Rhinocéros blancs, menteurs blancs : le regard suprémaciste derrière le journalisme animalier

Redigé par Tom Ndahiro
Le 14 juin 2025 à 07:26

Le 11 juin 2025, le Daily Maverick, un journal sud-africain, a publié un article qui semblait porter sur les rhinocéros blancs — mais ce qu’il a véritablement révélé, c’est quelque chose de bien plus toxique : la persistance des stéréotypes coloniaux dans le journalisme du XXIe siècle. C’était un article profondément offensant, condescendant, et ouvertement suprémaciste blanc, une propagande déguisée en journalisme.

L’article, signé par Ed Stoddard et intitulé « Loaded for Bear : African Parks has disgracefully sent more SA rhinos to repressive Rwanda » (Prêts à tirer : African Parks a honteusement envoyé d’autres rhinocéros sud-africains au Rwanda répressif), n’est pas simplement une critique malavisée des pratiques de conservation — c’est un exercice à part entière de prêche moral de type sauveur blanc, déguisé en défense des droits humains. Il suinte le mépris racial.

Ce texte ne fait pas qu’enfreindre les limites du discours raciste. Il peint ces limites avec le pinceau rouge sang de la nostalgie suprémaciste. Et si les éditeurs du Daily Maverick ne s’en sont pas aperçus, ce n’est pas par ignorance — c’est parce qu’ils sont complices.

Commençons par le titre. « Loaded for Bear » ? Une métaphore hypermasculine, tirée du folklore colonial de la chasse, pleine de violence implicite et d’arrogance.

L’ironie, c’est que le titre ne mentionne même pas les rhinocéros blancs, bien que chaque ligne de l’article hurle une anxiété blanche.

C’est une histoire de rhinocéros blancs — mais, au vu du ton racialisé qui suit, il est difficile d’ignorer le déplacement symbolique. Lorsque la suprématie blanche se dissimule derrière l’écologisme, les mots commencent à porter des doubles sens inquiétants.

« Une grande partie de la faune africaine se trouve à l’intérieur des frontières d’États à la gouvernance douteuse ou au bilan contestable en matière de droits humains. Mais certaines lignes doivent être tracées. Le régime de Kigali se distingue par l’ampleur de sa répression et l’instabilité régionale qu’il a provoquée. »

C’est par cette phrase que commence l’article de Stoddard. Une seule phrase, et nous voilà déjà plongés jusqu’au cou dans une généralisation coloniale. Ce n’est pas du journalisme ; c’est une nouvelle version de la Destinée manifeste appliquée aux environnementalistes, dissimulée sous un gilet kaki et armée d’un ordinateur portable au lieu d’un fusil.

À partir de là, l’article cesse de parler de faune pour se dévoiler comme une diatribe raciale à peine voilée. L’idée selon laquelle les nations africaines, en particulier le Rwanda, doivent passer des tests moraux imposés par des journalistes occidentaux avant d’être autorisées à recevoir des animaux dans le cadre de projets de conservation n’a rien de nouveau — elle puise ses racines dans un paternalisme raciste vieux de plusieurs siècles.

Ce qui suit est un déferlement incessant d’arrogance, de bigoterie et de pseudo-analyse. Le Rwanda y est décrit comme « un État sinistre », accusé de « tuer des dissidents », et dirigé par « le régime autocratique de Paul Kagame ».

Aucune source crédible. Aucune voix dissidente. Rien d’autre que Stoddard et sa chambre d’écho personnelle, Michela Wrong — dont les prises de position suintent elles-mêmes un profond mépris néocolonial pour l’autonomie des Africains.

En vérité, ce texte n’est pas un article de presse. C’est une démonstration de suffisance suprémaciste diffusée sur une plateforme qui devrait pourtant mieux savoir. Stoddard ne s’appuie sur aucune source crédible pour étayer ses accusations.

