L’image en dit long : Vladimir Poutine, main dans la main avec Narendra Modi, s’avançant vers leur hôte chinois, traduit moins une cordialité protocolaire qu’une volonté délibérée d’afficher une alternative stratégique à l’Occident.
La Chine, en accueillant simultanément le dirigeant russe et le Premier ministre indien, mais aussi les présidents iraniens et biélorusses, cherche à montrer qu’elle incarne désormais le centre de gravité d’un monde multipolaire en gestation. Pékin entend se présenter comme une puissance pivot, capable de fédérer des États diversement situés mais tous animés par une même aspiration : échapper à l’hégémonie normative et militaire des États-Unis.
Le rapprochement sino-russe, loin d’être conjoncturel, répond à une nécessité géopolitique partagée. La Russie, affaiblie par les sanctions occidentales et le coût stratégique de la guerre en Ukraine, voit dans cette alliance une planche de salut économique et diplomatique.
Pékin, de son côté, saisit l’occasion de consolider son rôle de chef de file d’un bloc contestataire de l’ordre libéral international, tout en sécurisant ses arrières face à la pression américaine dans l’Indo-Pacifique. Ce compagnonnage, s’il repose sur des intérêts asymétriques, n’en révèle pas moins une convergence de vues : bâtir un ordre « plus juste », c’est-à-dire moins dominé par Washington et ses alliés.
Les enjeux sont multiples. Sur le plan économique, il s’agit de multiplier les circuits commerciaux et financiers hors du dollar, afin de réduire la dépendance au système monétaire occidental. Sur le plan sécuritaire, l’OCS devient un forum où les puissances eurasiatiques coordonnent leurs positions, s’assurant mutuellement de ne pas être isolées face aux pressions diplomatiques ou militaires de l’Occident. Sur le plan symbolique enfin, ces rencontres donnent à voir une coalition d’États qui, chacun à sa manière, défie les canons de la démocratie libérale et revendique la souveraineté absolue comme principe cardinal des relations internationales.
Ainsi, Pékin et Moscou s’emploient à bâtir une architecture internationale alternative, que d’aucuns qualifieront de « désenchantée », car elle fait peu de place aux droits humains et aux libertés. Mais dans le concert désordonné des nations, ce projet trouve un écho, précisément parce qu’il offre une brèche à ceux qui, fatigués de l’hégémonie occidentale, cherchent d’autres garanties de puissance et de survie.
En vérité, ce sommet de Tianjin ne signe pas seulement un épisode diplomatique supplémentaire. Il acte une recomposition. L’Eurasie, longtemps fragmentée par les rivalités historiques, tend désormais à s’unifier sous la bannière d’un « multipolarisme » qui, s’il reste encore fragile, témoigne néanmoins d’une réalité implacable : le monde ne se laisse plus dicter son destin par une seule capitale.

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