Urgent

Uvira ou le triomphe de l’anarchie et l’échec patent de l’État

Redigé par Tite Gatabazi
Le 20 octobre 2025 à 08:29

Uvira, jadis cité frontière de transit et de commerce, s’est muée en épicentre d’une anarchie institutionnalisée, où la distinction entre autorité légitime et pouvoir autoproclamé s’estompe jusqu’à devenir illusoire.

Cette ville, désormais qualifiée de quartier général des « généraux wazalendo », abrite plus d’une cinquantaine de commandants auto-proclamés, se proclamant alliés des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des forces burundaises. Dans ce maelström de titres et de prétentions, la hiérarchie militaire apparaît détournée : si l’on n’est pas général, l’on est maréchal, et la multiplication des grades ne traduit plus qu’un chaos où l’autorité devient une question de caprice ou d’influence politique.

Les affrontements y sont constants et souvent absurdes, motivés par la domination de simples points de contrôle ou l’appropriation de positions stratégiques, sans autre objectif que la démonstration de force. Les populations civiles, quant à elles, vivent dans un état d’angoisse permanent : chaque jour apporte son cortège de meurtres, de viols, de cambriolages et d’arrestations arbitraires.

Uvira est devenue le théâtre d’une violence systématique, orchestrée par des milices « patriotes » dont la loyauté fluctue selon les intérêts de leaders politiques ou de figures de la société civile, qu’ils soient proches ou non du pouvoir central.

Le constat est accablant : l’État congolais y est pratiquement absent. Son rôle, réduit à fournir armes et munitions à des groupes notoirement indisciplinés et criminels, dénote un abandon total de ses responsabilités régaliennes. Posséder une arme y est devenu banal, du simple enfant à l’adulte ; chaque jour voit l’émergence de nouveaux « généraux », soutenus souvent par des autorités locales ou par des contacts politiques à Kinshasa.

La corruption, le clientélisme et le laxisme institutionnel se conjuguent pour transformer Uvira en un espace où la loi du plus fort supplante le droit et la justice.

Dans cette zone de non-droit, les milices se mêlent à des combattants recyclés des FDLR et à des éléments imbonerakures, renforçant un écosystème de violence et d’insécurité.

Les violations des droits humains deviennent le quotidien, légitimées au nom d’un patriotisme ou d’un nationalisme instrumentalisé. Les Banyamulenge, pris dans un étau implacable, sont stigmatisés et criminalisés, leur liberté de mouvement réduite à néant, l’accès aux soins, aux vivres et aux nécessités élémentaires rendu quasi impossible.
Le moindre écart par rapport aux règles imposées par ces milices se paie par la mort ou la disparition, sans qu’aucune instance ne s’en émeuve.

Uvira témoigne ainsi de l’effondrement systémique de l’État congolais : une instance qui, au lieu de protéger ses citoyens et d’assurer l’ordre public, délègue le monopole de la violence à ceux qu’elle était censée neutraliser. L’anarchie y est devenue institutionnelle, la dépravation morale s’y banalise, et l’irresponsabilité à tous les étages gouverne la vie des habitants.

Dans cette ville, la survie dépend désormais moins de la loi que de l’arbitraire de milices omnipotentes, incarnant à la fois l’échec cuisant d’un État et la tragique impuissance des institutions face à l’appétit dévorant de l’anomie.

Uvira désormais quartier général des « généraux wazalendo », abrite plus d’une cinquantaine de commandants se proclamant alliés des FARDC et des forces burundaises.

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