Il évoque ensuite Michela Wrong, une autre figure vieillissante d’un genre épuisé : celui des « journalistes blancs expliquant l’Afrique à elle-même ».

Son livre Do Not Disturb est présenté comme s’il s’agissait de l’analyse morale définitive d’une nation tout entière, avec sa couverture et son lien hypertexte mis en évidence comme s’il s’agissait d’une écriture sacrée.

Ce n’est pas un hasard si Stoddard mobilise la machine de propagande de Wrong, faisant la publicité de son brûlot publié en 2021, Do Not Disturb, qu’il décrit comme une « dissection clinique » du « régime paria » rwandais. Un ouvrage pourtant largement discrédité par des universitaires et des diplomates, à tel point que le citer relève presque de la faute professionnelle.

Le visage civilisé de la barbarie moderne

Mais arrêtons-nous un instant pour examiner les tactiques utilisées dans cet article. Le Daily Maverick insère un lien éditorial vers un article antérieur intitulé « Rwanda’s rhinos are safer than its dissidents » (Les rhinocéros du Rwanda sont plus en sécurité que ses dissidents) — une attaque sournoise et répugnante, qui minimise la reconstruction post-génocide d’un pays tout en insinuant que la conservation au Rwanda est plus sinistre que le braconnage en Afrique du Sud.

De la satire ? Non. Juste du sensationnalisme suprémaciste, qui réduit à la fois les êtres humains et les animaux à des pions dans un jeu de surenchère morale.

Dans ce théâtre absurde de supériorité morale, l’idée selon laquelle les rhinocéros blancs seraient mieux protégés que des êtres humains est grotesque. Mais ce n’est même pas une idée nouvelle. Elle puise dans une logique suprémaciste blanche vieille de plusieurs siècles — celle qui considère que les corps noirs sont plus jetables que les animaux blancs.

Stoddard écrit : « Cette observation reste valable et, si tant est que les choses aient changé, le Rwanda, sous le régime autocratique de Paul Kagame, est devenu encore plus un État paria en raison de son soutien documenté aux rebelles du M23 en RDC voisine. »

« Soutien documenté » par qui ? Stoddard ne cite jamais de sources indépendantes et vérifiables. Il se contente de renvoyer à son propre article d’opinion précédent — comme si l’auto-référence et la répétition pouvaient remplacer les preuves.

Il ajoute ensuite ceci : « African Parks ne voit aucun inconvénient à serrer la main du diable si cela sert son agenda de conservation — ce qui est inquiétant. »

Au cas où les lecteurs auraient manqué l’allusion, Daily Maverick renforce le message de haine avec une photo du président Kagame « lors d’une conférence de presse après sa rencontre avec son homologue letton » — placée à côté de cette métaphore du « diable ».

Décryptons cela. Pour Stoddard, le « diable », c’est Paul Kagame — le président du Rwanda. La métaphore « serrer la main du diable » est une insulte délibérée. Mais plus insidieuse encore est son origine : le titre du livre de Roméo Dallaire, Shake Hands with the Devil (2003), dans lequel il raconte son expérience de négociation avec les génocidaires en 1994.

Assimiler ainsi le gouvernement de Kagame — responsable de l’arrêt du génocide contre les Tutsi — à celui des génocidaires qui l’ont orchestré n’est pas seulement irresponsable. C’est une perversion.

Et quel est le but d’une telle métaphore dans un article censé parler de rhinocéros ? Préparer le lecteur au dégoût. C’est une opération psychologique déguisée en reportage.

Il est crucial ici de dévoiler ce qui est véritablement en jeu : le désir suprémaciste occidental de gérer la conscience humaine, comme si l’Occident seul détenait la boussole morale du gouvernement mondial.

Ce positionnement journalistique, sous prétexte de défendre les « droits humains », vise en réalité à surveiller et restreindre l’autodétermination africaine.

