Comment la terre de Lincoln, patrie des libertés proclamées, peut-elle offrir refuge, même involontairement, aux agents de la terreur ethnique ?
L’affaire Nsabumukunzi n’est pas un cas isolé : elle s’inscrit dans une longue chaîne de compromissions silencieuses et d’aveuglements volontaires qui ont permis, depuis des décennies, à des criminels de masse de se fondre dans la société américaine, tirant profit de la complexité ou de la négligence du système d’immigration.
Car c’est là tout le paradoxe : la rigueur affichée dans le traitement des réfugiés ordinaires contraste violemment avec la facilité déconcertante avec laquelle certains ont su se forger une identité de victime, en dissimulant leur rôle de bourreau. En cela, le cas Nsabumukunzi renvoie à la notion de banalité du mal chère à Hannah Arendt : non pas le mal absolu, démentiel, mais le mal fonctionnaire, administratif, celui d’un homme qui coche des cases sur un formulaire et ment par omission pour effacer l’irréparable.
Ce scandale est aussi une interpellation pour les démocraties occidentales : que devient la promesse universelle des droits humains si elle n’est pas accompagnée d’une rigueur absolue dans le filtrage de ceux qui prétendent s’en réclamer ? L’accueil des persécutés ne saurait servir d’alibi à l’oubli des victimes ni à la réhabilitation silencieuse de leurs persécuteurs.
Enfin, la responsabilité est aussi politique. Car héberger un génocidaire présumé, c’est infliger une double blessure aux survivants : celle du crime impuni, et celle de l’asile accordé. Il faut saluer ici l’effort tardif, mais salutaire, du Département de la Justice américain qui, par cet acte d’accusation, affirme que nul ne saurait se cacher indéfiniment sous le manteau de la bureaucratie.
Reste à savoir si cette vigilance sera durable, ou si elle retombera dans l’oubli, comme tant d’autres fois, lorsque la médiatisation se dissipera. Car la mémoire du génocide contre les tutsi ne se satisfait pas de symboles : elle réclame justice.

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