Doha ou du vacarme des invectives à la liturgie des compromis

Redigé par Tite Gatabazi
Le 24 avril 2025 à 02:14

Il est des crépuscules qui, loin d’annoncer la nuit, révèlent crûment l’illusion du jour. Ainsi en va-t-il de cette phase terminale des postures martiales adoptées par les autorités de la République Démocratique du Congo, naguère encore si promptes à se draper dans la rhétorique viriliste d’un pouvoir intransigeant.

L’incantation répétée d’une prétendue montée en puissance militaire, scandée comme un mantra dans les arènes nationales, s’est fracassée contre l’obstination du réel. L’imaginaire de la souveraineté reconquise à coups de slogans belliqueux s’est effondré sous le poids conjugué de la défaite militaire et diplomatique et de l’évidence de la supériorité de l’AFC/M23.

C’est à Doha, et non sur les collines du Kivu, que s’est joué le dernier acte d’un théâtre d’ombres où le régime de Tshisekedi, réduit à une gesticulation performative, a dû consentir au renoncement.

Renoncer, non seulement à la fiction d’une victoire militaire imminente, mais aussi à la légitimité d’un discours public saturé de ressentiment, d’exclusion et de persécution identitaire. Ce renoncement, quoique tardif et contraint, marque une césure historique : il dévoile l’épuisement moral et stratégique d’un régime enfermé dans ses certitudes, désormais sommé de composer avec la réalité de ses échecs.

Il aura fallu l’humiliation feutrée des salons diplomatiques du Qatar pour que l’orgueil démesuré de Kinshasa cède enfin place à l’amorce d’une lucidité tragique.

Il fut un temps, pas si lointain mais désormais irréversiblement révolu où Tshisekedi paraissait s’enivrer de ses propres postures martiales. Les anathèmes se succédaient aux imprécations, les discours belliqueux remplaçaient l’analyse, et les tribunes publiques devenaient des estrades pour une rhétorique musclée, indigente mais tonitruante.

On se gargarisait d’une montée en puissance fantasmée, d’un redressement militaire qui n’existait que dans les lignes d’un storytelling officiel aussi creux qu’arrogant.

Mais voilà que l’évidence s’est imposée comme une lame de fond : la guerre, tant sur le terrain qu’au sein des arènes diplomatiques, est perdue. L’échec n’est plus niable. Il est structurel, total, et tragiquement prévisible. Et c’est ainsi, bon gré mal gré, que l’on se rend à Doha, contraints par les faits, poussés par l’épuisement, humiliés par l’implacable logique des rapports de force.

Deux semaines durant, les représentants de la RDC, sous la houlette de Papy Mbuyi Kanguvu, et ceux de l’AFC/M23, menés par Bertrand Bisimwa, ont tenu des pourparlers de paix sous l’égide du Qatar.

Ce qui émerge de cette rencontre, au-delà de la prose diplomatique d’un communiqué final, c’est la nécessité de déconstruire une rhétorique d’État devenue insoutenable : discours de haine, criminalisation de l’altérité, intimidations systématiques et persécutions fondées sur l’ethnie ou le faciès tout cela est désormais reconnu, à demi-mot, comme partie intégrante du problème, et non de la solution.

Mais un détail, et non des moindres, a été soigneusement omis : ceux qui, à Kinshasa, prétendent incarner le zèle du pouvoir et s’érigent en gardiens hystériques de la ligne présidentielle, doivent désormais se taire.

Justin Bitakwira, dont la logorrhée xénophobe fut longtemps tolérée, voit son fond de commerce idéologique s’effondrer comme château de sable sous les vents de la realpolitik. Il n’était pas seul. D’autres, tout aussi véhéments, devront désormais composer avec le silence imposé par les nécessités de la paix.

Enfin, les deux délégations conviennent d’une évidence maintes fois éludée : la pacification durable de l’Est passe par l’analyse rigoureuse des causes profondes des conflits à répétition, injustices foncières, exclusions politiques, captation des ressources et manipulation identitaire. Quelle quantité de temps, d’énergie et de ressources gaspillées avant cette épiphanie tardive !

Tel est, peut-être, le mérite le plus décisif de Doha : non pas tant d’avoir conclu une paix durable car rien n’est encore gagné mais d’avoir obligé Tshisekedi à regarder le gouffre qu’il a creusé et d’en tirer une esquisse d’introspection.

Néanmoins, la vigilance s’impose, car le régime de Félix Tshisekedi, versatile et souvent emporté par des pulsions autoritaires, pourrait à tout moment faire volte-face, invoquant des motifs fallacieux pour saborder ce processus qu’il n’a jamais sincèrement désiré.

C’est à Doha, et non sur les collines du Kivu, que s’est joué le dernier acte d’un théâtre d’ombres où le régime de Tshisekedi

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