Son silence, longuement cultivé, savamment entretenu, agit tel un venin lent dans les veines du pouvoir en place. Car si l’ancien président de la RDC possède une arme de prédilection, ce n’est ni un parti, ni une armée, ni même une tribune : c’est son mutisme. Et c’est précisément ce silence, habité, pesant, presque oraculaire, qui semble aujourd’hui plonger Félix Tshisekedi et son entourage dans une confusion inédite, une forme d’affolement qui confine au grotesque.
Depuis quelques semaines, les manifestations sporadiques de l’ancien raïs, une interview télévisée ici, une déclaration sibylline là, ont suffi à recomposer le théâtre politique congolais. Le point culminant de cette dramaturgie silencieuse fut sans nul doute ce communiqué conjoint signé à Addis-Abeba aux côtés de Moïse Katumbi, figure elle-même hautement inflammable dans le paysage politique national. L’effet fut celui d’un séisme symbolique : la tectonique des alliances secrètes et des ambitions tues s’en est trouvée bouleversée.
Mais ce n’était qu’un prélude. Vint ensuite cette sortie calculée dans les colonnes de Jeune Afrique, organe choisi non par hasard mais par stratégie : y affirmer son retour prochain, non pas dans une capitale soumise à l’œil du pouvoir, mais dans « sa partie orientale », ce Kivu lointain, fébrile et aux fidélités anciennes.
L’annonce fut renforcée par la confirmation d’Olivier Kamitatu, autre voix d’expérience, qui évoqua l’installation prochaine de l’ancien chef de l’État à Goma.
Il n’en fallut pas davantage pour que l’appareil étatique, en proie à ses propres incertitudes, s’emballe. Un simple tweet, perdu dans le flot numérique, évoquant, sans preuve ni image, l’arrivée de Kabila à Goma, mit le feu aux poudres.
La machine gouvernementale, manifestement prise de court, réagit avec une fébrilité déconcertante. Jacquemin Shabani, ministre de l’Intérieur, suspendit les activités du PPRD, parti kabiliste, sur tout le territoire ou, du moins, sur ce qu’il en reste. Un geste d’autorité en apparence, mais en réalité, une panique camouflée.
Plus inquiétante encore fut la réaction de Constant Mutamba. Dans un excès de zèle qui frise l’illégalité, le ministre se lança dans une opération brutale : déchéance unilatérale, saisie des biens, mise à l’index d’un adversaire dont on ne savait même s’il avait véritablement foulé le sol national. Le tout dans un simulacre de légalité, sans procès ni procédure régulière. Un état de droit vacillant, à la merci des émotions du moment.
Et pourtant, dans tout ce vacarme, dans ce tumulte d’ordres et de contre-ordres, de déclarations tonitruantes et de mesures excessives, une vérité s’impose : nul ne vit Joseph Kabila. Ni à Goma, ni ailleurs. L’homme est demeuré invisible. Son ombre, elle seule, suffit à plonger Kinshasa dans le chaos.
Ce théâtre de l’absurde révèle une vérité plus profonde : le pouvoir actuel, malgré ses proclamations de légitimité démocratique, semble redouter plus que tout le retour d’un spectre, celui d’un homme dont l’influence, bien que tue, demeure intacte dans les provinces, dans les esprits, dans les équilibres invisibles de l’État profond.
La suite s’annonce comme une série d’épisodes, entre tragédie grecque et cinéma expressionniste. Car si Kabila joue à cache-cache, ce n’est point un jeu d’enfant : c’est une démonstration de force à travers l’absence, une stratégie de pression à travers le retrait.
Et l’histoire congolaise, jamais avare de rebondissements, pourrait bien voir dans ce retour muet les prémices d’un retournement plus vaste.

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