Dans quelle mesure le sursaut civique peut-il jouer un rôle dans la réhabilitation des valeurs, tout en évaluant l’importance des autres forces sociales et la direction à donner à ce mouvement.

Le sursaut civique s’apparente à une prise de conscience collective où les citoyens se mobilisent pour défendre des principes fondamentaux, tels que la justice, l’intégrité et la solidarité.

Dans plusieurs contextes historiques, notamment lors des révolutions démocratiques, ce réveil a souvent permis de rétablir des valeurs sociétales en péril. Par exemple, en Afrique, les mouvements citoyens ont parfois renversé des dictatures, restauré les droits humains, et redéfini les fondements moraux de l’État.

Cependant, si le sursaut civique est un prérequis au changement, il ne peut pas à lui seul inverser des décennies de dégradation des valeurs. Sans un cadre institutionnel solide et sans appui des structures politiques et religieuses, cet élan risque de s’essouffler. En effet, l’action civique doit être accompagnée d’une volonté politique ferme et d’une direction intellectuelle cohérente pour qu’un véritable changement durable puisse s’opérer.

Les acteurs de la société civile et les intellectuels sont souvent les architectes des mouvements de réhabilitation des valeurs. Ils donnent un cadre à l’engagement citoyen et orientent les actions vers des réformes législatives et constitutionnelles concrètes. La politique, lorsqu’elle est menée avec une volonté réformatrice, peut offrir un terrain favorable à la restauration des valeurs.

Par exemple, des figures charismatiques telles que Nelson Mandela ou Martin Luther King ont su non seulement sensibiliser les populations, mais aussi proposer des projets de société fondés sur des valeurs morales rétablies.

Historiquement, l’Église a joué un rôle crucial dans la préservation et la transmission des valeurs morales. Dans certains pays, elle a été un rempart contre les dérives politiques et un catalyseur des mouvements civiques. En Afrique, plusieurs figures religieuses ont été à l’avant-garde des mobilisations pour la justice sociale et la paix. Cependant, il est essentiel que l’Église ne se limite pas à un rôle moral, mais qu’elle participe activement à l’élaboration de projets concrets de société, notamment en promouvant l’éducation et la responsabilité sociale.

Le sursaut civique, associé à la mobilisation des forces politiques et religieuses, doit s’orienter vers un projet national clair. Il est impératif de déterminer quelles valeurs doivent être restaurées et comment les intégrer dans le cadre institutionnel. Cela implique une redéfinition des priorités, comme la lutte contre la corruption, la promotion des droits humains, et la construction d’un État de droit fondé sur des principes éthiques solides.

Le projet de réinversion des valeurs doit impérativement intégrer une dimension éducative. La transmission des valeurs morales et éthiques doit commencer dès le plus jeune âge, à travers des réformes éducatives qui inculquent le sens du civisme et de la responsabilité. L’avenir d’un pays réside dans sa jeunesse, et il est donc essentiel que celle-ci soit éduquée dans un cadre de valeurs fortes et exemplaires.

Le sursaut civique peut constituer une première étape dans le processus de réhabilitation des valeurs, mais il ne saurait suffire à lui seul. Les mobilisations politiques, sociales, intellectuelles et religieuses sont essentielles pour donner une direction et un sens à cette mobilisation.

Cependant, la véritable question réside dans le projet de société à construire autour de ces forces, un projet qui doit être fondé sur l’éducation, l’éthique, et la justice. La trajectoire politique de la RDC peut effectivement être infléchie, mais cela nécessitera une collaboration entre toutes les forces vives de la nation, dans une perspective de long terme.
A bon entendeur salut !

Mgr Fulgence Muteba est connu pour avoir critiqué sévèrement le fossé grandissant entre l’opulence de l’élite politique et la pauvreté de plus en plus profonde du peuple congolais.