Le marché mondial du négationnisme

Redigé par Tom Ndahiro
Le 22 juin 2025 à 03:29

L’Histoire, semble-t-il, a perdu toute honte et développé un goût pour la parodie. Les meurtriers sont désormais les endeuillés. Les architectes de l’anéantissement sont devenus conférenciers d’honneur.

Et le négationnisme du génocide contre les Tutsi s’est offert un relooking — brochures glacées, buffets traiteurs et applaudissements moralement confus — sous l’étiquette du « leadership intellectuel ».

Le 21 juin 2025, à Bruxelles — précisément à Bruxelles — l’organisation Jambo ASBL, une véritable meute de loups en vestons de tweed, a organisé une conférence internationale sur les réfugiés.

Une cause noble, dirait-on, jusqu’à ce qu’on regarde la liste des invités. Gaspard Musabyimana, Charles Ndereyehe et d’autres. Des hommes dont les véritables biographies ressemblent à des actes d’accusation à ciel ouvert.

Tous sont des fugitifs recherchés par la justice, tous sous le coup d’actes d’accusation ou d’accusations d’incitation, d’organisation ou de participation au génocide. Des hommes dont le parcours s’écrit non pas à l’encre, mais dans le sang.

Mais aujourd’hui, ils portent la cravate. Ils parlent un français châtié. Ils publient des slogans sur les droits humains sur les réseaux sociaux.

Et l’Occident, ce gardien autoproclamé de la démocratie et de la justice, leur tend le micro et les applaudit. Ce n’est pas seulement une perversion de la mémoire — c’est une trahison grotesque de la vérité.

Des hommes et des femmes dont les noms sont connus non pas pour avoir abrité des réfugiés, mais pour les avoir créés. Des hommes qui ne se sont pas levés pour protéger les persécutés, mais pour orchestrer leur massacre.

Les génocidaires étaient bien représentés par leurs enfants. Gustave Mbonyumutwa, fils de Shingiro Mbonyumutwa – mort avant d’avoir à répondre de ses crimes – a été chargé de parler de « l’absence des voix des réfugiés dans les processus de consolidation de la paix ». Quelle moquerie !

Placide Kayumba et Gloria Uwishema participaient à un panel sur le thème « Solutions et consultation des citoyens ». Le premier est le fils de Dominique Ntawukuriryayo — condamné pour génocide par le TPIR —, tandis que la seconde est la fille de Charles Ndereyehe — un idéologue du génocide bien connu.

Et maintenant, les voilà sur des panels, avec des diapositives PowerPoint et des éléments de langage. Ils pontifient sur les droits humains, la démocratie et la dignité, sans s’étouffer dans leur propre ironie.

Pendant ce temps, les véritables victimes, dont les familles ont été déchirées par ces idéologues, sont introuvables — non invitées, invisibles, oubliées.

Ce à quoi nous assistons n’est ni la justice, ni le dialogue, et encore moins la guérison. C’est un blanchiment du génocide, sponsorisé par l’indifférence et repassé à sec par l’aveuglement incurable de l’Occident face à sa compassion sélective.

Des massacres aux micros

Il fut un temps où les architectes et les complices du génocide prenaient la fuite pour se cacher. Aujourd’hui, ils fuient vers les conférences de presse.

Ceux-là mêmes qui appelaient à l’extermination sur Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM) sont désormais panélistes dans des débats sur les migrations.

Ceux qui dressaient les listes de Tutsis à abattre au Rwanda rédigent aujourd’hui, depuis le confort de villes européennes, des « tribunes » sur la démocratie et la justice.

Le monde, en particulier ses institutions euro-américaines, fait preuve d’un talent extraordinaire pour l’amnésie historique, surtout lorsque le génocide se déroule loin des frontières blanches.

Il y a une raison pour laquelle la négation de la Shoah est interdite en France, en Allemagne et dans de nombreux pays européens, alors que la négation du génocide contre les Tutsi est vendue sur Amazon, diffusée sur YouTube, et exhibée dans des conférences sur les droits humains, sous la protection suffisante de la « liberté d’expression ».

Ce à quoi nous assistons aujourd’hui n’est pas la liberté — c’est la liberté sans responsabilité, et pire encore, la liberté sans mémoire. C’est ainsi que la boussole morale du monde se brise, pixel par pixel.

Le monde doit-il accepter cette méprise occidentale de l’innocence ?

Ne mâchons pas nos mots : ce phénomène absurde ne se déroule pas dans le vide. Il est toléré, sponsorisé et poli par des acteurs aux passés sanglants et à la morale sélective.