Son article ne plaide pas pour la protection des rhinocéros, mais pour la protection du récit suprémaciste blanc : celui selon lequel seuls certains Africains méritent une légitimité — et uniquement dans des conditions approuvées par les héritiers de l’ancien empire.

Il est également essentiel d’examiner l’instrumentalisation de la conservation — une forme de « colonialisme de la conservation ». Les commentateurs occidentaux, les institutions et certaines ONG utilisent souvent les questions liées à la faune comme levier moral pour humilier les États africains.

Cela fait partie d’un phénomène plus vaste, dans lequel les parcs nationaux africains sont considérés comme un patrimoine moral international, et les gouvernements africains comme de simples gardiens provisoires dont la légitimité doit être validée par la presse occidentale.

Cela est particulièrement évident lorsque Stoddard écrit :

« Le Rwanda, soit dit en passant, n’est pas un ancien territoire des rhinocéros blancs. »

C’est techniquement exact, mais logiquement vide de sens. L’Afrique du Sud non plus n’était pas un État de libération lorsqu’elle accueillait des révolutionnaires exilés, pas plus qu’elle n’était un sanctuaire de la liberté de la presse sous l’apartheid. Et pourtant, cela ne semble poser aucun problème à Stoddard.

Dans l’un des actes de propagande visuelle les plus révélateurs, l’article présente une photo censée montrer des soldats du M23 « en patrouille à Bukavu, au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, le 22 février 2025 ».

Cette image — totalement sans rapport avec les rhinocéros — n’est pas un oubli éditorial. C’est une insertion propagandiste, conçue pour provoquer une association sinistre entre le Rwanda, la guerre en RDC et la faune sauvage.

Elle joue sur les ressorts de la géopolitique, d’autant plus que le M23 — une force relativement disciplinée — a, à plusieurs reprises, ridiculisé les FARDC et leurs alliés, y compris les forces sud-africaines présentes au Nord-Kivu.

Ce que nous observons ici n’est pas un simple parti pris — c’est une projection psychologique. Pour Ed Stoddard et les rédacteurs de Daily Maverick, les États africains ne peuvent jamais “gagner” à moins que cette victoire ne soit validée, racontée et moralisée selon leur propre vision du monde.

Lorsque Stoddard affirme : « Les gorilles de montagne, par exemple, ne se trouvent qu’au Rwanda, en Ouganda voisin et en RDC, et les efforts de conservation pour cette espèce doivent donc être concentrés dans ces pays, quels que soient les gouvernements en place. »

Il laisse échapper un aveu discret : le Rwanda, au même titre que ses voisins, est indispensable. Mais cet aveu est enveloppé dans un compliment empoisonné, destiné à maintenir la légitimité rwandaise dans un état toujours conditionnel — soumise à une validation extérieure.

L’ensemble de l’article empeste cette dichotomie que l’on pourrait résumer par : les Éclairés contre celui qui ne l’est pas. Pour Stoddard, l’Afrique du Sud peut donner naissance à des rhinocéros et gérer leur transfert. Le Rwanda, lui, ne peut les accueillir que s’il se conduit bien.

Mais l’histoire a ses propres vérités. Les rhinocéros nés en Afrique du Sud — bien qu’ils ne soient pas blancs de couleur — appartiennent à une lignée dont les ancêtres ont survécu à un régime qui armait les génocidaires au Rwanda avant 1994.

Quel est donc le droit moral d’un journaliste qui a peut-être travaillé pour l’Afrique du Sud de l’apartheid d’attaquer le Rwanda — une nation sortie de l’un des pires génocides de l’histoire humaine et qui, sans assistanat, s’est reconstruite par ses propres moyens ?

