Au cours du mois de juillet 1996, au plus fort de la guerre civile burundaise, près de 650 déplacés et 90 employés d’une usine de thé avaient été tués dans ces deux localités situées dans le centre du pays. À l’époque, les zones étaient contrôlées par des groupes armés hutus, notamment le FDD, devenu par la suite le parti au pouvoir, le CNDD-FDD.
Depuis, les familles des victimes et plusieurs associations de défense des droits de l’homme dénoncent une absence totale de reconnaissance et de poursuites judiciaires. Malgré un rapport de l’ONU datant de 1996 qualifiant ces massacres de « génocide contre les Tutsi », l’État burundais n’a jamais officialisé cette position.
Sur le site de Bugendana, les conditions de vie des rescapés restent extrêmement précaires. Nombre d’entre eux vivent sans accès à l’eau potable, aux soins de santé ou à l’éducation. À cela s’ajoute la crainte persistante d’être expulsés des terres qu’ils occupent depuis des décennies.
« On vit comme des oubliés », confie Oswald Ntirampeba, responsable du site. « Nous demandons que ce lieu devienne un village de paix, un endroit digne pour nos familles. »
Maître Pascal Ntahonkuriye, président de l’Association des rescapés, a de son côté réclamé l’ouverture d’enquêtes indépendantes. « Cela fait 29 ans. Il est temps que la vérité soit établie et que les responsables répondent de leurs actes », a-t-il déclaré avec gravité.
Une mémoire divisée
Au Burundi, les débats sur les violences du passé restent un sujet hautement sensible, et les mémoires demeurent profondément divisées. La communauté tutsie réclame la reconnaissance des massacres de 1993 et 1996 comme un génocide.
En parallèle, certains partis politiques hutus, tels que le Frodebu et le CNDD-FDD, parlent plutôt du génocide de 1972 contre les Hutus, au cours duquel des dizaines de milliers d’entre eux furent tués sous le régime de Michel Micombero.
En 2022, malgré une décision de l’Assemblée nationale allant dans ce sens, le président Évariste Ndayishimiye a refusé d’officialiser la reconnaissance des massacres de 1972 comme un génocide, illustrant les tensions persistantes autour de l’histoire nationale.
Des accusations graves contre l’État
Dans un communiqué publié le 27 juillet depuis le Canada, l’association AC Génocide Cirimoso a vivement critiqué les autorités burundaises, qu’elle accuse d’entretenir une culture d’impunité persistante.
Elle s’en prend également à la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), accusée de manipuler l’histoire à des fins politiques et de passer sous silence certaines tragédies ciblées.
Son président, le professeur Lothaire Niyonkuru, met en garde : « Tant que les crimes du passé ne seront pas reconnus, et que les victimes seront ignorées, le Burundi restera prisonnier de ses divisions. »
L’association exhorte également l’Organisation des Nations Unies à faire appliquer ses propres recommandations, en particulier en matière de justice transitionnelle. Elle appelle la communauté internationale à ne pas détourner le regard face à ce qu’elle qualifie de génocide encore non reconnu.
Lors des cérémonies commémoratives tenues le 27 juillet, l’Abbé Vianney Nizigiyimana a lancé un appel à rejeter la haine et à cultiver la paix. Toutefois, pour de nombreux rescapés, cette paix restera illusoire tant que les auteurs des massacres ne seront pas traduits en justice et que les victimes ne bénéficieront pas d’une pleine reconnaissance.
Par ailleurs, les rescapés des massacres de Bugendana et Teza refusent de rester silencieux. Ils exigent notamment la vérité, la reconnaissance des faits et que justice soit enfin rendue.

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