À force de dénier le réel, de gouverner par l’oukase et l’anathème, d’ériger l’arrogance en système et l’improvisation en boussole, le chef de l’État congolais se voit contraint d’avaler, au grand jour, les serments qu’il avait proférés avec emphase et solennité. Et ce retour honteux à Canossa, maquillé en hymne tardif au dialogue, résonne moins comme un appel à la paix que comme le glas d’une imposture.
Hier encore, Tshisekedi jurait à la manière des oracles antiques, la main sur le verbe et la morgue dans la voix que jamais, au grand jamais, il ne s’abaisserait à traiter avec les insurgés de l’AFC/M23. Cette ligne rouge, peinte avec l’intransigeance des faibles qui prennent leurs vœux pour des réalités, devait sanctuariser son autorité et reléguer les rebelles au néant médiatique, politique, juridique.
Il fallait les rayer des ondes, des colonnes, des mémoires, en interdisant leur simple évocation, comme si les fantômes de la guerre pouvaient s’évanouir sous le diktat d’un décret. L’autorité de régulation des médias fut ainsi mobilisée comme une inquisition postmoderne, réduisant le débat public à un simulacre et l’information à une liturgie d’État. Le parlement, otage d’un exécutif péremptoire, fut contraint de voter une résolution liberticide, érigeant le refus du dialogue en dogme d’État.
Mais la réalité, impavide et cruelle, ne se laisse jamais congédier à coups de slogans. Ce que le chef de l’État prenait pour de simples scories de l’histoire, le retour de l’AFC/M23, les fragilités congénitales de l’armée nationale, se révéla être une dynamique de fond, impérieuse et corrosive.
Face à l’échec patent de sa stratégie sécuritaire, fondée sur le mercenariat de fortune, les alliances d’opportunité avec les wazalendo et les FDLR, ou encore la présence erratique de contingents burundais et de la SADC, Tshisekedi fut bientôt confronté au retour du réel brutal, implacable, impitoyable.
Dans cette débâcle, ce ne sont pas seulement les vies humaines, les villages dévastés et les espoirs ruinés qui pèsent comme un réquisitoire ; c’est aussi le discrédit absolu d’un pouvoir qui a travesti la justice en instrument de spoliation, emprisonné les innocents à Ndolo, dilapidé les ressources publiques dans des campagnes de communication délirantes et creusé le gouffre entre les mots et les actes.
Le président, mû par une obsession presque pathologique de la posture martiale, était prêt, à en croire les murmures diplomatiques, à brader les richesses minières du pays contre un hypothétique soutien militaire étranger. Preuve, s’il en fallait, que la paranoïa peut être une boussole aussi dangereuse que l’ignorance.
Et voilà que celui qui avait saboté de ses propres mains les processus de Nairobi et de Luanda, voilà qu’il célèbre aujourd’hui les vertus d’un dialogue relancé à Doha, avec une ferveur de converti tardif. Mais qui donc peut croire encore en la sincérité de ce virage, quand il succède à tant de postures mensongères, de reniements cyniques et de décisions désastreuses ? Qui peut accorder foi à la parole d’un Président qui s’est tant de fois contredit, trahissant à la fois les principes de la République et les attentes du peuple ?
Ce pathétique revirement n’est pas le fruit d’une lucidité nouvelle, mais le symptôme d’un désarroi profond. Il trahit moins un choix politique qu’une impasse existentielle du régime. En vérité, Tshisekedi n’a jamais su construire une vision cohérente de la gouvernance, ni dans le domaine de la sécurité, ni dans celui de l’unité nationale, ni même dans le champ diplomatique. Il a erré, de conjectures en improvisations, d’emportements populistes en décisions autoritaires, croyant gouverner un pays par la seule force des incantations.
Or, la nation congolaise, martyrisée mais lucide, sait désormais que le roi est nu. Elle assiste, non sans amertume, à l’effondrement d’une présidence qui, au lieu de faire face au tragique de l’histoire avec gravité, a préféré l’illusion du verbe creux, la posture surjouée, le simulacre de l’infaillibilité. Le dialogue auquel Tshisekedi appelle aujourd’hui est moins un acte de sagesse qu’un aveu d’échec ; moins une main tendue qu’un bras désarticulé par l’incohérence.
L’Histoire jugera, et elle sera sévère. Car il n’est pas de pis-aller plus lamentable qu’un reniement prononcé sur les décombres d’une arrogance défaite. Tshisekedi est allé à Canossa, mais non par grandeur d’âme ; par manque de choix. Et cela, nul ne saurait l’oublier.

AJOUTER UN COMMENTAIRE
REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Ne vous eloignez pas du sujet de discussion; Les insultes,difamations,publicité et ségregations de tous genres ne sont pas tolerées Si vous souhaitez suivre le cours des discussions en cours fournissez une addresse email valide.
Votre commentaire apparaitra apre`s moderation par l'équipe d' IGIHE.com En cas de non respect d'une ou plusieurs des regles d'utilisation si dessus, le commentaire sera supprimer. Merci!