Stoddard se plaint :

« Et soyons honnêtes, le parti au pouvoir, le Frelimo [au Mozambique], a suivi la voie bien tracée d’autres mouvements de libération africains vers la corruption et la mauvaise gouvernance. »

Et selon qui ? Un journaliste qui n’a jamais combattu pour autre chose que des dates de bouclage et des signatures d’articles ? Depuis quand est-il devenu philosophe en matière de gouvernance africaine ? Parle-t-il au nom du peuple mozambicain ? Comprend-il les luttes de libération ?

Ce schéma révèle le double standard suprémaciste à l’œuvre. Lorsque des animaux sont transférés vers des pays liés à l’Europe ou à des minorités blanches issues de la colonisation, aucune inquiétude éditoriale ne se manifeste. Mais lorsqu’ils sont envoyés dans des pays dirigés par des Noirs, qui ont affirmé leur souveraineté, soudainement le récit change — de la conservation à la condamnation.

Stoddard poursuit en écrivant :

« Le gouvernement de Kigali se distingue par l’ampleur de sa répression et l’instabilité régionale qu’il a déclenchée. Et Kagame a une compréhension instinctive de ce qui importe à l’Occident. Le projet de réintroduction des rhinocéros lui confère le prestige qu’il recherche, ajoutant une couche supplémentaire de légitimité à son régime — qui, au moins, garde les rues de Kigali propres. »

Imaginez un instant que la légitimité du Rwanda dépende de l’arrivée de 70 rhinocéros venus d’Afrique du Sud. Quelle insulte pour un pays !

Ce paragraphe est un exercice d’arrogance. Il suggère que si le Rwanda a réussi en matière de propreté, de conservation, d’infrastructures ou de respect international, ce n’est que parce que Kagame chercherait à impressionner les Occidentaux.

Quelle insulte pour les Rwandais, qui se lèvent chaque dernier samedi du mois pour l’Umuganda — non pas pour plaire à l’Occident, mais par devoir commun, ancré dans leur histoire et leur volonté collective.

Même ici — lorsqu’il reconnaît à contrecœur la propreté du pays — ce n’est pas présenté comme une vertu, mais comme une tactique sinistre. C’est la vieille paranoïa coloniale à propos de « l’imitation du colon » : cette peur que l’Africain adopte les apparences de la modernité, de l’ordre, de la civilisation — sans y avoir été autorisé par l’Occident.

La vérité est plus simple. Le développement du Rwanda n’est pas destiné à l’Occident. Il est destiné aux Rwandais. Il est le fruit d’une volonté nationale, d’une bonne gouvernance et d’une transformation durement acquise. Des rues propres ne sont pas une coquetterie : elles sont une nécessité pour notre santé et notre dignité.

Ici encore, on retrouve cette vision du monde héritée de 1810 : propreté, ordre, discipline — autant de qualités qui ne sauraient, selon cette logique, être africaines sans la supervision de la conscience blanche. Livrés à eux-mêmes, toujours selon cette vision, les Africains sombreraient dans « la paresse, la vengeance, la sauvagerie ».

La grille de lecture de Stoddard n’est pas un cas isolé. Il n’est qu’un symptôme. Le véritable problème, ce sont aussi les rédacteurs qui ont validé son article.

Le Daily Maverick se présente parfois comme un média progressiste, mais en publiant un tel déversement de fiel, il a manqué à la plus élémentaire rigueur éditoriale. Sa plateforme est devenue un vecteur de géopolitique racialisée, déguisée en commentaire sur les droits humains.

Pour comprendre pleinement l’ossature intellectuelle du réquisitoire d’Ed Stoddard, il faut se confronter aux décombres intellectuels de l’histoire racialisée de l’Europe — ces stéréotypes fossilisés mais toujours actifs, qui ont traversé les siècles et pris de nouvelles formes.

Comme le rappelle Achille Mbembe dans De la postcolonie, l’Afrique, dans l’imaginaire occidental, n’est pas simplement un lieu géographique, mais une « phantasmagorie » — un théâtre abstrait de dysfonctionnements et de besoins, en attente d’une rédemption occidentale.

