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Un chant crépusculaire de l’hégémonie démocratique

Redigé par Tite Gatabazi
Le 12 septembre 2024 à 10:45

A l’aube des élections présidentielles américaines, les vents de discorde soufflent plus fort que jamais, érodant les fondations mêmes de cette démocratie autrefois vénérée. Une polarisation déchirante traverse la société, allant bien au-delà des simples querelles politiques. Ce mal profond, ne se manifeste pas seulement dans les urnes, mais dans l’âme collective. Aux États-Unis, tout comme en Europe, les piliers mêmes de la démocratie, la liberté d’expression, d’association, d’entreprendre, se retournent sur eux-mêmes, tels des épées à double tranchant, entaillant le corps social. C’est un crépuscule où la lumière déclinante de l’hégémonie occidentale laisse place à des ombres menaçantes, dans un monde où les certitudes s’effondrent.

Le spectacle désolant qui s’offre à nous est celui d’une société fracturée, où les idéaux partagés s’effilochent. Depuis l’ascension de Donald Trump en 2016, les États-Unis ne sont plus qu’un miroir brisé, reflétant une scission irréconciliable entre une droite nationaliste-populiste et une gauche progressiste. Les événements tragiques du 6 janvier 2021, cette tempête qui a déferlé sur le Capitole, témoignent de la défiance croissante envers des institutions jadis considérées comme inviolables.

Tocqueville, dans sa vision prophétique, craignait qu’une démocratie affranchie de ses garde-fous ne se perde dans l’individualisme et la fragmentation. Aujourd’hui, les réseaux sociaux et la consommation fragmentée de l’information exacerbent ces divisions, enfermant chacun dans une bulle idéologique. Les opinions se radicalisent, les alliances s’effondrent, et les démocraties s’étiolent.

En Europe, le vent du populisme souffle également, balayant le continent avec la même intensité. La montée de l’extrême droite en France avec le Rassemblement National ou en Allemagne avec l’AfD, tout comme l’émergence de mouvements de gauche radicale en Espagne avec Podemos, sont les symptômes d’un malaise profond. Les promesses non tenues de la mondialisation, la gestion hasardeuse des crises migratoires et les inégalités sociales exacerbées ont laissé un goût amer aux citoyens, creusant le fossé entre les dirigeants et leurs peuples.

Dans ce paysage crépusculaire, les valeurs fondamentales des démocraties semblent vaciller. Aux États-Unis, la liberté d’expression, sanctifiée par le premier amendement est aujourd’hui le théâtre d’une bataille où s’opposent la protection des droits et la montée des discours extrémistes.

Des théories complotistes aux mouvements suprémacistes, la démocratie américaine est en proie à des forces destructrices, protégées paradoxalement par les droits mêmes qui la soutiennent. Une démocratie qui, en cherchant à tout protéger, se trouve elle-même assiégée.

En Europe, la tension n’est guère différente. Les lois contre les discours de haine posent des questions cruciales sur les limites de la liberté d’expression. Jusqu’où peut-on restreindre les libertés pour protéger la cohésion sociale ? Comment réconcilier l’individu et le collectif dans une société déchirée ? Ces questions troublent les démocraties européennes, alors que l’ombre de la division s’allonge.

La liberté d’entreprendre, autre pilier central, a, elle aussi, ses revers. Aux États-Unis comme en Europe, le capitalisme dérégulé a creusé des fossés entre les plus riches et les plus démunis. Les inégalités se sont multipliées, fragilisant la stabilité sociale.

Tocqueville avait prédit que la démocratie ne survivrait que si elle était soutenue par une société équilibrée. Aujourd’hui, cet équilibre semble rompu, et les élites sont perçues comme déconnectées des réalités du quotidien.

Le national-populisme, tel un ouragan destructeur, s’abat sur les démocraties occidentales, sapant les fondements mêmes de la démocratie libérale. Aux États-Unis, Donald Trump a incarné ce rejet du pluralisme, cette volonté de replier la nation sur elle-même. Son slogan, Make America Great Again, résonne comme une promesse de retour à une gloire idéalisée, rejetant la diversité et le multiculturalisme. Ce populisme nationaliste a trouvé un écho auprès de ceux qui se sentent trahis par la mondialisation, ceux qui voient dans l’ouverture des frontières une menace à leur mode de vie.

En Europe, le national-populisme a également pris racine. Le Brexit, cette rupture brutale du Royaume-Uni avec l’Union européenne, ainsi que la montée des partis nationalistes en France, en Hongrie et en Pologne, illustrent la remise en cause de l’Union et des principes démocratiques. Ces mouvements populistes, portés par des discours protectionnistes et anti-immigration, exploitent les peurs et les insécurités de populations qui se sentent abandonnées par leurs élites. Le nationalisme devient une réponse simpliste à des problèmes complexes, mais une réponse qui trouve un écho grandissant.

Enfin, cette crise démocratique ne se limite pas aux frontières occidentales. Elle s’inscrit dans une dynamique plus vaste de déclin de l’hégémonie démocratique. Pendant des décennies, les États-Unis et l’Europe ont porté haut le flambeau de la démocratie, imposant leurs valeurs comme norme universelle. Mais aujourd’hui, cet hégémon se fissure. La Chine et la Russie, offrent des modèles alternatifs, prônant une efficacité économique couplée à un contrôle centralisé. Ce nouvel ordre mondial remet en cause la suprématie des démocraties libérales.

Alors que la Chine se dresse comme une puissance économique et technologique majeure, les démocraties occidentales peinent à maintenir leur leadership. La concurrence entre modèles autoritaires et démocratiques fragilise l’influence des États-Unis et de l’Europe, et la diffusion des valeurs démocratiques à l’échelle mondiale s’essouffle.

Dans de nombreuses régions du monde, de l’Afrique à l’Amérique latine, la perte de confiance dans le modèle libéral se fait sentir. De plus en plus de régimes hybrides émergent, rejetant les normes démocratiques au profit de systèmes autoritaires, où le pouvoir central est renforcé au détriment des libertés.

La crise de la démocratie aux États-Unis et en Europe est un chant crépusculaire, où se mêlent la polarisation politique, la remise en cause des valeurs fondamentales, la montée du national-populisme et le déclin de l’hégémonie occidentale. Ce crépuscule n’est pas seulement politique ou institutionnel, il est culturel. Il remet en question les fondements mêmes de la démocratie libérale, exigeant de nouveaux modèles, de nouvelles réponses.

Dans ce monde multipolaire et incertain, les démocraties occidentales doivent repenser leur voie. Le chemin à suivre est encore flou, mais l’enjeu est immense : il s’agit de préserver l’idéal démocratique face aux défis de la mondialisation, des inégalités sociales et de la montée des régimes autoritaires. Car, dans cette nuit qui tombe, l’avenir de la démocratie n’est pas encore écrit.

NB : Photo génerée par intelligence artificielle (IA)


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