RDC et Rwanda ou du fracas des armes à la diplomatie des projets

Redigé par Tite Gatabazi
Le 11 août 2025 à 11:26

L’Afrique des Grands Lacs, longtemps prisonnière de ses convulsions géopolitiques, offre aujourd’hui les premiers signes d’un basculement historique. L’accord scellé à Washington entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, bien que récent, commence à produire ses effets concrets : outre la neutralisation des FDLR et la mise en œuvre de projets conjoints dans les domaines stratégiques de l’environnement, des énergies et du commerce transfrontalier.

Si l’on devait résumer en une phrase l’ambition de cet accord, ce serait celle-ci : substituer à la logique de confrontation une dynamique de co-développement. Une ambition simple dans sa formulation, mais vertigineuse dans ses implications.

La paix comme préalable au développement

Depuis trois décennies, l’Est congolais a été le théâtre d’un enchevêtrement tragique de guerres, de rebellions et d’interventions armées. La persistance des FDLR, résidu armé d’un drame rwandais transposé en territoire congolais, a longtemps servi de prétexte et de catalyseur aux tensions entre Kinshasa et Kigali. En inscrivant leur neutralisation au cœur de l’accord de Washington, les deux capitales posent enfin le jalon d’une pacification durable, condition sine qua non de toute prospérité partagée.

Il ne s’agit pas seulement de désarmer un groupe armé ; il s’agit de rompre avec un cycle de suspicion et de représailles, de réorienter les énergies politiques vers la construction plutôt que la destruction.

La diplomatie des infrastructures : un pari sur l’avenir

Parmi les projets phares annoncés, celui de la société américaine Symbion Power attire particulièrement l’attention : un investissement colossal de 700 millions de dollars pour ériger une centrale électrique de 140 mégawatts sur le lac Kivu, côté congolais, assorti de lignes de transport courant le long de la frontière rwandaise.

Ce n’est pas qu’un chantier énergétique ; c’est une infrastructure diplomatique. Elle incarne l’idée qu’un réseau électrique partagé peut devenir un réseau de confiance mutuelle. Elle démontre que l’intégration régionale ne se décrète pas dans les communiqués finaux des sommets, mais qu’elle se bâtit dans le béton des barrages, dans le cuivre des câbles et dans la lumière des foyers électrifiés.

L’économie verte comme ciment de la coopération

L’accord ne se limite pas à l’énergie. Il ouvre également des perspectives communes en matière de gestion environnementale. Le lac Kivu, dont les profondeurs recèlent d’immenses réserves de gaz méthane, symbolise à la fois le danger et l’opportunité : mal géré, il peut devenir une bombe écologique ; exploité avec rigueur, il peut alimenter les deux économies et réduire leur dépendance énergétique.

Cette approche pragmatique, centrée sur les intérêts économiques et environnementaux convergents, est sans doute la meilleure garantie de durabilité. Les ressources naturelles cessent d’être le butin d’une compétition prédatrice pour devenir l’ossature d’une prospérité partagée.
Les risques d’un optimisme prématuré

Toutefois, il serait naïf de croire que les séquelles de décennies de méfiance disparaîtront par la seule magie des contrats signés. La réussite de l’accord dépendra moins de l’ampleur des annonces que de la rigueur de leur exécution. Les rivalités politiques, les interférences des groupes armés résiduels, les aléas de financement et les crispations nationalistes peuvent encore fragiliser cette architecture de paix.

Il faudra, pour que cet élan survive, un engagement constant, une transparence absolue dans la gestion des projets et une volonté réelle de partager équitablement les bénéfices.

La coopération ne peut se construire que sur un socle de confiance et de réciprocité, non sur des promesses unilatérales.

La lumière au bout du tunnel

En investissant conjointement dans l’énergie, l’environnement et le commerce, la RDC et le Rwanda amorcent une transition rare : celle qui mène de la diplomatie des conflits à la diplomatie des projets. L’accord de Washington pourrait ainsi devenir, s’il est respecté et prolongé, un précédent précieux dans une région où la normalisation des relations bilatérales a toujours semblé hors de portée.

Car au fond, il n’y a pas de paix durable sans développement partagé. Et il n’y a pas de développement partagé sans infrastructures communes. Le véritable test commencera lorsque les turbines de la centrale du lac Kivu tourneront, non seulement pour alimenter des foyers en électricité, mais pour alimenter, plus encore, la confiance entre deux nations que l’Histoire a trop souvent placées en face-à-face armé.

L’accord de Washington entre la RDC et le Rwanda amorce un tournant, avec la neutralisation des FDLR et des projets communs dans plusieurs secteurs clés

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