C’est précisément le rôle que Stoddard s’attribue implicitement : le rédempteur, le gardien moral, le chroniqueur blanc porteur de conscience, venu témoigner de la supposée décadence politique de l’Afrique.

Et comme l’écrivait Edward Said dans L’Orientalisme, le regard du colonisateur ne fait pas que décrire — il définit. Le journalisme de Stoddard n’est pas un acte de description ; c’est une revendication de domination, qui décide de qui est sauvage et de qui est civilisé, de qui mérite des rhinocéros et de qui n’en est pas digne.

Frantz Fanon, dans Peau noire, masques blancs, observait ce phénomène de l’homme blanc agissant non seulement comme colonisateur, mais aussi comme « juge, jury, médecin et thérapeute de l’âme noire ». C’est précisément l’attitude adoptée par Stoddard. À ses yeux, le Rwanda n’est pas une nation d’acteurs souverains, mais un patient politique à diagnostiquer et à disqualifier.

Et ici, la critique de Chinua Achebe à l’égard du Cœur des ténèbres de Joseph Conrad résonne avec force. Dans son essai fondamental An Image of Africa, Achebe montre que l’Afrique, chez Conrad, n’est pas un lieu réel, mais un faire-valoir — un « autre monde » métaphorique qui n’existe que pour mettre en lumière le prétendu parcours moral de l’Européen.

Comme le souligne Achebe, les Africains dans Cœur des ténèbres sont privés de langage, d’initiative et d’humanité, réduits à de simples « membres et yeux roulants ».

C’est dans cette tradition narrative qu’Ed Stoddard puise : l’Afrique, non pas comme un continent peuplé de sociétés qui réfléchissent, planifient et évoluent, mais comme une jungle morale où le journaliste occidental s’aventure pour sauver les animaux — et, prétendument, les humains.

Ce qui nous ramène à l’Encyclopaedia Britannica de 1810 et à son entrée révoltante sur « le Nègre » — un terme que Stoddard ne citerait jamais ouvertement, mais qu’il semble avoir intégré par héritage culturel.

On peut y lire :

« Les vices de la race la plus malheureuse… la paresse, la traîtrise, la vengeance, la cruauté, l’impudence, le vol, le mensonge, le blasphème, la débauche, la saleté et l’intempérance auraient éteint en eux les principes du droit naturel et réduit au silence les reproches de la conscience. Ils sont étrangers à tout sentiment de compassion et constituent un effroyable exemple de la corruption de l’homme livré à lui-même. »

Cette description choquante, citée par Charles Husband dans In Black and White : The Roots of Racism in Race in Britain (1982), n’était pas une simple pseudoscience académique. Elle servait à justifier les systèmes brutaux d’esclavage, de conquête coloniale et de soumission raciale.

Aussi répugnant que cela puisse paraître aujourd’hui, il ne faut pas sous-estimer à quel point cette pensée perdure profondément dans l’inconscient des commentateurs occidentaux comme Stoddard et ses semblables.

Leur ton, leur sentiment de droit à dicter ce qui constitue une bonne gouvernance en Afrique, ainsi que leur opposition obstinée à l’autonomie africaine dans la gestion à la fois de la faune et de leurs nations ne sont pas fortuits — ce sont les descendants idéologiques de ce même stéréotype.

Jusqu’à présent, des vestiges de ce sentiment persistent dans le journalisme — qui présente la gouvernance africaine comme un défaut inhérent et le succès africain comme une anomalie nécessitant une explication ou une suspicion venue de l’étranger.

C’est cette mentalité — désormais vêtue du langage « rationnel » de la conservation et des droits humains — que Stoddard incarne.

Le dernier safari du suprémacisme

Ce que nous avons vu dans l’article d’Ed Stoddard n’est pas du journalisme — c’est le fantôme de l’arrogance coloniale en safari, tenant un carnet au lieu d’un fusil, se lamentant que les « indigènes » ne sont plus reconnaissants.

