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Dr Mukwege, un pas vers la candidature aux présidentielles de 2023 en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 13 février 2023 à 06:30

Ça y est mais presque. Dr Mukwege déroule son programme politique sans se déclarer ouvertement candidat aux élections présidentielles de décembre 2023 en République Démocratique du Congo.

Dans une longue interview au journal OURAGAN.CD, Dr Mukwege déroule un discours de candidat en quête d’alliances, appelle au rassemblement et refuse de se fâcher avec qui que ce soit. Mais il reste fidèle à lui-même.

Sur la situation à l’Est du pays, il recycle ce qu’il répète à longueur d’interview depuis des longues années. Des analyses biaisées, escamotage des faits pourtant sous son nez ou alors des falsifications au gré des vagues.

Dr Mukwege déçoit. Il lui manque du courage à la fois pour se déclarer officiellement et aussi pour appréhender l’histoire tragique de la RDC dans ses réalités voire ses cruautés.

Cette déclaration mi-figue, mi-raisin est une sortie de piste.

Alors qu’il est de notoriété publique que la crise à l’Est du pays est consécutive à une accumulation des problèmes internes de nature à la fois politiques, économiques, sociales et sécuritaires ; Dr Mukwege proclame que c’est plutôt une agression avec des relents de balkanisation. Une déclaration mensongère et trompeuse. Mais ce refrain est rouillé.

Sa solution à l’instabilité et l’insécurité est unique, elle est au tout militaire : “la seule solution durable pour la pacification de notre pays, c’est la réforme profonde de notre secteur de sécurité. Nous devons faire l’économie d’en appeler à des troupes étrangères. Nous avons la capacité de défendre notre intégrité territoriale, et nous l’avons, maintes fois, démontrée dans le passé, depuis la force publique jusqu’aux FARDC. Nous avons de vaillants combattants qui sont déterminés, dévoués et prêts à mourir pour la patrie. Il faut les encadrer, les entretenir, les motiver, les entraîner, les équiper, leur payer une bonne solde etc.”

Dr Mukwege ne le sait peut-être pas, aucune fois, les forces de sécurité de la RDC, encore moins du Zaïre, n’ont repoussé une seule rébellion. Jamais.

Dr Mukwege cherche à occulter les déboires des FAZ sous Mobutu, des FARDC sous Laurent Désiré Kabila ainsi que Joseph Kabila et présentement sous Tshisekedi.

A l’heure des élections, il caresse dans le sens du poil les prétendus vaillants combattants. Il fait fausse route.

Soit il a une méconnaissance de l’histoire récente de son pays, soit il est de mauvaise foi et dans les deux cas, il sera un mauvais candidat à la présidence de la république.

La République démocratique du Congo, le Zaïre puis la RDC a occupé le devant de la scène et les gros titres de la presse internationale, suscitant plus qu’aucun autre pays la polémique sur l’inefficacité de son armée.

Durant la période 1960 à 1965, le nouvel Etat indépendant fait face à des mutineries et des guerres de sécessions. Les nations unies seront obligées d’y envoyer des troupes.

Lors de deux guerres du Shaba (1977 et 1978), Mobutu avait misé sur l’aide étrangère pour se défaire des ex gendarmes Katangais venus d’Angola.

La France, le Maroc et dans une moindre mesure la Belgique volèrent à son secours. Les batailles de Kolwezi figurent dans les manuels d’histoire du pays.

Lors de la guerre d’Août 1998, on a assisté à l’intervention sur le territoire congolais des forces armées du Zimbabwe, de la Namibie, de l’Angola, du Tchad aux côtés des FARDC.

Et Tshisekedi a fait appel, à grand frais, à des mercenaires. Ce nationalisme aveugle présente de la démagogie et des contres vérités.

Dr Mukwege est de ceux qui ont la fâcheuse tendance à ne voir dans les rébellions en RDC qu’une pure agression. Mais il s’agit d’une simplification abusive. Ils sont nombreux à refuser l’examen des processus historiques dans lesquels s’inscrivent ces rébellions afin de dégager les facteurs d’explication.

La pression exercée par les bouleversements internationaux consécutives à la chute du Mur de Berlin, la montée de la contestation interne menée par l’Eglise catholique et l’opposition politique. La perte par Mobutu de la caution étrangère en même temps que l’autorité dont il jouissait sur le plan interne ont poussé au délitement de l’Etat, du moins ce qui en restait.

En attestent les jacqueries militaires assorties des scènes de pillages et des saccages qui ont dévasté des villes au Zaïre de Mobutu en 1992.

La subordination et l’exclusion d’autres groupes tribaux à l’exemple de l’expulsion des Kasaiens du Shaba/Katanga comme une manifestation de la mobilisation identitaire. Sur fond de l’effondrement de l’Etat qui est l’aboutissement d’un long processus précédé de sa ruine liée à la corruption, les détournements, le clientélisme et la paupérisation des habitants.

Dans ce climat délétère, le phénomène de persécution et d’exclusion des tutsis congolais au Kivu contribue à expliquer les cycles des violences dans cette partie de la RDC.

C’est la remise en cause de leurs droits à la citoyenneté qui débouche à des affrontements depuis 1992.

Cette volonté, devenue un fonds de commerce politique, d’exclure les tutsi de la nationalité et l’exercice de leurs droits se manifeste encore aujourd’hui avec la reprise des hostilités du M23.

Mais de tout ce qui précède, Dr Mukwege feint l’amnésie.

Dans ce long entretien, minutieusement préparé, aucun mot sur les cent trente groupes armés qui écument l’Est de la RDC, rien sur les FDLR, groupe terroriste, allié aux FARDC qui sèment la mort et la désolation depuis des décennies et qui utilisent le viol et l’esclavage sexuel comme arme de guerre.

Mais au détour d’une phrase, il soutient que ‘le mal est congénital’, que ‘la justice et les impôts sont instrumentalisés au service d’un homme et son régime au détriment de la nation’.

Dr Mukwege s’inquiète du risque élevé de glissement. Il dit ceci : ‘tout semble organisé pour conserver le pouvoir, quel que soit le prix. On ne gouverne pas le pays par défi.’

Enfin un brin de lucidité.

Difficile de maintenir la corde du bouc émissaire longtemps, les maux qui rongent ce pays sont internes et du fait des congolais.

Après Katumbi, Fayulu, Muzito, Matata Mponyo, Delly Sesanga, Dr Mukwege pourrait sortir du bois pour affronter la vérité des urnes. Encore faut-il que ce rendez-vous ait lieu.

Tout porte à croire que la République Démocratique du Congo s’achemine progressivement vers un report des élections. Là-bas on l’appelle ‘glissement’.


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