Entre restauration de la sécurité et reconfiguration des imaginaires collectifs à l’Est de la RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 30 décembre 2025 à 04:21

Il serait illusoire de nier que l’irruption de l’AFC/M23 dans la dynamique politico-militaire du Kivu a profondément recomposé les réalités locales.

Dans de vastes zones passées sous son contrôle, nombre de témoignages concordent pour souligner une rupture nette avec des pratiques qui, hier encore, rythmaient le quotidien des populations tutsies congolaises : arrestations arbitraires, transferts forcés vers Kinshasa, tracasseries administratives et humiliations à répétition.

A cela s’ajoute la décrue, également relevée, des violences ciblées contre les communautés tutsies, ainsi que la confrontation assumée avec les formations armées porteuses d’une idéologie ouvertement exterminatrice.

Cette évolution n’est pas seulement d’ordre sécuritaire ; elle est aussi symbolique. Depuis près d’une année, Goma s’offre, dans les discours et les perceptions, comme un lieu de paix retrouvée, de circulation réhabilitée et de respiration sociale. Mais l’expérience ne se limite pas à cette seule cité emblématique : Rutshuru, Masisi, Kalehe, Kavumu, Kabare ou encore Bukavu sont fréquemment cités comme des espaces où la vie ordinaire reprend ses droits, où l’on peut vaquer à ses activités sans l’obsession des tracasseries permanentes.

Ces transformations nourrissent l’idée que la « révolution » conduite par ce mouvement n’est pas uniquement militaire : elle touche aux modalités du vivre-ensemble, à la revalorisation de la dignité des personnes autrefois stigmatisées et au rétablissement d’un sentiment d’appartenance bafoué par des années de marginalisation.

Ainsi se dessine, pour ses partisans, l’image d’un acteur qui aurait changé des existences concrètes en substituant la normalité à la peur.

Les acquis proclamés et l’exigence d’une lucidité politique : entre promesse d’ordre et épreuve du temps

Les acquis mis en avant par l’AFC/M23, sécurisation des populations, fin des arrestations arbitraires, lutte déclarée contre l’idéologie génocidaire constituent indéniablement un horizon d’espérance pour ceux qui en bénéficient directement. Ils rappellent qu’aucune communauté ne peut être abandonnée à la vindicte, qu’aucun État ne saurait tolérer l’instillation d’une culture de haine sans se renier lui-même.

Mais ces avancées supposent d’être consolidées par des institutions durables, par une gouvernance respectueuse du droit, par une inclusion politique qui dépasse la seule logique des armes. La paix ne se mesure pas seulement à la cessation des exactions ; elle se jauge à la solidité des structures civiles, à la qualité de la justice, à la confiance des citoyens dans ceux qui gouvernent. Le véritable défi repose donc sur la capacité à transmuter les succès sécuritaires proclamés en un ordre politique légitime, partagé et stable.

Ainsi, les territoires aujourd’hui apaisés ne sauraient demeurer de simples vitrines : ils doivent devenir des laboratoires d’une citoyenneté refondée, où les appartenances ne se vivent plus sous le signe de la peur, mais sous celui du droit.

A cette condition seulement, ce que d’aucuns nomment « les acquis de la révolution » pourra s’inscrire dans la durée et se muer en véritable promesse de cohésion, plutôt qu’en simple parenthèse dans la longue histoire tourmentée des Grands Lacs.

Il serait illusoire de nier que l’irruption de l’AFC/M23 dans la dynamique politico-militaire du Kivu a profondément recomposé les réalités locales

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