Le jour où tout a basculé

Redigé par IGIHE
Le 7 avril 2025 à 11:14

Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, après que l’avion Falcon 50 transportant le président Juvénal Habyarimana eut été abattu, les Interahamwe, appuyés par des éléments de la garde présidentielle, installèrent immédiatement des barrages routiers dans divers quartiers de Kigali, marquant ainsi le début des massacres systématiques des Tutsi.

L’une des premières initiatives des miliciens fut de chercher un moyen d’exterminer les Tutsi réfugiés au stade Amahoro, à Remera — un lieu alors considéré comme sûr car placé sous la protection des troupes de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).

Ce plan fut déjoué grâce à des affrontements entre les Forces du Front Patriotique Rwandais (FPR-Inkotanyi) et les soldats de la garde présidentielle, permettant ainsi à la majorité des réfugiés — Tutsis et autres — de survivre.

Parmi les rescapés figurait François Veriter, un consultant belge en gouvernance, chargé d’évaluer des projets financés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Rwanda.

Ce même jour, le major Aloys Ntabakuze, commandant du bataillon des para-commandos stationné au camp militaire de Kanombe, donna l’ordre à ses hommes d’exécuter tous les Tutsi et les opposants au régime vivant aux abords du camp, notamment dans le quartier de Kajagari.

À Remera, dix-sept Tutsis — parmi eux des prêtres et des religieuses — furent assassinés au Centre Christus des Pères Jésuites. Parmi les victimes figurait le Père Chrysologue Mahame, jésuite de 67 ans, directeur du centre et cofondateur de l’Association des Volontaires de la Paix (AVP), une organisation engagée dans la défense des droits humains et la promotion de la paix.

Tous furent tués par des militaires du régime, notamment des éléments de la garde présidentielle et des para-commandos de Kanombe, assistés des miliciens Interahamwe.

L’élimination des opposants politiques au projet génocidaire

Dans le cadre du plan visant à éliminer les figures politiques opposées au régime Habyarimana et à son projet génocidaire, la première cible fut la première ministre Agathe Uwilingiyimana. Le 7 avril 1994, elle fut assassinée, ainsi que les dix Casques bleus belges chargés de sa protection. Ces derniers furent capturés, torturés, puis exécutés par des militaires rwandais placés sous le commandement du major Bernard Ntuyahaga. Ce dernier fut reconnu coupable par la justice belge en 2007 et condamné à vingt ans de prison. Il a depuis purgé sa peine et réside actuellement au Rwanda.

Parmi les autres personnalités assassinées figuraient :

Joseph Kavaruganda, président de la Cour constitutionnelle,

Frédéric Nzamurambaho, ministre et président du Parti social-démocrate (PSD),

Me Félicien Ngango, vice-président du PSD, ainsi que son épouse Odette Ubonabenshi,

Faustin Rucogoza, ministre de l’Information et membre du Mouvement démocratique républicain (MDR),

Landouald Ndasingwa, cadre du Parti libéral (PL).

Tous furent exécutés par la garde présidentielle dans le cadre d’une stratégie d’élimination systématique.

La Radio Muhabura, station de radio du FPR-Inkotanyi, fut la première à évoquer ces assassinats. Le commandant en chef du FPR déclara qu’il avait le devoir de protéger les civils innocents et ordonna le lancement d’une opération visant à mettre fin à ce génocide qui était en cours.

La propagation du génocide

Dès la nuit du 6 avril 1994, la Radio Rwanda et la RTLM diffusèrent un communiqué signé par le colonel Théoneste Bagosora, directeur de cabinet au ministère de la Défense, au nom du ministre. Le message confirmait la mort du président Habyarimana et exhortait la population à rester chez elle. En réalité, cet appel visait à empêcher les Tutsi de fuir, facilitant ainsi leur extermination.

Immédiatement après l’annonce de la mort du président Habyarimana, les Interahamwe instaurèrent des barrières dans plusieurs quartiers de Kigali, notamment à Kacyiru et Kimihurura, et commencèrent les massacres. Très rapidement, les tueries s’étendirent à l’ensemble du pays, organisées par les bourgmestres et autres responsables locaux.

Quelques exemples parmi tant d’autres :

À Giciye (préfecture de Gisenyi), de nombreux Tutsi furent tués, dont l’épouse de Christophe Bazivamo, employé dans un projet agricole local.

À Bicumbi (Kigali rural), le bourgmestre Juvénal Rugambarara lança personnellement les massacres. Il avoua, lors de son procès devant le TPIR, avoir tué une centaine de Tutsi et fut reconnu coupable.

