Un amour éternel : Lettre de Diane Uwineza à sa famille tuée pendant le génocide commis contre les Tutsi au Rwanda

Redigé par Diane Uwineza
Le 18 avril 2025 à 06:08

Dans une lettre touchante, Diane Uwineza rend hommage à sa famille tuée pendant le génocide commis contre les Tutsi en 1994 au Rwanda, évoquant avec émotion l’amour de ses parents et la mémoire de ses frères et sœurs. À travers ses souvenirs, elle partage son parcours de maternité et la force des liens familiaux, illustrant comment, malgré l’absence, elle continue d’avancer avec espoir et détermination. Découvrez ce cri du cœur émouvant.

NDAHO

À ma chère maman que j’aime tant,
Je suis devenue parent comme toi. La dernière fois qu’on s’est vues, c’était à cette date, lorsque nous étions emmenées. Tu me disais de rester avec vous, pour qu’on meure ensemble. Sois sans crainte, j’ai survécu ; je suis maman comme toi, et tu as maintenant deux petits-enfants.

Je me rappelle souvent de ta beauté. Maintenant que je suis maman, je réalise le travail que tu as accompli en nous élevant, et cela me donne beaucoup de courage. Mais sois sans crainte, je le fais aussi bien que toi.

Ta petite fille aînée va bientôt avoir 16 ans ; elle s’appelle Chriane, c’est une jeune fille souriante. L’autre petit enfant, un très beau garçon rempli d’amour et de force, s’appelle Kyle. Il a 6 ans et commence à me demander : "Est-ce que ta maman vit au Rwanda, pour que j’aille lui rendre visite ?" Je lui réponds que tu habites au ciel. Je t’aime toujours très fort.

À mon cher papa, que j’aime tant, un héros pour moi, tu t’es battu pour nous protéger ; tu as essayé de nous cacher. Ça n’a pas été possible que tout le monde survive, mais tu as emporté la victoire car je suis en vie.

Je me rappelle souvent de ton amour, ta voix ne quitte jamais ma mémoire. Tu voulais que je devienne médecin ; ce n’est pas ce que je suis devenue, mais j’ai essayé d’étudier autant que je le pouvais. Je t’avais dit que j’allais devenir sœur pour aider les gens, et toi, tu me disais que ce n’était pas nécessaire de devenir sœur pour aider. Et voilà, je suis devenue une dame avec deux enfants. Maintenant, tu es grand-père de deux petits-enfants. Quand ils grandiront, je leur dirai que tu es un héros. Je t’aime toujours.

Ma sœur Antoinette, tu étais belle, appréciée par tout le monde. Je ne pensais pas qu’on pouvait te tuer. Je m’imagine souvent la fille que tu allais devenir ; je vois en toi que de bonnes choses. Maintenant, tu es tante ; j’essaie d’imaginer la vie que j’aurais eue en ta présence, les secrets qu’on aurait partagés. Je m’arrête ici, je t’aime tant et j’ai beaucoup de souvenirs de toi.

À mes frères Adolphe, Innocent et Straton, je m’imagine la vie que j’aurais eue si vous étiez là en tant que frères. Mes enfants vous appellent "tonton", quelle joie cela aurait été ! Vous êtes partis trop tôt. Je m’imagine que maintenant, vous auriez des copines, seriez mariés, ou auriez des enfants, et moi, je serais "tante". Quelles belles choses j’ai perdues, mais je vois en vous de belles qualités. Vous seriez devenus des hommes de valeur, mes enfants venant chez vous, vous promenant avec eux ; cela aurait été tellement précieux. Je me souviens de vous et je vous aime toujours.

À toi notre cadette (bébé), je compte les années et constate que tu aurais eu 31 ans. Je pense que tu serais devenue une belle jeune fille. Je vois en toi de belles qualités. Nous n’avons pas été ensemble longtemps, mais je me réjouis de t’avoir connue. Je te considère comme une héroïne qui a vécu. Je t’aime.

Mes chers parents, mes chers frères et sœurs, je vais bien, j’ai survécu, j’apprécie la vie ! Est-ce qu’elle est facile ? NON, mais j’apprends à marcher, à avancer, à tomber et à me relever. J’apprends à me retourner régulièrement et à admirer le chemin parcouru, accompagnée par Dieu à chaque étape.

Oui, parfois, je me sens seule et abandonnée, mais ma vie est une succession de rebondissements, d’événements heureux et d’autres plus difficiles. Je suis une femme ordinaire pour qui Dieu a un plan extraordinaire. NDAHO.

Diane Uwineza, auteure de l'article

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité