Cette intransigeance a retardé les véritables efforts de paix, jusqu’à l’intervention d’acteurs plus pragmatiques et mieux informés comme le Qatar et les États-Unis. Ces derniers ont su comprendre à la fois les causes profondes du conflit dans l’est de la RDC et la réalité du terrain.
Contrairement à la Belgique, ils ne se sont pas laissés duper par le théâtre politique superficiel orchestré à Kinshasa — une mise en scène qui présentait les victimes comme des coupables et glorifiait des acteurs génocidaires en patriotes.
Pendant des années, Bruxelles, obnubilée par la préservation d’une conception dépassée des « intérêts belgo-congolais », a activement encouragé l’approche militariste privilégiée par Tshisekedi.
Les processus de Luanda et de Nairobi ont été écartés au profit de la pompe et d’une rhétorique belliqueuse, alimentée par l’illusion d’une victoire militaire et de sanctions diplomatiques contre le Rwanda.
La Belgique, main dans la main avec Kinshasa, a misé sur cette stratégie sans jamais s’attaquer aux véritables causes de la violence dans les Kivus : les génocidaires des FDLR, les campagnes de purification ethnique et l’exil prolongé des réfugiés tutsi congolais.
Aujourd’hui, alors que des puissances régionales et internationales telles que la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), le Qatar et les États-Unis s’accordent autour de solutions concrètes — incluant des négociations et le retour des réfugiés — la Belgique tente maladroitement de faire marche arrière.
Bruxelles, soudainement frappée d’amnésie diplomatique, a dépêché le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot pour une tournée régionale.
Changement de position
Dans un revirement surprenant, il reconnaît désormais ce qui avait été ignoré jusqu’ici : la collaboration des FARDC avec les éléments génocidaires des FDLR, la prolifération des discours de haine contre les Tutsis congolais, et le refus flagrant de réintégrer les réfugiés tutsis, abandonnés en exil depuis plus de trente ans.
Mais ce volte-face intervient bien trop tard. Le mal est fait.
L’influence de la Belgique au sein de l’Union européenne a été mobilisée non pas pour freiner les alliances dangereuses de Kinshasa, mais pour les protéger — renforçant ainsi l’illusion selon laquelle le gouvernement Tshisekedi serait victime d’une agression rwandaise, plutôt qu’un régime facilitant des atrocités de masse contre son propre peuple.
L’Europe a émis des condamnations contre le Rwanda et sanctionné des responsables rwandais, tout en fermant les yeux sur l’impunité des FDLR et l’intégration par l’armée congolaise de milices haineuses dans ses structures officielles.
Dans toutes ces collusions, Bruxelles n’a pas été un simple observateur ; elle a été un facilitateur d’un conflit prolongé et d’une souffrance accrue pour les Congolais.
Sous sa surveillance, la RDC a armé d’innombrables combattants « Wazalendo » — des milices ethnonationalistes faiblement organisées, dont beaucoup ont explicitement déclaré leur intention de « nettoyer » l’est du Congo des Tutsis.
Ces groupes font désormais partie de la RAD (Réserve de Défense Armée), légitimée par Kinshasa et utilisée comme forces auxiliaires par les FARDC. Cette militarisation grotesque du sentiment anti-Tutsi n’est pas un effet secondaire malheureux ; c’est la stratégie elle-même.
Les prétendues milices Wazalendo opèrent sous un seul slogan : « Nous ne voulons pas de Tutsis parmi nous. Ce sont des envahisseurs qui veulent s’emparer des terres bantoues. »
Ce mantra terrifiant rappelle la propagande qui a précédé le génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Un écho que la Belgique devrait tristement bien reconnaître, au vu de son rôle colonial dans l’alimentation de la haine ethnique dans la région des Grands Lacs.
Pourtant aujourd’hui, alors que les discours de haine prospèrent en RDC, la diplomatie belge n’a opposé aucune résistance sérieuse.
Au contraire, des militants et des responsables affiliés au parti UDPS du président Tshisekedi — notamment des idéologues anti-Tutsi virulents tels que Justin Bitakwira et Constant Mutamba — s’expriment et agissent en toute impunité.
Où est l’indignation ? Où est la responsabilité ? En refusant de dénoncer cette rhétorique dangereuse et en soutenant tacitement le narratif de Kinshasa, la Belgique porte une part de responsabilité dans le chaos actuel.
Le discours de haine n’est pas un accident du système ; il est l’élément moteur de la mobilisation populaire contre l’AFC/M23. La diabolisation des Tutsis congolais en tant que « Rwandais » — des étrangers dans leur propre pays — a servi de cri de ralliement à une nation fragmentée, manipulée par une direction politique en quête de boucs émissaires.
La crise de l’AFC/M23 n’est pas une simple rébellion. C’est le symptôme d’un mal plus profond : le refus des gouvernements congolais successifs de permettre le retour digne des réfugiés tutsis et de reconnaître pleinement les Tutsis comme citoyens à part entière.
Cette crise n’a pas commencé en 2022 ; elle trouve ses racines dans plus de trois décennies d’apatridie, de déplacements massifs et de violences ciblées.
Les FDLR, fondées par des auteurs du Génocide contre les Tutsi, ont instrumentalisé cette discrimination, contraignant des milliers de Congolais à rejoindre leur guerre de revanche.
Quelle paix peut être envisagée lorsque des génocidaires sont utilisés comme partenaires de facto dans des opérations militaires étatiques ? Quel processus de désarmement peut aboutir lorsque les groupes armés à démobiliser sont officiellement soutenus par le gouvernement et alimentés par une idéologie promue par l’État ?
