SAMIDRC ou la chronique d’un désastre stratégique prémédité

Redigé par Tite Gatabazi
Le 7 mai 2025 à 01:39

La Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo (SAMIDRC) s’illustre désormais comme l’exemple paradigmatique d’un désastre militaire annoncé, où l’impuissance stratégique fut travestie sous les apparences trompeuses d’un succès diplomatique.

Conçue dès l’origine dans un aveuglement doctrinal confondant, privée des moyens opérationnels élémentaires, dépourvue d’une articulation cohérente entre ses ambitions affichées et ses capacités effectives, la SAMIDRC s’est effondrée dans un silence glaçant, trahissant les soldats envoyés sur le théâtre congolais avec pour seul viatique une rhétorique incantatoire.

Le vernis discursif apposé par les autorités sud-africaines ne parvient plus à dissimuler l’amertume d’un fiasco qui, loin de redonner souffle à la paix régionale, a accéléré la dislocation des lignes congolaises, amplifié la détresse des civils, et consacré l’incapacité chronique de la SADC à agir comme une force autonome crédible.

Ce que l’on voudrait présenter comme une victoire tactique ponctuelle n’est, en réalité, que le revers accablant d’une entreprise militaire à ce point viciée dans sa conception qu’elle en devint, pour ses protagonistes, un tombeau diplomatique et moral.

Sous les ors rhétoriques d’un discours officiel lissé par les impératifs de la communication politique, la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo (SAMIDRC) s’achève dans un silence feutré, lesté de désillusions, de sacrifices stériles, et d’un échec d’autant plus accablant qu’il était prévisible.

Des voix autorisées, expertes et lucides, s’élèvent avec véhémence contre ce qu’elles qualifient sans ambages de mascarade mémorielle et de négation tragique de la réalité opérationnelle.

Le 4 mai dernier, dans le cadre d’une conférence de presse à la solennité maîtrisée, la ministre sud-africaine de la Défense, Angie Motshekga, flanquée du chef d’état-major de la SANDF, le général Rudzani Maphwanya, a tenté d’imposer une narration aux antipodes de l’évidence tactique et stratégique : celle d’une mission présentée comme une pierre d’angle dans l’édifice fragile de la paix congolaise.

Loin d’être saluée, cette tentative d’imposer une lecture laudative d’une opération avortée a suscité la colère froide et analytique d’experts en défense, qui dénoncent, documents et bilans en main, une entreprise militaire désarticulée, privée des moyens de son ambition, et cruellement disjointe des réalités du terrain.

Darren Olivier, directeur émérite de l’African Defence Review, n’use d’aucune précaution oratoire : selon lui, « la SAMIDRC ne peut être envisagée que comme un fiasco manifeste », soulignant que la mission s’est trouvée littéralement encerclée par les forces du M23, au moment même où ces dernières prenaient Goma et enserraient l’Est congolais dans un étau militaire impitoyable. « La mission a été retirée car elle avait perdu toute capacité opérationnelle », tranche-t-il.

À ses côtés, Dean Wingrin, autre analyste militaire respecté, insiste sur la nécessité d’évaluer l’échec non à l’aune d’illusions rétrospectives, mais à partir des objectifs expressément assignés au mandat initial : protection des civils, stabilisation régionale, sécurisation des infrastructures critiques, assistance humanitaire, et appui tactique aux FARDC.

Or, selon lui, non seulement ces objectifs n’ont jamais été atteints, mais la SAMIDRC s’est avérée structurellement incapable de répondre aux exigences les plus élémentaires de son mandat.

Déployée à partir de décembre 2023, la mission devait aligner jusqu’à 5 000 soldats, avec une composante sud-africaine centrale de 2 900 hommes, et des renforts en provenance de Tanzanie et du Malawi. Pourtant, ce déploiement ne fut qu’un mirage chiffré. L’effectif sud-africain demeura volontairement obscur, tandis que la Tanzanie n’envoya guère plus de 400 soldats, dans un dispositif privé de tout appui aérien, manquement gravissime dans un théâtre d’opérations montagneux et à la logistique désespérément fragile.

Le 13 mars 2025, la mission est officiellement suspendue, dans le sillage de la prise de Goma et de Bukavu par le M23, durant une offensive d’une fulgurance stratégique dévastatrice. Les forces de la SAMIDRC, confinées dans leurs bases, sans capacité de manœuvre, devinrent de simples témoins passifs d’une déroute annoncée. Le Sommet de la SADC reconnut alors, dans un communiqué d’une froide sobriété, la « détérioration continue de la situation sécuritaire » et l’entrave quasi-totale à l’acheminement de l’aide humanitaire.

Le plan initial prévoyait une évacuation graduelle par l’aéroport de Goma, mais les pressions exercées par le M23, exigeant un retrait total d’ici à fin mai, et la défaillance de toute coordination logistique ont conduit à un repli terrestre via le Rwanda. Le cessez-le-feu, lui, ne sera arraché qu’à la faveur d’une initiative diplomatique conjointe du Qatar et des États-Unis, et ce bien après l’abandon officiel du mandat.

Wingrin dresse un constat accablant : absence de supériorité aérienne, évacuations sanitaires impossibles, lignes logistiques coupées, troupes isolées et moralement affaiblies. Sur le plan humanitaire, le bilan est tout aussi sombre : des centaines de civils massacrés, un demi-million de déplacés en à peine deux mois, des infrastructures stratégiques ravagées, et une recrudescence inouïe des violations graves des droits humains dans les zones mêmes où la SAMIDRC était censée exercer une présence protectrice.

Dans une dénonciation sans ambages, Olivier affirme que cette mission n’a été qu’un artefact de façade, une chimère tactique lancée sans effectifs suffisants, sans doctrine de repli, sans plan de contingence face à un effondrement annoncé des FARDC.

La faiblesse des capacités aériennes, la précarité des bases déployées souvent réoccupations d’anciennes installations onusiennes vulnérables et l’inconsistance du commandement politique ont précipité cette débâcle.

« La SANDF et ses partenaires ont sacrifié des hommes sans vision stratégique, mus davantage par des contraintes budgétaires que par une réelle volonté d’influer sur le cours des événements », déplore-t-il.

Le résultat : 17 soldats tombés, dont 14 Sud-Africains, pour un gain stratégique nul, sinon celui, illusoire, d’un ralentissement temporaire de la progression ennemie.

Dans une apostrophe poignante, Olivier conclut : « Ce camouflage rhétorique est une offense à la mémoire des soldats tombés, une trahison politique maquillée sous les oripeaux du patriotisme. La vérité est crue : cette mission fut un désastre. Le sacrifice de nos soldats exige qu’on le reconnaisse pleinement, qu’on dénonce les fautes, et qu’on évite à l’avenir de rééditer pareille imposture stratégique. »

« Nommer la défaite autrement que par son nom, c’est tuer une seconde fois ceux qui sont morts pour rien. »

La SAMIDRC s’illustre désormais comme l’exemple paradigmatique d’un désastre militaire annoncé

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