C’est du sommet que s’exhale la puanteur d’une gouvernance improvisée, gangrenée par l’ignorance crasse, l’inculture revendiquée, l’immaturité politique et la mauvaise foi érigée en méthode. Il ne s’agit plus ici d’un simple déficit de compétence, mais d’un naufrage éthique et intellectuel, où l’inconsistance doctrinale rivalise avec l’irresponsabilité morale.
Dès lors, pourfendre ces fléaux ne relève plus du luxe critique, mais d’un impératif de salubrité nationale : il faut dénoncer, avec la vigueur qu’exige l’urgence, l’inadmissible légèreté de ceux qui prétendent gouverner sans s’être jamais instruits, sans avoir médité l’histoire, sans avoir acquis ni la mesure des responsabilités ni le sens du service public.
Car il est des ignorances qui tuent, des immaturités qui compromettent l’avenir, et des impostures qui, sous le vernis de la légitimité électorale, dissimulent une faillite patente de la pensée comme de l’action.
A Kinshasa, le théâtre du pouvoir se joue désormais sur une scène où l’autosatisfaction tient lieu de programme, l’invective d’argumentaire, et le déni de politique publique. Tandis que la République Démocratique du Congo s’enlise dans les méandres d’une gouvernance erratique, le monde observe avec stupeur l’étonnante désinvolture des élites face à l’urgence nationale.
Plutôt que de répondre aux défis systémiques, insécurité endémique, effondrement des institutions, désarticulation diplomatique le sommet de l’État s’abîme dans une rhétorique de l’évitement, où l’on confond attaque ad hominem et légitimité politique.
« Qui ne peut attaquer le raisonnement, attaque le raisonneur », écrivait Paul Valéry avec cette acuité sèche qui perce les voiles de la mauvaise foi. Cette maxime, en apparence anodine, constitue en réalité une critique incisive de la faillite intellectuelle qui gangrène le débat public en RDC. Elle nous alerte sur cette dérive trop familière : lorsque l’argument devient intenable, on cherche refuge dans la mise en cause de celui qui le porte. Et Kinshasa, hélas, semble en avoir fait un mode opératoire.
Ainsi, l’opposant est-il systématiquement présenté comme un traître, un agent de l’étranger ou un semeur de trouble, quand bien même son propos relèverait d’une critique légitime, documentée, articulée. De la même manière, certaines communautés entières, notamment dans l’Est du pays, sont stigmatisées avec une légèreté dangereuse, comme si l’amalgame ethnique pouvait masquer l’absence d’une politique sécuritaire cohérente. L’État, impuissant face à l’hydre de la violence, se replie alors sur la gesticulation symbolique et l’outrance verbale, dans une tentative désespérée de dissimuler son inaptitude fonctionnelle.
Mais il est une autre dimension, plus insidieuse encore, à cette dynamique de dénigrement : c’est la substitution de la logique par l’émotion, de la rationalité par le ressentiment. L’on déploie toute une armature rhétorique non pour instruire le débat, mais pour le fermer, pour disqualifier a priori toute critique comme étant malveillante, infondée ou inspirée par des intérêts inavouables.
En cela, la diplomatie congolaise actuelle ressemble davantage à une plainte permanente qu’à une stratégie d’influence ; elle se meut dans les jérémiades au lieu de s’ancrer dans la realpolitik, préférant l’indignation feinte à la vision prospective.
Il est temps de dire hautement ce que beaucoup murmurent avec amertume : l’amateurisme au sommet de l’État n’est plus un soupçon, mais une évidence empirique. L’hésitation dans les décisions, les volte-face réglementaires, la confusion des priorités autant de symptômes d’un pouvoir déconnecté de la réalité, prisonnier d’une autoperception flatteuse mais fausse.
L’autosatisfaction ne saurait être un rempart contre le discrédit, pas plus qu’elle ne suffit à forger une légitimité durable. Gouverner, ce n’est pas s’exonérer du réel, c’est lui faire face avec rigueur, humilité et lucidité.
Paul Valéry, en observateur lucide des dérives humaines, nous rappelle que l’essence du débat repose sur la confrontation des idées, non sur l’anathème jeté contre ceux qui les formulent. À Kinshasa, il ne s’agit pas d’un simple glissement rhétorique, mais d’un mécanisme systémique de défense, révélateur d’un pouvoir qui, faute de pouvoir convaincre, préfère réduire au silence. Or, la démocratie ne s’épanouit que dans le tumulte des voix contradictoires, jamais dans la violence de l’unanimisme imposé.
Il reste à espérer ou à exiger que cette mascarade cesse. Que le gouvernement comprenne que l’autorité ne se construit pas contre les critiques, mais à travers la capacité d’y répondre avec arguments, réformes et actes. Car le vrai danger n’est pas la dénonciation, mais le silence qui suit, quand la parole, exaspérée de n’être jamais entendue, se retire ou pire encore, s’éteint.
Le Congo ne mérite pas ce naufrage rhétorique. Il a besoin de vérité, de compétence, et d’un sens aigu de l’État. Il est temps d’abandonner la dialectique de l’esquive et de renouer avec l’intelligence critique, cette arme pacifique qui seule peut refonder une nation.

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