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Affaire Agathe Kanziga : l’enquête française suspendue fera l’objet d’un appel

Redigé par Alain Bertrand Tunezerwe
Le 22 août 2025 à 01:54

Un avocat représentant les associations de victimes réclamant des réparations dans les procès relatifs au génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994, Me Richard Gisagara, a annoncé que la décision des juges français de suspendre l’enquête sur Agathe Kanziga fera l’objet d’un appel.

Ces juges d’instruction ont, le 20 août 2025, décidé de suspendre l’enquête concernant le rôle de Kanziga, épouse de Juvénal Habyarimana, dans le génocide contre les Tutsi. Selon eux, Kanziga n’aurait pas participé au génocide ni à sa planification, mais aurait subi les conséquences de l’attaque contre l’avion transportant son mari le 6 avril 1994.

Les associations représentant les victimes avaient déposé en 2008 une plainte demandant qu’une enquête soit menée sur l’implication de Kanziga dans les crimes de génocide et les crimes contre l’humanité. Cependant, en février 2022, les juges avaient décidé de classer le dossier, estimant qu’aucune preuve tangible ne démontrait sa participation au génocide.

Kanziga avait été évacuée du Rwanda le 9 avril 1994 sur ordre de François Mitterrand, alors président de la France. L’enquête sur ses responsabilités n’a été menée que pendant les trois premiers jours du génocide. En septembre 2024, la branche anti-terrorisme du parquet (PNAT) avait souligné que cette enquête avait été limitée, de courte durée et n’avait permis de recueillir que très peu de témoignages.

Le PNAT avait demandé qu’une enquête soit menée sur les activités de Kanziga du 1er mars au 9 avril 1994, l’accusant également de complicité dans le projet de génocide contre les Tutsi. Le 18 mai 2025, les juges avaient rejeté cette demande, expliquant qu’aucune preuve ne démontrait l’existence d’un projet de génocide impliquant l’épouse de Habyarimana. Le PNAT avait contesté cette décision par voie d’appel, mais les juges ont maintenu leur décision initiale le 20 août, sans étudier l’appel.

Le PNAT avait demandé une enquête sur Kanziga du 1er mars au 9 avril 1994, l’accusant de complicité dans le génocide des Tutsi

Une décision contestée et un appel en perspective

Cette décision a réjoui les membres de la famille Habyarimana, dont son fils Jean-Luc Habyarimana, ainsi que d’autres partisans, qui ont estimé que le dossier concernant l’enquête sur Kanziga était désormais clos.

Cependant, Me Gisagara a indiqué, ce 22 août, que l’affaire était loin d’être terminée.

« Ne vous laissez pas impressionner par les célébrations des génocidaires, des négationnistes et de leurs partisans animés par la haine. Il ne s’agit là que d’une étape dans ce dossier. L’appel et l’annulation du jugement restent à venir, et l’affaire ne sera pas close avant que toutes ces étapes ne soient franchies. » a-t-il affirmé.

L’avocat a rappelé le désaccord exprimé en mai dernier par le PNAT avec la décision des juges de suspendre l’enquête sur Kanziga et a précisé que, par conséquent, les associations représentant les victimes espèrent que l’appel sera présenté.

«  Il n’y a aucune raison pour que le parquet, qui a déjà exprimé son désaccord avec les premiers juges, mette fin à ce dossier avant qu’il ne soit examiné par les juges de l’appel, comme le prévoit la loi.  » a-t-il précisé.

Me Gisagara a indiqué que l’affaire était loin d’être terminée car un appel de la décision était attendu

Pourquoi les juges refusent-ils de juger Kanziga  ?

François Mitterrand, qui avait ordonné l’évacuation de Kanziga du Rwanda, était un proche ami de Juvénal Habyarimana et avait soutenu son régime alors que les forces de la RPA-Inkotanyi luttaient pour libérer le pays.

Depuis son arrivée en France, Kanziga, âgée de 82 ans, n’a exercé aucune activité professionnelle connue et a été prise en charge par l’État français.

Le général de division (à la retraite) Paul Rwarakabije, dans un rapport publié en 2008 sur le rôle de la France dans le génocide contre les Tutsi, a expliqué que Kanziga avait longtemps perçu des fonds de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service de renseignement français.

Une partie de ces fonds était transmise au colonel Aloys Ntiwiragabo, l’un des fondateurs du mouvement génocidaire FDLR, ce qui atteste de l’implication directe de l’État français dans le soutien à ce groupe.

Tite Gatabazi, analyste politique, a expliqué au média IGIHE que les raisons pour lesquelles les juges français refusent de juger Kanziga sont liées aux héritages du régime de Mitterrand qui continuent d’assurer sa protection.

«  Elle détient des informations compromettantes concernant l’implication de la France dans le génocide contre les Tutsi. C’est un avion français qui est venu la récupérer ici. Jusqu’à présent, elle est entretenue par l’État français, à l’exception de quelques revenus secondaires, mais dès son arrivée, le cabinet du Président a donné l’ordre de ne lui rien refuser.  » a-t-il expliqué.

Gatabazi a ajouté qu’au cours des 31 dernières années, les gouvernements successifs en France ont changé, mais que Kanziga bénéficie toujours de soutiens influents. «  Ce sont ces personnes, qui parfois dépassent les limites de l’État en place, qui continuent de soutenir Agathe Habyarimana.  » a-t-il précisé.

Tite Gatabazi, analyste politique, a précisé que le refus des juges français de juger Kanziga tient aux héritages du régime Mitterrand qui la protègent

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