Les fruits amers de la lutte et les hommages du 1er mai

Redigé par Tite Gatabazi
Le 1er mai 2025 à 10:12

Chaque 1er mai, les rues du monde s’emplissent de banderoles, de chants revendicatifs, de pas résolus foulant le pavé au nom de la dignité ouvrière. Cette Journée internationale du travail, trop souvent réduite à une commémoration routinière ou à une journée chômée, trouve pourtant ses racines dans une histoire tragique et ardente, nourrie par des décennies de lutte, de sang versé, de répressions, mais aussi de conquêtes essentielles.

Depuis les années 1960, ces combats ont dessiné, non sans peine, les contours d’un droit du travail plus juste, d’une reconnaissance accrue de la valeur humaine derrière la force de production, et d’un espoir de justice sociale.

C’est dans les soubresauts de l’après-colonialisme, de la guerre froide et de l’essor du capitalisme industriel mondialisé que les luttes syndicales et ouvrières ont trouvé un souffle nouveau. Des grèves massives de Mai 1968 aux mouvements ouvriers en Amérique latine, en passant par les revendications des travailleurs immigrés en Europe ou les combats des ouvriers agricoles aux États-Unis, les années 1960 et 1970 ont marqué un tournant.

L’exigence d’un travail décent, de salaires justes, de protections sociales universelles a été arrachée à des élites politiques et économiques souvent sourdes à la misère silencieuse des masses laborieuses.

Les acquis qui en découlèrent ne furent ni spontanés ni généreusement concédés. Le droit aux congés payés, à la retraite, à l’assurance maladie, à la représentation syndicale dans les entreprises, à la protection contre les licenciements abusifs ou encore à l’égalité salariale, sont autant de conquêtes arrachées par une lutte tenace, souvent menée contre des forces puissamment organisées et protégées.

Derrière chaque avancée, il y eut des femmes et des hommes, parfois anonymes, qui osèrent se dresser face à l’injustice structurelle.

Mais célébrer ces victoires sans lucidité serait une trahison. Car aujourd’hui, sous les coups de boutoir du néolibéralisme, d’un capitalisme financiarisé, et d’une précarisation rampante, nombre de ces acquis sont méthodiquement sapés.

L’ubérisation du travail, la sous-traitance à outrance, les atteintes aux droits syndicaux, la montée des inégalités salariales ou la normalisation du travail informel témoignent d’un recul masqué sous le vernis technocratique de la modernité.

Le 1er mai ne saurait donc être un simple rite mémoriel. Il doit demeurer un point d’orgue dans la conscience collective, un rappel de ce que la solidarité peut conquérir et de ce qu’elle risque de perdre si elle se dilue dans l’individualisme contemporain. Les combats du passé ne doivent pas seulement être honorés  : ils doivent être poursuivis avec la même ardeur, la même foi intransigeante en la justice sociale.

Car l’émancipation du travailleur reste à accomplir non plus seulement contre les chaînes visibles de l’oppression économique, mais aussi contre les formes insidieuses de dépossession que sont la flexibilisation extrême, la marchandisation de l’humain et la réduction du travail à un simple coût. Face à ces périls, que le 1er mai soit une vigie, une clameur, une révolte vivante contre l’oubli et la résignation.

Chaque 1er mai, les rues du monde s’emplissent de banderoles, de chants revendicatifs, de pas résolus foulant le pavé au nom de la dignité ouvrière

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