Reuters ou quand l’information bascule dans la déformation

Redigé par Tite Gatabazi
Le 19 août 2025 à 11:49

Il n’est plus exagéré de soutenir que l’agence Reuters semble avoir fait de la confusion et de l’imprécision une véritable ligne éditoriale. Loin de l’exigence de rigueur et d’exactitude que commande le journalisme, ses dépêches versent trop souvent dans l’ambiguïté, au risque de travestir la réalité et d’induire en erreur une opinion internationale avide de clarté.

Ce n’est plus affaire de simples maladresses ponctuelles qui, dans un sursaut d’indulgence, pourraient être excusées par l’approximation inhérente à toute activité humaine. C’est désormais une habitude, une funeste habitude, qui nourrit la suspicion d’un penchant structurel pour la désinformation.

Un ministre rwandais qui dénonce la dérive médiatique

C’est dans ce contexte que le ministre rwandais des Affaires étrangères, l’Ambassadeur Olivier Nduhungirehe, a tenu à relever publiquement la dérive de Reuters. Ses mots sont sans détour : « C’est le genre de titres vagues que des médias biaisés comme Reuters utilisent pour tromper le public, en particulier les nombreux lecteurs qui se contentent de parcourir leurs fils d’actualité. Je suppose que des mots simples comme “rebelles soutenus par l’État islamique”, “Beni” ou “Lubero” étaient trop nombreux, car ils ne correspondaient pas à leur ligne éditoriale actuelle sur l’Est. »

Ainsi s’exprime un diplomate qui, au-delà de la simple réplique, interpelle sur l’éthique même de l’information. Car il ne s’agit pas d’un détail technique, mais d’une intentionnalité qui se dessine en filigrane : faire prévaloir un récit partiel, taillé sur mesure pour convenir à une lecture préétablie des réalités du Kivu.

Mal nommer les choses, c’est accroître le malheur du monde

Cette attitude n’est pas sans conséquence. Comme le rappelait Albert Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Or, Reuters, par son obstination à édulcorer certains faits et à omettre des précisions pourtant essentielles, ne contribue plus à éclairer le réel : elle le déforme.

Elle ne s’érige plus en vigie impartiale mais se transforme en relais de narrations douteuses, au service d’intérêts qui échappent à l’honnêteté journalistique. À l’heure où l’Est de la République démocratique du Congo vit une tragédie d’une rare intensité, l’on serait en droit d’attendre de la presse internationale qu’elle nomme les acteurs, identifie les responsabilités et restitue les faits avec rigueur.

Persister dans le vague, c’est, en réalité, ériger l’opacité en méthode et faire de l’approximation une posture éditoriale. À force de contourner les faits, on substitue à la clarté du réel l’ombre inquiétante de l’indécision, et l’on en vient à confondre l’information avec le brouillard des intentions inavouées.

Insister sur l’ambiguïté, c’est non seulement trahir le devoir sacré de vérité qui incombe à tout organe de presse, mais encore ajouter à la détresse des peuples meurtris le poids supplémentaire de la confusion. En refusant de nommer avec précision les acteurs et les responsabilités, on ne se contente pas d’édulcorer la tragédie : on contribue à l’aggraver, car la méprise et la falsification, loin d’atténuer la douleur, l’exacerbent en privant les victimes de la juste reconnaissance de leur épreuve et en livrant les lecteurs à l’illusion trompeuse d’une réalité défigurée.

En définitive, Reuters ne saurait plus prétendre informer. Elle s’emploie désormais à construire un récit biaisé, dont la récurrence même trahit moins l’accident que la stratégie. Le public, quant à lui, mérite mieux que cette manipulation dissimulée sous l’apparat du journalisme.

Il n’est plus exagéré de soutenir que l’agence Reuters semble avoir fait de la confusion et de l’imprécision une véritable ligne éditoriale

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