Plusieurs responsables politiques français, par exemple, dont les soldats ont contribué à protéger les génocidaires en fuite lors de l’opération Turquoise, refusent encore de qualifier leur rôle pour ce qu’il fut : de la collaboration ou de la complicité.

Non seulement des génocidaires ont été abrités dans des camps placés sous protection française, mais la France a continué pendant des années à leur offrir une couverture diplomatique — alimentant ainsi le révisionnisme au nom de la géopolitique.

Les Belges, ingénieurs coloniaux des divisions ethniques du Rwanda — et de l’infrastructure même du génocide — ont, quant à eux, perfectionné l’art du silence.

Aujourd’hui, Jambo ASBL — une association haineuse remplie d’enfants de génocidaires — a pignon sur rue en Belgique, d’où elle déverse sa propagande, fait du lobbying auprès des parlementaires européens et appelle à la « démocratie » au Rwanda, tout en glorifiant les hommes qui ont organisé les massacres de masse.

Les Britanniques, avec leur légendaire retenue, ont offert un sanctuaire à des génocidaires recherchés et se sont congratulés d’avoir soutenu des concepts abstraits comme la « réconciliation ».

Mais il est facile de prêcher la réconciliation quand on se trouve à des océans des fosses communes.

Les Américains, quant à eux, oscillent entre l’oubli et l’arrogance. Leur refus de qualifier les événements de 1994 de génocide pendant qu’ils se déroulaient — parlant d’« actes de génocide » plutôt que de génocide — n’était pas une erreur juridique, mais une faillite morale.

Aujourd’hui, leurs institutions universitaires et politiques sont infestées de pseudo-experts qui minimisent le génocide contre les Tutsi ou régurgitent les éléments de langage des FDLR au nom d’une prétendue « perspective équilibrée ».

Et puis, il y a les Nations Unies. Ce symbole de la vertu mondiale. La même ONU qui a retiré ses casques bleus pendant que des enfants tutsis étaient massacrés à la machette publie aujourd’hui des rapports annuels qui mettent sur un pied d’égalité moral les génocidaires et les survivants, comme s’il s’agissait de deux camps équivalents dans un conflit.

Au nom de la neutralité, elle efface l’Histoire.

Et si l’on pense que le problème vient seulement de l’extérieur, tournons le regard vers l’intérieur. L’Union africaine est une autre honte. Une simple fraternité creuse.

L’UA, dont le prédécesseur, l’OUA, a observé le génocide de 1994 sans lever le moindre doigt diplomatique, reste paralysée par la lâcheté.

Au lieu de faire face au cancer du négationnisme qui se propage dans les politiques régionales — notamment en RDC, au Burundi et même dans certaines parties de l’Afrique australe — elle préfère enfouir sa tête dans le sable.

Son silence face à des groupes comme les FDLR, composés des vestiges de la machine génocidaire de 1994, est assourdissant.

Son refus de condamner les révisionnistes en vue n’est pas de la diplomatie, c’est de la complicité. L’UA aurait pu forger une réponse morale africaine aux génocides africains. Elle a préféré sous-traiter sa conscience à Bruxelles.

Victoire Ingabire : la sainte de l’amnésie sélective

Nulle part cette hypocrisie internationale n’est plus visible qu’au sein de Jambo ASBL, qui a reconditionné la négation du génocide en activisme citoyen.

Fondée par des descendants de responsables du génocide contre les Tutsi, cette organisation se présente comme la voix de la diaspora rwandaise.

Mais grattez un peu la surface, et vous trouverez de la négation, de la haine et de l’incitation, en costume sur mesure.

Leurs publications et leurs conférences ne relèvent pas simplement de l’égarement — ce sont des opérations stratégiques de révisionnisme historique, destinées à délégitimer la reconstruction du Rwanda après le génocide en effaçant ce dernier de la mémoire collective.

Ils inversent tous les récits : les victimes deviennent les bourreaux ; les tueurs deviennent les critiques.

Le fait qu’une telle organisation puisse opérer librement en Belgique n’est pas une faille juridique — c’est une condamnation de l’hypocrisie européenne. Remplacez le mot « Tutsi » par « Juif » dans leur rhétorique, et elle serait interdite avant même l’heure du petit-déjeuner. Mais lorsqu’il s’agit de l’Afrique, le seuil d’indignation est bien, bien plus élevé.

Et puis il y a Victoire Ingabire, portée aux nues dans certains cercles occidentaux comme « l’espoir d’un changement démocratique » au Rwanda.

Elle a fait la une de la presse internationale, rencontré des responsables de l’UE, et reçu des tribunes allant de la BBC à Al Jazeera.

