L’Etat vacille et s’acharne contre Kabila et Katumbi

Redigé par Tite Gatabazi
Le 1er mai 2025 à 12:08

La perquisition menée dans la ferme Futuka, propriété emblématique de Moïse Katumbi Chapwe, s’apparente moins à une opération judiciaire ordinaire qu’à une mise en scène à forte teneur symbolique, révélatrice des convulsions internes d’un régime en proie à ses propres spectres.

En s’attaquant à ce domaine rural, sanctuaire d’un des principaux opposants du moment, le pouvoir congolais ne manifeste pas tant une volonté de justice que le symptôme d’une panique stratégique, où l’appareil d’État, désormais instrumentalisé, devient le bras séculier d’une gouvernance en perte de repères.

Et comme pour donner la mesure du vacillement institutionnel, le même gouvernement convoque soudainement l’ombre de Joseph Kabila, en sollicitant du Sénat la levée de son immunité pour lui imputer des crimes d’une gravité extrême. Ce double mouvement répressif à l’endroit du rival présent, accusatoire envers le prédécesseur tutélaire dévoile un pouvoir qui, cerné par ses propres échecs, semble osciller entre purge politique et stratégie de diversion, tâtonnant dans un brouillard de décisions improvisées, où la justice devient un théâtre d’ombres, et la force publique, le dernier rempart d’une autorité affaiblie.

En une nouvelle illustration de l’instabilité politique croissante qui mine les hautes sphères de la République démocratique du Congo, des éléments des forces armées ont été aperçus dans la matinée du samedi 26 avril dans la ferme Futuka, propriété de l’opposant politique Moïse Katumbi Chapwe, située à une trentaine de kilomètres de la ville de Lubumbashi, au cœur de l’ancien Katanga, région hautement stratégique.

D’après les proches de l’ancien gouverneur du Katanga, des militaires en tenue officielle ont surgi sur les lieux, procédant à une perquisition dont les motifs réels restent entourés d’un mutisme officiel aussi opaque qu’inquiétant.

Cette incursion armée, aux relents de démonstration de force, ne saurait être dissociée du climat politique délétère qui règne dans les coulisses du pouvoir congolais. A cette opération pour le moins spectaculaire, s’ajoute un fait d’une gravité inédite : l’auditeur général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a officiellement saisi le bureau du Sénat afin d’obtenir la levée de l’immunité parlementaire de l’ancien président Joseph Kabila Kabange.

Les motifs invoqués sont d’une rare solennité : trahison, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le Garde des Sceaux, le très zélé, Constant Mutamba, affirme que cette démarche est fondée sur un « maximum de preuves ».

Panique au sommet et crépuscule d’un régime vacillant

L’histoire politique des États faibles enseigne qu’il est des moments où le pouvoir, confronté à l’effritement de sa légitimité, s’abandonne à des gestes d’autoritarisme fébrile. Le spectacle donné en ce mois d’avril par les autorités congolaises en est l’illustration éloquente.

A travers la perquisition de la ferme Futuka, le pouvoir en place semble s’engager dans une fuite en avant, cherchant à intimider, déstabiliser, voire neutraliser les figures emblématiques de l’opposition, tout en orchestrant un revirement dramatique contre l’ancien président de la République. Mais ce double mouvement trahit moins une volonté de justice qu’un profond désarroi.

Le recours à la force militaire contre une propriété privée appartenant à un acteur politique de premier plan est le signe d’un gouvernement qui ne parvient plus à distinguer entre ordre républicain et règlement de comptes. Plus encore, le timing de cette perquisition concomitante à la procédure spectaculaire engagée contre l’ancien président et sénateur a vie, Joseph Kabila suscite l’interrogation : s’agit-il d’un aggiornamento judiciaire, d’un sursaut moral tant attendu, ou plutôt d’un stratagème cynique destiné à redéfinir les équilibres du pouvoir par l’intimidation et la dissimulation ?

Quoi qu’il en soit, le zèle soudain à poursuivre Kabila, figure tutélaire de l’ancien système, pourrait tout autant traduire une tentative désespérée de désamorcer les tensions populaires, en donnant à la vindicte nationale une cible opportune. Mais cet opportunisme judiciaire, s’il est dénué de constance et de transparence, risque de s’avérer contre-productif : un tel geste, posé sans épure juridique solide et sans pédagogie politique, ne saurait qu’aggraver le climat de suspicion et d’instabilité.

Il semble en réalité que le pouvoir vacille, pris dans une spirale de tâtonnements, agissant moins par stratégie que par réflexe de survie. L’impression d’un pouvoir aux abois se renforce à mesure que les institutions s’enchevêtrent dans des logiques concurrentes, et que la verticalité du commandement cède à une gouvernance de l’instinct. Dans cette atmosphère, chaque perquisition devient un message, chaque mise en cause un avertissement, chaque silence un aveu.

Or, ce qui se joue ici dépasse les seuls antagonismes partisans. C’est la possibilité même d’une justice indépendante, d’une opposition libre et structurée, qui est mise en péril. Car l’acharnement contre Moïse Katumbi, que d’aucuns perçoivent comme le principal rival du régime en place, combiné à la manœuvre judiciaire visant Kabila, compose un tableau d’une République hantée par ses démons : la personnalisation du pouvoir, la militarisation du politique, et l’obsession du contrôle.

Il est temps que les forces vives de la nation, les garants des institutions, et la société civile prennent la mesure du péril. La dérive autoritaire, même maquillée en croisade morale ou en épuration salutaire, n’ouvre jamais la voie à la reconstruction. Elle l’obstrue. C’est par la transparence, l’indépendance des juges, le respect scrupuleux des procédures, et la protection des libertés publiques que s’édifie un État digne de ce nom. Faute de quoi, la République démocratique du Congo ne fera que reproduire les cycles d’instabilité qui ont, depuis trop longtemps, figé son destin.

Kabila et Katumbi sont victimes d'un acharnement systématique de la part de l'État congolais

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