L’État congolais a totalement perdu le contrôle de son territoire oriental. Même le président Tshisekedi — censé être le commandant en chef — n’a aucune idée précise du nombre de combattants Wazalendo qu’il a armés.
Son entourage est dominé par des opportunistes et des extrémistes qui ont exploité sa faiblesse et son inexpérience pour militariser les conflits locaux, radicaliser les communautés et institutionnaliser la violence.
L’appareil sécuritaire de l’État ne suit plus une logique centralisée, mais un patchwork de seigneurs de guerre locaux et de milices ethniques qui opèrent avec peu de supervision et encore moins de discipline.
Cette situation a créé un cauchemar sécuritaire. Les civils — en particulier les Tutsis congolais — vivent dans une peur permanente de harcèlements, de violences, voire de pires. Les groupes armés prolifèrent.
Les armes circulent librement. La haine se propage comme une traînée de poudre. La communauté internationale reste dans l’incertitude, se demandant si ce chaos résulte d’une incompétence ou d’une stratégie délibérée.
Au milieu de tout cela, le gouvernement congolais continue d’insister sur une lutte militaire contre le M23, refusant le dialogue malgré les accords régionaux. Ce refus n’était pas organique.
Il a été nourri par un cocon de politique étrangère — principalement belge — qui a caressé les illusions de victimisation de Kinshasa tout en ignorant la radicalisation croissante au sein de ses rangs.
Ce n’est qu’avec l’entrée en scène du Qatar et des États-Unis que le discours a commencé à évoluer. Contrairement à la Belgique, ces acteurs sont arrivés avec une compréhension claire : qu’aucune paix ne peut être obtenue sans traiter le problème fondamental — la citoyenneté, la sécurité, et le retour des réfugiés Tutsis congolais, ainsi que le démantèlement des milices liées aux FDLR.
Ils ont apporté de la nuance, de la pression, et surtout, du réalisme.
Tenter de rattraper le retard
Aujourd’hui, la Belgique se trouve dans une position d’irrélevance — un acteur mis à l’écart qui cherche désespérément à rester visible à travers la « diplomatie de navette ». La reconnaissance par le ministre Prévot du discours de haine et de l’alliance FDLR-FARDC peut arriver trop tard.
Ce ne sont pas de nouvelles révélations ; ce sont des faits bien documentés, longtemps niés ou écartés par les responsables belges désireux de défendre leur allié à Kinshasa.
La dernière ironie est que la diplomatie aveugle de la Belgique a contribué aux conditions exactes qui menacent maintenant d’imploser complètement l’est de la République Démocratique du Congo. Ce qui était autrefois présenté comme « la protection de la souveraineté congolaise » est devenu une recette pour la désintégration de l’État.
Les milices « Wazalendo » ne sont pas des instruments de l’ordre ; ce sont des semences de violence incontrôlable. Le génie est sorti de la bouteille, et personne ne sait comment le remettre à l’intérieur.
Sans une coopération régionale solide — en particulier impliquant le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie — et un AFC/M23 renforcé avec des objectifs crédibles de désarmement, l’est de la République Démocratique du Congo est voué à sombrer davantage.
Le Burundi et la SAMIDRC ont prouvé leur partialité et leur inefficacité, et la MONUSCO a depuis longtemps cessé d’être une force stabilisatrice sérieuse.
La Belgique doit accepter son échec. Elle doit reconnaître le rôle qu’elle a joué en légitimant la haine, en diagnostiquant mal la crise et en renforçant un régime qui flirte avec les atrocités de masse.
Il est temps pour Bruxelles d’abandonner ses instincts néocoloniaux dépassés et de s’aligner sur des efforts qui privilégient réellement la paix, l’inclusion et la responsabilité.
Ainsi, le grand guerrier des slogans, le président Tshisekedi — qui tonnait autrefois devant les caméras qu’il « ne négocierait jamais avec des terroristes étrangers » — a maintenant, dans un retournement surprenant, dialogué avec ces mêmes « terroristes ».
Le M23, autrefois présenté comme des envahisseurs venus d’une autre galaxie (ou peut-être juste du Rwanda), sont soudainement devenus des humains négociables — et des Congolais. Qui aurait su que la réalité avait un tel sens de l’ironie ?
Quant à la Belgique — oh la Belgique ! — la nourrice coloniale qui applaudissait les gesticulations de Tshisekedi tout en poussant l’UE dans une salle de miroirs, se retrouve maintenant à courir après dans une course diplomatique qu’elle a elle-même sabotée.
Après avoir attisé les flammes, Bruxelles veut maintenant jouer les pompiers, errant à travers la région avec un seau de demi-excuses et des déclarations de « vive inquiétude ».
L’épiphanie de Maxime Prévot — réalisant que fournir des armes à des génocidaires et ignorer les réfugiés n’était peut-être pas une politique aussi judicieuse — est survenue uniquement après que les défaites se soient enchaînées, à l’image de réparations coloniales longtemps négligées.
Tshisekedi, autrefois si sûr de pouvoir écraser le M23 et détrôner le président rwandais Paul Kagame avant le déjeuner, marmonne maintenant des accords tout en jetant des regards nerveux par-dessus son épaule.
La réalité fait mal. Et quand elle le fait, elle se moque du nombre de drapeaux que vous agitez, ou du nombre de déclarations de l’UE que vous forgez — elle vous rappelle simplement que les slogans ne gagnent pas les guerres. Une politique solide, oui.

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