Elle a même été nominée à des prix des droits de l’homme. Et pourtant, cette femme s’est publiquement alignée sur une idéologie génocidaire, a remis en question la nature du génocide de 1994, et a appelé à une « mémoire inclusive » — une formule codée utilisée par les négationnistes pour relativiser le génocide contre les Tutsi en y incluant la « souffrance » des génocidaires.

Ses appels à une « mémoire inclusive » ne sont pas nobles — ce sont des grenades rhétoriques lancées sur les tombes des victimes.

Les éloges que lui adressent certains médias occidentaux et groupes de réflexion révèlent une vérité que beaucoup n’osent pas formuler à voix haute : aux yeux de certains, la démocratie importe plus que la mémoire — tant que les victimes sont africaines.

Autrement dit, une négationniste qui s’oppose au président Paul Kagame a plus de valeur, aux yeux de l’Occident, qu’un survivant du génocide qui met en cause leur confort moral.

Ne tournons pas autour du pot. Victoire Ingabire n’est pas une icône de la démocratie. Elle est le symbole de l’imposture morale. Une opportuniste politique calculatrice, qui revêt le voile de la liberté tout en manipulant le lexique de l’idéologie et du négationnisme du génocide.

Ses flirts avec les FDLR, ses déclarations publiques visant à saper la réalité du génocide de 1994, et ses silences complices face aux génocidaires en disent plus long que n’importe quel manifeste.

Et pourtant, malgré tout cela, certains médias la couvrent d’éloges. Des ONG internationales la traitent comme une Mandela en devenir.

L’hypocrisie internationale donne la nausée. Amnesty International inviterait-elle un suprémaciste blanc qui minimise la Shoah, sous prétexte qu’il critique un gouvernement en place ?

Des think tanks européens accueilleraient-ils un nationaliste serbe affirmant que Srebrenica est une invention ?

Bien sûr que non. Mais Victoire Ingabire, voyez-vous, c’est différent — parce que ses victimes étaient africaines.

Parce que le génocide autour duquel elle tourne avec des euphémismes n’a pas eu lieu en Europe. Parce que, dans le calcul de la morale internationale, les morts tutsi pèsent moins.

Et ceux qui la promeuvent — journalistes, ONG, universitaires — ne sont pas de simples spectateurs innocents. Ce sont des complices d’une nouvelle guerre : une guerre contre la mémoire, contre la vérité, et contre la dignité des survivants.

Imaginons un instant ce que devient un monde où la mémoire est orpheline. Et que dire de ces survivants ?

Cette femme qui a vu sa mère se faire massacrer à la machette dans une église pendant que les casques bleus de l’ONU prenaient la fuite.

Cet orphelin qui a grandi sans personne pour lui murmurer des histoires le soir, parce que tout son village a été exterminé en trois jours.

L’homme qui a vu son petit frère être projeté contre un mur tandis que des religieuses détournaient le regard.

Ces survivants n’ont pas droit à des conférences. Ils n’ont pas droit à des tribunes dans les journaux européens. Ils ont droit au silence.

Leur traumatisme est devenu embarrassant. Leurs témoignages sont trop crus pour la société bien-pensante. Leur vérité, trop brutale pour les panels sur les droits humains qui préfèrent les doux mensonges des négationnistes à l’amère réalité du génocide.

Terminons par un parallèle sombre. Imaginez ceci : une conférence à Berlin en 2025. Son thème : « La question juive et les migrations d’après-guerre ». Parmi les intervenants, les fils d’officiers SS, un fugitif ayant géré la logistique d’Auschwitz, et une femme qui affirme publiquement que « toutes les chambres à gaz n’étaient pas réelles ».

Parmi les participants au débat, la fille d’un adjoint de Goebbels qui estime que l’Holocauste est « contesté », et une charmante mondaine allemande qui pense qu’il faut « ouvrir la discussion » sur la question de savoir si le Zyklon B a été mal compris.

Imaginez ce théâtre grotesque organisé dans une université européenne moderne. Couvert par des titres neutres dans The Mail & Guardian. Diffusé en direct par NBC. Parrainé, peut-être, par une ONG de défense des droits humains bien intentionnée qui veut simplement « élargir le débat ».

Maintenant imaginez cette conférence louée par Der Spiegel, couverte avec neutralité par la BBC, Deutsche Welle et protégée par le ministère allemand des Affaires étrangères.

Impensable ? C’est pourtant exactement ce qui s’est passé le 21 juin 2025 à Bruxelles — avec les victimes tutsies remplacées et le regard occidental détourné. C’était en direct sur YouTube, principalement via Zoom.

