Ce geste administratif, qui pourrait sembler anecdotique aux yeux d’une bureaucratie blasée, revêt en réalité une signification profonde : il brise l’un des rouages les plus insidieux de la prédation quotidienne, celui qui, à force d’être répété et banalisé, pesait comme une taxe occulte sur les épaules des plus modestes.
La fin annoncée d’une rente illégitime
Pendant des décennies , cette « contribution » imposée à chaque convocation qu’elle vienne d’un chef de village, d’un chef de groupement ou d’un service administratif avait trouvé refuge derrière l’argument commode de la coutume et de la nécessité. Sous couvert de couvrir des « frais administratifs », ces paiements étaient en réalité un outil de racket organisé, un prélèvement forcé sur une population déjà confrontée à une précarité extrême.
En interdisant cette pratique, l’administrateur d’Idjwi ne se contente pas de faire respecter un principe élémentaire d’équité : il rappelle, par la force de la loi, que l’autorité publique est au service du citoyen et non l’inverse. Le message est limpide : l’État de droit ne tolère pas que ses représentants se muent en percepteurs privés au détriment du bien commun.
Une décision qui allège la charge du quotidien
Cette interdiction intervient dans un contexte où les habitants d’Idjwi luttent au jour le jour pour nouer les deux bouts du mois. Dans cette économie insulaire, où chaque franc compte, la suppression d’une dépense arbitraire est une véritable bouffée d’oxygène. C’est une victoire discrète, certes, mais tangible, contre l’érosion silencieuse du pouvoir d’achat et de la dignité des plus vulnérables.
En se plaçant aux côtés de la population contre les excès de certains agents de l’autorité locale, l’administrateur renverse une logique ancrée : celle où le citoyen est présumé redevable avant même d’être entendu. Ici, c’est l’administration qui se responsabilise et accepte de se soumettre à l’exemple qu’elle exige.
De la parole à l’exemplarité
La mise en garde adressée aux contrevenants, chefs de chefferie, de groupement, de village, ou responsables de services est sans ambiguïté : toute entorse à cette mesure fera l’objet d’une sanction exemplaire. Ce ton ferme ne se contente pas de proclamer un principe ; il entend le faire respecter par des actes.
Dans un pays où les lois sont trop souvent réduites à de simples textes décoratifs, l’exemplarité devient l’outil le plus efficace de l’éducation civique. « Le meilleur moyen d’éduquer est l’exemple », dit l’adage ; et c’est bien ce qu’incarne cette initiative : enseigner l’intégrité administrative par la démonstration concrète que l’abus ne sera plus toléré.
La petite réforme comme ferment d’une révolution citoyenne
Certes, l’interdiction des paiements lors de convocations ne mettra pas fin, à elle seule, aux multiples formes de corruption qui minent la vie publique congolaise. Mais elle envoie un signal fort : la réforme n’a pas besoin d’attendre un décret présidentiel ou une révision constitutionnelle pour commencer. Elle peut naître d’une décision ferme à l’échelle locale, là où la relation entre administration et citoyen est la plus directe, et donc la plus déterminante pour la confiance publique.
À Idjwi, la démonstration est faite qu’une volonté politique, même à l’échelle d’un territoire insulaire, peut amorcer un changement de culture administrative. C’est par ces gestes précis, réitérés et défendus dans la durée, que se construit une véritable révolution par la base : une reconquête de la dignité citoyenne, un rappel constant que le service public n’est pas un privilège accordé, mais un droit inaliénable.
En choisissant de frapper au cœur d’une pratique abusive solidement enracinée, l’administrateur d’Idjwi ne s’attaque pas seulement à un abus financier : il s’attaque à un état d’esprit. Ce combat, s’il est poursuivi avec cohérence et soutenu par la population, pourrait faire de cette île un laboratoire d’intégrité publique. Et peut-être, à terme, montrer à l’ensemble du pays que la véritable révolution n’est pas toujours spectaculaire : elle commence souvent par le courage de dire non aux petites injustices qui, accumulées, font les grandes servitudes.

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