Chebumba, modeste agglomération nichée dans le groupement de Buzi, a une dizaine des kilomètres de Minova est devenu théâtre d’une folie où les alliés d’hier se tirent dessus comme des étrangers. FARDC et Wazalendo, noms liés par une coalition fragile, ont révélé la véritable nature de leur union : un pacte d’intérêts divergents, scellé non par une cause commune mais par des motivations bassement mercantiles.
Comment expliquer que ceux qui jurent défendre la même patrie se muent en fossoyeurs de leurs propres frères ? Ici, le sang n’est plus qu’une monnaie courante, un prix à payer dans une guerre où l’appât du gain est roi. Un soldat, un Muzalendo, a refusé de porter la ration de ceux qui se disent défenseurs de la nation. Et pour ce refus, il a payé de sa vie. Non pas au front d’une bataille légitime, mais dans une absurdité cruelle qui laisse les femmes pleurer leurs morts et les enfants grandir dans la peur.
Que dire de ces deux femmes blessées, de cette vieille dame abattue alors qu’elle ne faisait qu’être là, au mauvais moment, sur le mauvais chemin ? Les balles, dans leur insouciance, ignorent la frontière entre coupable et innocent. Et les Wazalendo, dans leur riposte furieuse, n’ont fait qu’ajouter au chaos, envoyant deux soldats de Satan 2 dans l’au- delà.
Les raisons ? Elles ne se trouvent ni dans la bravoure ni dans la loyauté. C’est l’or qui guide, ou peut-être quelque maigre denrée, mais jamais la justice ni la vérité. Les FARDC, un symbole effrité d’une armée censée protéger, deviennent bourreaux ; les Wazalendo, érigés en résistants populaires, plongent eux aussi dans la violence aveugle.
Il n’y a pas que Kalehe qui subit la cacophonie des FARDC et ses alliés encombrants. Dans le Masisi, dans la ville de Goma et ses environs, dans les camps des déplacés internes, dans Rutshuru, plus loin à Butembo ou Lubero, où qu’ils se trouvent, c’est toujours la même rengaine entre ces faux frères d’armes. Et le gouvernement ne semble pas s’en émouvoir ni prendre des mesures pour y mettre fin. Les organisations des droits humains, promptes à donner des leçons à la terre entière, sont aux abonnés absents. La population de l’Est de la RDC est abandonnée à son triste sort dans ce pays devenu une zone de non-droit.
Et les civils ? Toujours spectateurs impuissants d’une pièce macabre qu’ils n’ont jamais choisie. Buzi, marqué par des décennies d’incidents sécuritaires, se noie dans l’attente d’une justice qui ne vient jamais. Aucun procès, aucune audience foraine pour rappeler que les crimes commis méritent réprimande et non silence.
Alors, Kalehe, combien de larmes faut-il pour irriguer une terre de paix ? Combien de vies arrachées avant que les armes ne se taisent ? Le bruit des tirs résonne encore, mais c’est le silence de la justice qui tue plus sûrement.
Faut-il attendre que les collines de Buzi s’effondrent sous le poids des morts pour que les droits de l’homme franchissent ces montagnes ? Ou devons-nous, ici et maintenant, prêter l’oreille aux appels désespérés des vivants, et brandir non pas des fusils, mais la bannière de la dignité ?
Kalehe, que ton histoire ne soit plus écrite en lettres de sang, mais en pages d’espérance.
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