuses, des organisations internationales et des chancelleries étrangères dessine les contours d’une légitimation irréversible.

De facto, le mouvement s’installe comme un acteur incontournable, au point de transformer la marginalité rebelle en statut quasi institutionnalisé. Reste une interrogation essentielle : ce processus annonce-t-il la consolidation d’une paix pragmatique fondée sur le réalisme politique, ou bien entérine-t-il l’émergence d’un ordre parallèle sapant l’intégrité de la souveraineté congolaise ?

Quoi qu’il en soit, l’Est de la RDC vit une mutation silencieuse : la rhétorique du rejet se dissout devant l’évidence des faits, et le droit, inéluctablement, devra s’accorder à cette nouvelle donne.

Il est désormais manifeste que l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) a franchi un seuil critique dans son rapport avec les acteurs nationaux et internationaux

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