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Le Kivu, un territoire toujours en conflit : et si un génocide était en cours en RDC

Redigé par Valens Munyabagisha
Le 28 février 2023 à 07:57

Note de rédaction : Valens Munyabagisha est géographe-historien et ancien diplomate. Il prépare une maîtrise en relations internationales, option résolution des conflits. L’opinion exprimée dans cet article n’engage pas la rédaction.

Le Province du Kivu constitue l’épicentre des conflits dans la République Démocratique du Congo (RDC) depuis son indépendance. L’auteur présente en quatre parties, une analyse géopolitique des conflits de l’Est de la RDC.

L’Union Africaine et les pays de la Région ne devraient pas commettre la même erreur. Retour à la rhétorique qui prévalait au Rwanda entre 1990 et 1994 :

Les tutsi du Rwanda devaient retourner chez eux en Abyssinie de gré ou de force. Ceux de la RDC doivent retourner chez eux au Rwanda. Le FPR était considéré comme un mouvement Ougandais. Le M23 est un mouvement rwandais.

Des Sommets de Chefs d’États et des négociations ont eu lieu dans les pays voisins sanctionnés par des accords qualifiés par le président Habyarimana Juvénal de chiffons de papiers. Des déclarations des Sommets des Chefs d’États de la région sont contredites ou réinterprétées différemment par le gouvernement de la République Démocratique du Congo.

Des médias de la haine financée par le gouvernement rwandais incitaient les hutus aux massacres des tutsi. Des responsables politiques congolais utilisent les réseaux sociaux pour encourager les massacres des tutsi du Kivu.
Des milliers des tutsi fuyaient les massacres vers les pays voisins. Ceux du Kivu atteignent maintenant plus de 80.000 au Rwanda.

Des rapports aux Nations Unies montraient que des actes de violence contre les tutsi pouvaient être qualifiés de génocide. La Conseillère spéciale des Nations Unies a récemment déclaré que la violence contre les tutsi en RDC constitue des signes avant-coureurs d’un génocide.

Les Nations Unies ont envoyé une force, la MINUAR pour le maintien de la paix au Rwanda. La Communauté de l’Afrique de l’Est a envoyé sa force en RDC.
En 1994, tous les caméras des grands médias internationaux étaient tournées vers l’Afrique du Sud suite à la libération de Nelson Mandela, actuellement c’est la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Un génocide de grande ampleur qui était prévisible et évitable a eu lieu et a couté la vie de plus d’un million de tutsi en l’espace de trois mois seulement. Et si l’histoire se répétait !!

Depuis 2005, les pays ont des instruments légaux leur permettant de ne pas commettre la même erreur. Les Nations Unies ont adopté le principe de la « Responsabilité de protéger » prévoyant entre autres : “C’est à chaque État qu’il incombe de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Cette responsabilité consiste notamment dans la prévention de ces crimes, y compris l’incitation à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés. Nous l’acceptons et agirons de manière à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager et aider les États à s’acquitter de cette responsabilité et aider l’Organisation des Nations Unies à mettre en place un dispositif d’alerte rapide”.

Pour ce faire, la compréhension des crises permanentes dans la région du Kivu s’avère nécessaire.

Une démarche à la fois diatopique, c’est-à-dire appuyée sur le raisonnement géographique et diachronique, sur le raisonnement historien soutenue par une analyse des représentations des parties en conflits directement ou indirectement, permet une analyse géopolitique sur la nature des conflits permanents dans le Kivu. Il est difficile d’imaginer la résolution pacifique de ces conflits si on continue d’analyser assez légèrement la guerre identitaire que mène le M23 et le danger que constituent les FDLR aussi bien pour la RDC que pour le Rwanda.

La RDC et l’allégorie de la caverne

La province du Kivu est devenue l’épicentre des guerres en RDC depuis 1993. Le pouvoir de Kinshasa y est presqu’absent car la région est contrôlée par plus de 130 groupes armés. Le nombre de victimes civils dans cette région augmente de jour en jour devant plusieurs milliers de soldats de la Mission des Nations Unies la MONUSCO, présente en RDC il y a plus de 20 ans. Le gouvernement de Kinshasa refuse de s’asseoir sur la même table que le M23. Tout conflit oppose au moins deux protagonistes et pour qu’il y ait résolution d’un conflit, les deux doivent se parler. Qu’est ce qui manque pour que les protagonistes consentent à résoudre le conflit qui a trop duré ?