Il aimerait pouvoir décider où vont les rhinocéros, où les Africains gouvernent et comment l’histoire doit être racontée. Et quand il ne le peut pas, il fulmine. Quand l’Afrique montre son autonomie, il répond par l’alarme. Quand les Africains réussissent, il exige de savoir quel donateur occidental il faut remercier.

Ce n’est pas une préoccupation pour les droits humains. C’est une panique esthétique : comment osent les Africains être propres, ordonnés, prospères — sans permission ? Les rhinocéros blancs ne sont qu’un décor.

La vraie bête chassée est la dignité africaine. Et Stoddard, perché sur son promontoire journalistique d’ivoire, souhaite l’abattre avec des mots imprégnés d’une suprématie héritée.

Daily Maverick s’est laissé transformer en une plateforme de projection néocoloniale. Il a permis à un écrivain d’utiliser la faune sauvage comme cheval de Troie pour réintroduire le racisme du XIXᵉ siècle à travers un journalisme du XXIᵉ.

Car la préoccupation de Stoddard n’est pas les droits humains. C’est la conformité idéologique. Les gouvernements qui défient le paternalisme occidental sont étiquetés « parias ». Ceux qui s’inclinent voient leurs fautes pardonnées.

L’article de Stoddard n’est pas une critique de la politique de conservation. C’est un manifeste de sentiments suprémacistes blancs déguisé en préoccupation environnementale. C’est une déclaration selon laquelle les Africains ne peuvent être tolérés que lorsqu’ils sont chaotiques, corrompus ou pitoyables — mais jamais lorsqu’ils sont efficaces, indépendants ou prospères.

Pour mémoire : le Rwanda n’est pas parfait. Aucune nation ne l’est. Mais son peuple a choisi la transformation plutôt que le traumatisme, la dignité plutôt que la dépendance. Qu’une nation ayant survécu à un génocide accueille aujourd’hui des rhinocéros, des gorilles, et des rues urbaines propres, y compris en milieu rural, n’est pas une menace. C’est un triomphe.

Et c’est cela — bien plus que n’importe quelle ONG ou président — qui met véritablement Ed Stoddard et ses semblables en rage. La vue d’un pays africain refusant de se plier à leurs faibles attentes constitue la plus grande menace qui soit.

Mais peu importe à quel point il hurle, le Rwanda ne rampera pas. Les Africains ne quémanderont pas. Et les rhinocéros ne demanderont pas de passeports coloniaux. Les jours où l’on gérait la conscience de l’Afrique depuis des bureaux éloignés sont révolus.

Ce n’est plus Out of Africa — c’est out of touch (décalé, déconnecté). Et le masque de supériorité morale ? Il s’est enfin fissuré.

Ils veulent que l’Afrique soit blessée. Le Rwanda insiste pour guérir.

Ils veulent que les Africains mendient. Le Rwanda insiste pour construire.

Ils veulent les Africains dans la jungle. Le Rwanda offre des jardins.

Alors, qu’ils hurlent. Qu’ils le fassent.

Les rhinocéros blancs sont chez eux dans le parc national d’Akagera. Et les véritables bêtes se sont révélées — dans les pages du Daily Maverick.

Alors, à Ed Stoddard et à ses semblables, voici la dure vérité : nous n’avons pas besoin de votre permission pour construire notre avenir. Le Rwanda n’est pas votre exposition. Kigali n’est pas votre zoo.

Notre gouvernance n’est pas soumise à votre conscience. Vos métaphores sont épuisées. Votre racisme est remarqué. Et votre incapacité à évoluer est un fardeau que vous devez porter vous-mêmes.

Les rhinocéros d’Afrique du Sud ont d’abord été relocalisés à l’intérieur du pays, dans la réserve de Munywana, afin de s’acclimater à des conditions similaires à celles du parc de l’Akagera.

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