À Nyamata (Bugesera) et à Sake (Kibungo), les tueries prirent une ampleur encore plus grande.

À Runda (anciennement Gitarama, aujourd’hui Kamonyi), des tueries de grande ampleur eurent lieu dans plusieurs localités telles que Biharabuge, Ruramba, Isenga, Ruliba, Gasharara, Idongo, la station de Runda et la barrière de Bishenyi. Les corps des victimes furent jetés dans l’étang de Cyabariza. Parmi les premiers responsables identifiés de ces massacres à Runda figurent Claver Kamana, entrepreneur, Pélagie Uwimana, enseignante, et Sixbert Ndayambaje, bourgmestre de la commune.

À Kayenzi (Gitarama), les Tutsis furent massacrés à Cocobeka et Intwari, près de la rivière Nyabarongo.

À Muko (anciennement Gikongoro, aujourd’hui Nyamagabe), un groupe d’environ 100 tueurs, sous la direction du chef de la police communale et avec la complicité du bourgmestre Albert Kayihura, fit irruption à la paroisse de Mushubi, où ils tuèrent six Tutsis réfugiés, dont Michel Gacendeli, comptable communal, et sa famille.

Gisenyi : massacres organisés par les autorités militaires

À Gisenyi, le colonel Anatole Nsengiyumva, commandant de la garnison, convoqua une réunion avec les membres des Interahamwe, des Impuzamugambi, ainsi que des militaires et des gendarmes. Lors de cette réunion, il fut décidé d’établir des barrages et d’exécuter tous les Tutsi. Les corps des victimes furent ensuite jetés dans des fosses communes, notamment dans un cimetière surnommé la “Commune Rouge”.

Les massacres débutèrent également à Nyundo, où plus de 800 Tutsis — parmi lesquels de nombreuses femmes et enfants réfugiés à la paroisse catholique — furent tués. Le soir du 7 avril, 50 Tutsis furent tués au petit séminaire de Nyundo, tandis que 150 autres périrent à la paroisse de Busasamana.

D’autres tueries eurent lieu à Kabasheja, au Centre Saint-Pierre, à l’usine Rwandex, à l’église "Stella Maris", ainsi qu’à la Commune Rouge.

Les soldats du camp militaire de Bigogwe, sous le commandement du lieutenant-colonel Alphonse Nzungize, prirent également part aux massacres dans les secteurs de Mutura, Rwerere, Mudende et Bigogwe.

Ruhengeri : lancement du génocide lors d’une réunion du MRND

Le 7 avril 1994, Joseph Nzirorera, secrétaire général du MRND, organisa une réunion à son domicile à Ruhengeri pour orchestrer les massacres dans la préfecture. À cette réunion participèrent notamment le colonel Ephrem Setako, le colonel Augustin Bizimungu, Casimir Bizimungu, Emmanuel Harerimana (bourgmestre de Mukingo), Dominique Gatsimbanyi (bourgmestre de Nkuli), ainsi que des membres des Interahamwe.

Le colonel Bizimungu distribua des armes aux conseillers communaux, qui les remirent ensuite aux Interahamwe sous la direction de Kajerijeri et Esdras Baheza.

À Busogo, tous les Tutsi réfugiés à l’Institut supérieur d’agronomie furent massacrés, tout comme 43 autres Tutsi qui se trouvaient à la paroisse locale.

Le 7 avril, vers 15 h, il ne restait plus aucun survivant tutsi à Busogo. Les jours suivants, les Interahamwe, surnommés “Amahindure” (originaires de Mukingo), poursuivirent les massacres dans d’autres secteurs, notamment au palais de justice de Ruhengeri, à Nyabihu, à Musumba (Nkuli) et à Nyakinama.

Les massacres touchèrent également d’autres régions, notamment Bugarama (Cyangugu, aujourd’hui Rusizi), où les Tutsi furent jetés dans les rivières Rusizi, Ruhwa et Rubyiro. Ces atrocités furent commises sous les ordres de Yussuf Munyakazi et de Marcel Sebatware, ce dernier ayant trouvé refuge en Belgique.

Ce même jour, Les massacres touchèrent également des lieux tels que Gikundamvura, Kivuruga, Musasa, Muhondo, Tare, l’hôpital de Nemba, le centre de Gakenke, ainsi que Kananira (Nkungu), Hesha (Mukamira), Gisizi (Muringa), le camp militaire de Mukamira, l’église de Rambura, le camp de Bigogwe et le secteur de Byahi (Rubavu).

Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, les Interahamwe, soutenus par la garde présidentielle, installèrent des barrages à Kigali, lançant les massacres des Tutsi

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