L’allégorie de la caverne de Platon peut donner une idée de la situation dans laquelle les autorités de Kinshasa se trouvent depuis que cet État est « indépendant ». L’allégorie met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une caverne. Ils le sont depuis leur naissance de sorte qu’ils n’ont jamais vu directement la source de la lumière du jour. Ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs par un feu allumé derrière eux et croient voir le soleil.

L’un d’eux est libéré de ses chaînes et accompagné de force vers la sortie et est cruellement ébloui par une lumière et le fait souffrir, il résiste et ne parvient pas à percevoir ce que l’on veut lui montrer et veut revenir à sa situation antérieure. Mais il persiste et voit enfin la réalité, il prend conscience de sa situation antérieure, retourne dans la caverne pour apporter sa connaissance aux autres. Ceux-ci incapables d’imaginer ce qui lui est arrivé, le reçoivent très mal et refusent de le croire et tentent même de le tuer.

C’est exactement ce qui se passe en RDC. Lorsque le président Felix Tshisekedi est arrivé au pouvoir, il a pris conscience de la réalité, mais ceux qui sont restés dans la caverne l’ont menacé. Il a pris pour siennes les accusations de ceux qui ont des intérêts à préserver en RDC, que c’est le Rwanda qui entretient le conflit pour pouvoir piller les ressources minières de cette région.

Contexte géographique et historique : La partition de l’Afrique et conséquences.
Les conséquences de la partition de l’Afrique lors de la Conférence de Berlin de 1885 sont connues. Des familles ont appris un jour qu’elles devenaient étrangères les unes par rapport aux autres, mais cela n’a pas empêché les échanges humains entre communautés transnationales.

Emmanuel Lubala Mugisho, juriste et homme politique basé à Kinshasa a donné quelques exemples dans sa publication : « La situation politique au Kivu : une dualisation de la société ». Selon lui, les Banande et Bayira se trouvent au Nord-Kivu et en Ouganda, les Bakiga et Bahima sont au Nord-Kivu et au Rwanda, les Hutu et les Tutsi sont au Rwanda, au Burundi, au Kivu et en Ouganda. D’autres communautés telles que les Bahororo, Bamoso, Bahavu, Bahunde, Banyabongo, Bafulero, Bavira, et Baha habitent au Sud-Kivu, au Rwanda et au Burundi. Nous savons également que les Swazis du royaume d’Eswatini se retrouvent au Mozambique, au Zimbabwe et en Afrique du Sud, les Bakongo de l’ancien royaume du Kongo se retrouvent en RDC, au Congo-Brazzaville, au Gabon et en Angola. Dans certains pays comme la RDC et la Côte d’Ivoire, la fixation sur l’authenticité et l’origine des populations a eu des impacts négatifs sur la sécurité nationale.

Pour le cas de la RDC, le fondement juridique de la citoyenneté basée sur l’origine a mis beaucoup de citoyens congolais dans une situation d’apatridie. D’après Alma Bezares Calderon et Pierre Englebert qui ont écrit ; « Les tribulations tribales : Estimations démographiques commentées des ethnies congolaises », les non-originaires représentent près de 20.3% de la population totale et atteint même 58% dans le Haut-Katanga. Pourtant ce sont seulement des rwandophones visés par ce concept : Qui sont des personnes originaires du Congo et à partir de quand on est considéré comme originaire, étant donné que différentes lois ont fixé cette date d’origine tantôt à 1885, 1908, 1950 et 1960 selon les cas ? L’histoire de l’implantation des Banyarwanda RDC est controversée par certains congolais, pourtant les récits des chercheurs et historiens de renom international sont clairs.

Dans la deuxième partie, l’auteur présentera les différentes étapes de l’implantation des banyarwanda dans le Kivu telles qu’elles apparaissent dans des publications des chercheurs de renom international. Ces mêmes publications montrent que les conflits du Kivu ont commencé bien avant l’indépendance de la RDC mais qu’ils ont été amplifiés avec l’arrivée des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), et que ces dernières sont à la base des massacres des Tutsi du Kivu et de la détérioration des relations entre le Rwanda et la RDC.

Un territoire toujours en conflit

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