Le langage politique vacille sur les ruines de la crédibilité

Redigé par Tite Gatabazi
Le 1er mai 2025 à 12:15

Le 30 avril 2025, alors que les vestiges d’une République désorientée continuent de flotter au-dessus d’un pays mis en coupe réglée par les convulsions de la guerre, la Ministre d’État Thérèse Kayikwamba Wagner, arborant l’étendard de la légitimité institutionnelle, s’est avancée à la tribune d’un atelier organisé par le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli.

D’un ton grave, elle y réaffirma, en des termes solennels, l’attachement indéfectible du gouvernement congolais à la défense des intérêts du peuple et à la poursuite d’une paix authentique dans la région des Grands Lacs. Redevabilité, justice, dignité des peuples furent invoquées comme autant de piliers d’un avenir apaisé.

Mais à quel prix, et surtout, avec quelle cohérence  ?

Car au-delà de la rhétorique attendue, que reste-t-il lorsque les paroles s’entrechoquent à la surface d’une réalité que ni les chancelleries ni les observateurs avertis ne peuvent plus ignorer  ? Ce gouvernement, dont la Ministre est l’émanation, s’enlise chaque jour davantage dans un marécage d’alliances contre-nature, de silences complices et d’agissements dont la brutalité défie le droit et la morale.

L’on ne saurait appeler « paix » la couverture habile d’un ordre fondé sur la violence ethnique, les violations systématiques et l’impunité érigée en méthode de gouvernement. Tandis que les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), qui devraient incarner la dernière digue contre l’anomie, sont accusées et cela de manière documentée, de crimes odieux à l’encontre des civils, les plus hautes instances de l’État s’acoquinent ouvertement avec les milices Wazalendo, en violation manifeste du droit international, tout en pactisant avec les FDLR, groupe armé notoirement impliqué dans le génocide contre les tutsi de 1994.

En ce contexte d’inquiétante déliquescence, le réquisitoire de la Ministre sonne comme une dissonance tragique, voire un acte de duplicité politique. Est-ce une tentative désespérée de sauver les apparences sur la scène diplomatique internationale  ? Ou bien le signe d’une fracture interne croissante au sein du pouvoir, où les voix critiques peinent à se faire entendre, étouffées par la verticalité d’un régime qui sacrifie la justice sur l’autel de ses intérêts immédiats  ?

La plainte déposée par le collectif des Avocats représentant les communautés Hema, Tutsi congolais et Banyamulenge pour épuration ethnique vient, à cet égard, poser un acte de rupture radicale. Car il ne s’agit plus ici de dénoncer des dysfonctionnements ou des abus isolés, mais bien de porter à la conscience du monde l’architecture d’un système fondé sur la discrimination ciblée, la manipulation identitaire et la violence méthodique.

Il serait intellectuellement malhonnête d’omettre que cette même République démocratique du Congo abrite en son sein des figures politiques ouvertement xénophobes, à l’image de Justin Bitakwira, proche du sommet de l’État, et désormais sous sanction de l’Union européenne pour incitation publique à la haine ethnique. Comment dès lors continuer à parler, sans trembler, de « redevabilité » et de « paix durable », quand ceux qui devraient incarner la vertu démocratique œuvrent au contraire à l’atomisation du tissu social congolais  ?

Il ne saurait y avoir de paix là où l’État pactise avec l’inhumanité. Il ne saurait y avoir de réconciliation là où les coupables prospèrent au sein même de l’appareil gouvernemental. Il ne saurait y avoir de discours crédible lorsque les mots s’effondrent sous le poids de leur propre imposture.

À l’heure où la République démocratique du Congo se trouve à la croisée des chemins, il est urgent que ses dirigeants choisissent entre le mirage d’un pouvoir sans conscience et l’exigence, douloureuse mais salvatrice, d’un sursaut moral. Car le silence des tombeaux n’est pas la paix et la négation de la vérité n’est jamais le commencement de la justice.

La Ministre d’État Thérèse Kayikwamba Wagner a pris la parole lors d’un atelier organisé par le GEC et Ebuteli, dans un contexte de guerre et d’instabilité en RDC

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