En qualifiant publiquement son homologue rwandais, l’Ambassadeur Olivier Nduhungirehe, de « Hutu de service » et d’« ancien Interahamwe », Édouard Bizimana, nouveau ministre burundais des Affaires étrangères, ne se contente pas de franchir la ligne rouge du langage diplomatique. Il exhume, avec une légèreté criminelle, les rhétoriques empoisonnées qui, depuis des décennies, alimentent les fractures identitaires dans la région des Grands Lacs.
Cette diatribe d’un autre âge, pétrie d’insinuations ethniques et de relents génocidaires, s’inscrit dans un registre discursif propre aux extrémistes négationnistes affiliés aux FDLR. Assimiler un représentant de l’État rwandais à un criminel de génocide, sans le moindre fondement factuel, relève d’une tentative délibérée de diabolisation personnelle par le prisme de l’appartenance ethnique, une logique aussi perverse que dangereuse.
En agissant de la sorte, M. Bizimana démontre non seulement une méconnaissance coupable des exigences éthiques du droit international et des usages diplomatiques, mais surtout une adhésion inquiétante à une lecture ethnocentrée des rapports politiques.
Que de telles invectives soient proférées au XXIᵉ siècle, par un chef de la diplomatie d’un État souverain, illustre le degré de fossilisation idéologique de certains dirigeants, figés dans une vision binaire et racialisée du monde. Ces propos ne relèvent pas de l’improvisation : ils sont le symptôme d’un imaginaire politique structuré autour de la suspicion ethnique, du rejet de l’altérité et de la perpétuation des divisions coloniales.
Loin de favoriser une quelconque détente entre le Burundi et le Rwanda, cette rhétorique incendiaire entérine l’éloignement, voire l’hostilité structurelle entre deux nations que l’histoire, la géographie et la culture devraient au contraire appeler à la convergence.
Il faut ici dénoncer avec gravité cette régression mentale et politique. Car derrière cette attaque ad hominem se dissimule une vision rétrograde du pouvoir, selon laquelle la loyauté à une nation serait incompatible avec l’identité ethnique. Une telle posture essentialise les individus, les enfermant dans une ethnicité supposée irréductible, et nie la possibilité même d’un engagement civique et républicain fondé sur les valeurs universelles de justice, de responsabilité et d’égalité qu’applique le Rwanda post génocide contre les tutsi.
La paix dans la région des Grands Lacs ne pourra jamais s’établir sur les cendres des discours haineux, ni dans l’ombre des phantasmes ethnonationalistes. Elle exige un dépassement radical des logiques identitaires qui continuent de parasiter les appareils étatiques et d’empoisonner les imaginaires collectifs.
Elle réclame des élites capables de penser la nation au-delà des clivages artificiels hérités du passé, et de concevoir la diplomatie non comme une tribune pour les règlements de compte idéologiques, mais comme un espace de construction patiente d’un avenir commun. Ce qu’a réussi le Rwanda.
Tant que des responsables politiques de haut rang continueront à faire de l’ethnie l’alpha et l’oméga de leur grille de lecture, la région demeurera otage d’un paradigme obsolète, incapable de répondre aux défis contemporains.
Le développement, la sécurité, l’intégration régionale, la réconciliation intergénérationnelle ne peuvent éclore dans un terreau souillé par les haines d’hier. Il est temps, urgemment, de substituer à la diplomatie du ressentiment une diplomatie de la dignité, fondée sur la mémoire lucide, le respect mutuel et la volonté sincère de bâtir ensemble un destin affranchi des chaînes de l’ethnisme.

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