Depuis l’époque coloniale, la Belgique a toujours exercé une influence considérable sur la RDC, notamment à travers un réseau d’accords économiques, de partenariats politiques opaques et de leviers diplomatiques entretenus au fil des régimes. Cette emprise, bien que moins visible aujourd’hui, reste déterminante dans plusieurs secteurs clés comme les mines, les infrastructures ou encore l’aide au développement. En rompant cette dynamique pour se rapprocher stratégiquement de Washington, Kinshasa compromet des décennies de contrôle indirect exercé par Bruxelles.
Le nouveau partenariat américano-congolais, encore flou dans ses contours mais ambitieux dans ses objectifs, introduit un acteur capable de rivaliser avec les anciens privilèges belges. L’administration Tshisekedi semble miser sur cette alliance pour sécuriser son régime, accéder à de nouveaux financements et moderniser ses forces armées. Mais cette décision a un coût diplomatique : elle écarte progressivement la Belgique du jeu central et relègue son rôle au second plan, suscitant une frustration croissante dans les cercles politiques bruxellois.
Dans ce contexte, la rupture ouverte entre Kinshasa et Kigali, qualifiée d’"hostile" par certains diplomates européens, vient amplifier la crise. La Belgique, historiquement alignée sur une lecture rwandaise des dynamiques sécuritaires régionales, voit dans cette orientation un basculement inquiétant vers une polarisation du conflit dans les Grands Lacs. En prenant ses distances avec Paul Kagame, Tshisekedi tourne aussi le dos à un axe occidental clé, ce qui isole davantage la RDC sur la scène internationale.
La question centrale demeure : la Belgique peut-elle encore peser dans les négociations de paix dans les Grands Lacs ? Peut-elle même choisir de bouder ces discussions ? La réponse dépendra de sa capacité à redéfinir son rôle.
Si elle persiste à réagir avec amertume et nostalgie d’un passé d’influence, elle risque de s’exclure d’une recomposition géopolitique en marche. En revanche, si elle adapte sa diplomatie à un nouvel ordre régional, où les États-Unis, la Chine, et même des puissances africaines comme l’Angola ou l’Afrique du Sud prennent de plus en plus de place, elle pourra conserver une certaine forme de pertinence.
Mais à l’heure actuelle, la tentation du "boycott diplomatique" semble l’emporter à Bruxelles. Certains signaux indiquent déjà une réduction de l’engagement belge dans les forums africains, une posture critique à l’égard de l’ONU sur les dossiers congolais, et un rapprochement tacite avec Kigali contre Kinshasa. Autant d’éléments qui laissent entrevoir une politique de rétorsion, aux conséquences potentiellement déstabilisatrices pour toute la région.
Ce bras de fer entre Kinshasa et Bruxelles illustre un tournant : la RDC tente d’échapper à la tutelle postcoloniale, au risque de provoquer une rupture brutale. La Belgique, elle, semble incapable d’accepter cette émancipation, préférant exprimer sa colère plutôt que d’engager une transition diplomatique intelligente. Dans ce jeu d’alliances mouvantes, les tensions ne feront que s’intensifier — au détriment de la stabilité régionale.

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