Terminons par un parallèle sombre et délibérément dérangeant. Imaginez ceci :

Maintenant, faites une pause. Profonde. Parce que ce même théâtre de perversion s’est joué cette semaine à Bruxelles — sauf que les victimes n’étaient pas juives, mais tutsies.

Et parce qu’elles sont noires, africaines, venues d’une région traitée comme une distraction politique par l’Occident, leurs os seraient apparemment moins sacrés que les minerais de la RDC.

Leur mémoire moins protégée. Leurs meurtriers plus acceptables. Ce n’est pas simplement un double standard — c’est une morale inversée où la sacralité de la vie se mesure à la couleur de peau et au code postal.

Ce qui se déroule sous nos yeux est une trahison de la civilisation vêtue du costume de la tolérance libérale.

Quand le négationnisme devient sujet de table ronde, quand les fugitifs du génocide sont décrits comme des « voix de l’opposition », et quand des idéologues comme Victoire Ingabire sont exaltés en « champions de la démocratie », le monde n’est plus confus — il est complice.

Pourquoi tout cela importe-t-il ? Parce que le négationnisme du génocide n’est pas un simple phénomène marginal. C’est une entreprise bien financée, institutionnellement protégée, et blanchie par le milieu académique.

Il existe des maisons d’édition, des chaînes YouTube, des départements universitaires et des ONG, tous complices de la déformation du récit historique du Rwanda.

Les victimes de 1994 sont à nouveau enterrées — cette fois sous des hashtags, des gros titres et un jargon des droits humains.

Chaque fois qu’un négationniste prend la parole lors d’un panel, une tombe est insultée.

Chaque fois que Victoire Ingabire est qualifiée de « combattante de la liberté », un survivant est réduit au silence.

Chaque fois qu’un commandant des FDLR est autorisé à parler de paix dans l’est du Congo, nous faisons reculer les progrès de la justice.

Ce n’est pas la démocratie. C’est un sacrilège.

Ce n’est pas le brouillard gris de l’ambiguïté post-conflit. C’est une trahison en noir et blanc.

Quand des médias lui accordent des tribunes, quand des diplomates posent à ses côtés pour des photos, quand des think tanks lui offrent des discours d’ouverture — ce qu’ils font vraiment, c’est serrer la main d’une idéologie trempée dans le sang. Ils ne sont pas simplement mal informés ; ils sont moralement en faillite.

Les défenseurs de la civilisation ont jadis juré « Plus jamais ça ». Mais ils ne le pensaient pas pour tout le monde. Pas en Afrique. Pas quand les victimes sont Tutsi. Pas quand les tueurs portent des costumes, parlent couramment anglais ou français, et savent naviguer avec précision dans la culpabilité occidentale.

Claude Gatebuke est l’exemple parfait des manipulateurs de l’Occident.

Le génocide contre les Tutsi ne s’est pas terminé en 1994. Oui, les massacres ont cessé. Mais la guerre contre la vérité continue.

Et le pire ? Ce sont les mêmes puissances qui détournaient le regard à l’époque qui prêtent aujourd’hui leur prestige à ceux qui réécrivent le passé.

L’hypocrisie ne réside pas seulement dans ce qu’ils ont fait — mais dans ce qu’ils célèbrent ou tolèrent désormais.

Il n’y aura jamais de paix dans la région des Grands Lacs si la vérité est piétinée pour le confort des palais occidentaux et la lâcheté africaine.

Il n’y aura jamais de guérison si les négationnistes sont loués en tant qu’activistes. Et il n’y aura jamais de justice si les génocidaires portent des costumes et siègent aux tables rondes, pendant que les survivants restent silencieux.

Ce n’est pas seulement un échec des relations internationales. C’est un échec de l’humanité.

La vérité doit être rappelée non seulement dans les mémoriaux ou les musées, mais aussi dans les politiques publiques. Si nous ne pouvons pas nommer le négationnisme, condamner les complices, et fermer les micros de la haine, alors nous ne sommes pas dans l’après-génocide — nous sommes de nouveau dans le pré-génocide.

Certainement, l’Histoire ne sera pas clémente avec ceux qui ont acclamé les tueurs en costume tout en réduisant au silence les orphelins en haillons.

Nous devons choisir, ici et maintenant : la mémoire ou le mythe, la vérité ou le révisionnisme, la justice ou la trahison. Il n’y a pas de terrain d’entente. Pas quand les os des massacrés reposent encore sous la terre — et que leurs tueurs parlent désormais depuis des podiums au-dessus.

Le 21 juin 2025 à Bruxelles, des négationnistes du génocide contre les Tutsi ont été accueillis comme des experts. L’Occident a tendu le micro aux bourreaux en costume. Ce n’est pas la liberté d’expression — c’est une trahison de la mémoire

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