Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont amorcé, dans la plus grande discrétion, l’évacuation de leurs armes lourdes vers le Burundi, par le poste frontalier de Kavimvira-Gatumba, en direction du camp militaire de Mudubugu. Ce transfert précipité trahit moins une manœuvre tactique qu’une retraite déguisée, nourrie par la peur d’une avancée irrésistible des troupes de l’AFC/M23.
Cette décision, que d’aucuns à Kinshasa qualifient de « retrait stratégique », s’explique en réalité par un traumatisme profond : celui de la chute de Goma, à la fin janvier, lorsque les rebelles s’étaient emparés, sans grande résistance, d’un arsenal étatique d’une ampleur inédite : chars de combat, drones, canons antiaériens, véhicules blindés, mortiers et même un avion de chasse.
Le gouvernement congolais, humilié par cette défaite cinglante, cherche aujourd’hui à éviter la répétition d’un tel désastre logistique, mais au prix d’un abandon progressif de son propre territoire.
Il s’agirait d’une mesure préventive destinée à préserver les équipements restants des mains ennemies. Pourtant, derrière ce langage feutré de la diplomatie militaire, se dissimule un aveu accablant : l’armée congolaise n’a plus confiance en sa propre capacité de résistance.
Car en cédant le terrain, c’est l’esprit même de la souveraineté nationale qu’elle recule, ouvrant la voie à une probable prise d’Uvira par l’AFC/M23, après la chute successive de Goma et de Bukavu. Si ce scénario se confirmait, les rebelles contrôleraient alors la quasi-totalité de l’axe stratégique de l’Est congolais, verrouillant les routes commerciales et asphyxiant le pouvoir central.
Une coalition sans âme, une stratégie sans horizon
L’effondrement militaire en cours met en lumière l’incohérence structurelle de la coalition pro-gouvernementale. Autour des FARDC gravitent désormais une constellation d’alliés improbables : la milice génocidaire FDLR, revenue des ténèbres de l’histoire pour se recycler en supplétif de fortune ; les miliciens Wazalendo, improvisés patriotes dont la brutalité n’a d’égale que l’indiscipline ; les mercenaires, recrutés à prix d’or mais dénués d’attachement à la cause congolaise ; et enfin, les troupes burundaises, engagées dans une guerre qui n’est pas la leur mais qui sert leurs intérêts tactiques régionaux.
Cette armée composite, où se côtoient les anciens bourreaux du Rwanda et des éléments étrangers aux motivations obscures, ne partage ni vision, ni commandement, ni même une compréhension commune du terrain.
C’est un assemblage de factions, sans doctrine ni cohérence, où la corruption supplée la stratégie et où la peur tient lieu de discipline. Dans ces conditions, comment s’étonner que l’AFC/M23, force disciplinée, méthodique et portée par un objectif politique clair, ait pu infliger à cette coalition le revers cuisant que le pays observe aujourd’hui ?
Ce n’est pas seulement une défaite militaire, mais une faillite morale et politique. En s’appuyant sur les résidus criminels des FDLR et sur des contingents étrangers, Kinshasa a trahi la cause de sa propre armée nationale et, ce faisant, compromis son autorité.
En confiant la défense du territoire à des acteurs sans foi ni loi, le pouvoir congolais a substitué à la souveraineté le chaos organisé, à la stratégie l’improvisation, et à la défense nationale la dépendance.
L’illusion du nationalisme armé
L’évacuation d’Uvira, présentée comme une mesure de précaution, est en vérité le symbole éclatant d’une débâcle annoncée.
Elle marque la fin d’une illusion : celle d’un État qui croyait pouvoir restaurer son autorité en s’alliant à ses propres fossoyeurs. Car nul ne saurait bâtir la sécurité nationale sur la compromission avec des forces de mort, ni prétendre à la victoire en trahissant la mémoire des victimes des massacres orchestrés par les FDLR.
Dans les rues d’Uvira, le silence des armes lourdes déplacées résonne comme un aveu : le pouvoir a peur de son ombre. A Kinshasa, on parle encore de « dialogue » et de « processus de paix », mais sur le terrain, la réalité est nue : l’armée recule, la coalition se délite, et l’État se fragmente.
L’AFC/M23, quant à elle, avance méthodiquement, imposant la rigueur de son organisation face à une armée égarée dans ses contradictions.
Ce n’est plus une simple bataille pour le contrôle d’une ville : c’est la crise existentielle d’un régime qui, à force de manœuvres politiciennes et de collusions douteuses, a perdu la confiance du peuple comme celle de ses soldats. Uvira devient ainsi le symbole de la faillite d’un système, celui d’un pouvoir qui se voulait fort, mais qui n’a su que multiplier les allégeances et disperser son autorité.
À mesure que le front s’effrite, la RDC s’enfonce dans une logique de défaite intériorisée. Et si le gouvernement ne retrouve pas la lucidité politique et morale nécessaire pour rompre avec les FDLR, les mercenaires et les alliances de circonstance, l’histoire retiendra que la chute d’Uvira fut moins une défaite militaire qu’une capitulation éthique, celle d’un État qui, pour sauver ses armes, aura perdu son honneur.

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