Uvira ou la contestation armée comme ferment d’une dérive identitaire

Redigé par Tite Gatabazi
Le 8 septembre 2025 à 11:34

À Uvira, la situation s’est de nouveau embrasée, illustrant avec acuité la fragilité du tissu institutionnel congolais face à la montée en puissance des milices wazalendo.

Pour la énième fois, les Wazalendo ont défié non seulement l’autorité des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), mais également, de manière inédite et frontale, celle du chef de l’État lui-même. Les manifestations qui se sont déroulées depuis ce matin dans la ville, organisées conjointement par des acteurs de la société civile et des groupes armés, ont pour cible explicite le général Gasita, fraîchement nommé par le président de la République au poste de chargé des renseignements pour la région.

Le slogan martelé par les foules « Gasita rudiya kwenu, Uvira hatukutaki » (« Gasita, rentre chez toi, nous ne voulons pas de toi à Uvira ») révèle, sous une apparente revendication locale, une charge identitaire et politique redoutable. Bien que Gasita soit originaire de cette contrée, l’expression « rentre chez toi » ne doit pas être interprétée comme une simple injonction au retrait ou au retour à ses origines.

Elle constitue en réalité une sommation voilée de « regagner le Rwanda », selon la rhétorique désormais usitée par les autorités congolaises au sommet de l’Etat et repris en chœur par les wazalendo et autres relais du pouvoir qui persistent à assimiler les Congolais tutsis à des étrangers, des infiltrés, des traitres a la nation voire à des « intrus ».

Certains discours radicaux, relayés dans les attroupements comme dans les réseaux sociaux, vont jusqu’à comparer Gasita au président Kagame, convoquant ses origines tutsies et ses traits physiques comme stigmates politiques.

Les tensions n’ont pas été uniquement d’ordre verbal. Des sources locales concordantes affirment qu’à la veille des manifestations, des armes ont été distribuées par les Wazalendo à certains civils, consolidant ainsi la transformation d’un mouvement de contestation en un potentiel soulèvement armé. La diffusion de messages menaçants, promettant au général Gasita qu’il « laisserait sa peau » s’il persistait à demeurer à Uvira, témoigne d’un climat de haine décomplexée et d’une volonté manifeste de recourir à la violence physique comme instrument d’exclusion.

Ce déchaînement s’inscrit dans une configuration particulièrement périlleuse : il s’agit non seulement d’une attaque ciblée contre un officier issu de la communauté tutsie, mais aussi d’un symptôme révélateur de l’affaiblissement de l’État.

En substituant leur propre logique identitaire à celle de la légalité, les Wazalendo installent un rapport de force où la rue armée prend le pas sur les institutions. La distribution d’armes aux civils marque un point de bascule : la frontière entre la contestation politique et la violence communautaire est en train de s’effacer, ouvrant la voie à des représailles contre l’ensemble des Tutsis congolais, pris collectivement pour cible.

Ainsi, l’épisode d’Uvira ne saurait être réduit à une simple querelle de légitimité militaire ou à une opposition circonstancielle à une nomination présidentielle.

Il révèle une dynamique beaucoup plus inquiétante : l’instrumentalisation de l’identité comme arme politique, le recours croissant aux milices comme substituts d’autorité, et le risque tangible d’une conflagration où la violence dirigée contre les Tutsis redeviendrait un exutoire commode pour des frustrations sociales et politiques.

À Uvira, la situation s’est de nouveau embrasée, illustrant avec acuité la fragilité du tissu institutionnel congolais face à la montée en puissance des milices wazalendo

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