Quand le pyromane s’effraie de l’incendie qu’il a lui-même attisé

Redigé par Tite Gatabazi
Le 7 août 2025 à 12:32

Il est des postures diplomatiques qui relèvent moins de la prudence que de l’amnésie stratégique, et la récente décision de la Belgique de proscrire à ses ressortissants tout déplacement dans certaines provinces orientales de la République Démocratique du Congo en offre une illustration saisissante.

Voilà un État qui, dans les plis feutrés de sa politique étrangère, a longtemps nourri, sinon entretenu, les foyers d’instabilité dont il redoute aujourd’hui les retours de flamme. En se drapant dans les oripeaux de la vigilance humanitaire, Bruxelles feint de découvrir les périls d’une région qu’elle a, par ses silences complices, ses interférences insidieuses et ses alliances douteuses, contribué à plonger dans l’abîme.

Il y a, dans cette fuite précautionneuse, une forme de panique morale que seule la mauvaise conscience peut engendrer : celle du pyromane qui, soudain conscient du brasier qu’il a allumé, cherche à se soustraire à la fumée des responsabilités historiques.

Il y a dans la récente décision du Royaume de Belgique d’interdire à ses ressortissants tout déplacement dans les provinces congolaises de l’Ituri, du Tanganyika, du Maniema et de la Tshopo, comme un parfum d’ironie tragique, une illustration criante de cette duplicité diplomatique dont la Belgique demeure coutumière.

A travers une note d’alerte émaillée de formules prudentes « conflit armé », « situation sécuritaire volatile » , Bruxelles se retranche derrière les précautions d’usage pour justifier l’éloignement de ses citoyens d’un territoire qu’elle a, pourtant, contribué à déstabiliser par ses connivences tacites, ses complicités sélectives et son aveuglement stratégique prolongé.

Car enfin, de quel péril s’agit-il ? De celui que les chancelleries occidentales, sous des dehors humanitaires, ont contribué à rendre inextinguible en fermant les yeux sinon en prêtant la main aux agissements de forces dites « négatives », que l’on arme, que l’on finance, que l’on instrumentalise au gré d’intérêts obscurs et de logiques néocoloniales mal assumées.

Aujourd’hui, la Belgique, puissance tutélaire d’hier, acteur équivoque d’aujourd’hui s’alarme des flammes que ses propres relais ont allumées. Elle se barricade, interdit, recommande la fuite, comme si l’incendie n’était pas la conséquence directe de décennies d’ingérences larvées, de jeux d’influence cyniques et d’une politique étrangère oscillant entre paternalisme postcolonial et déni géopolitique.

Il ne s’agit nullement ici de minimiser l’extrême gravité de la situation sécuritaire qui prévaut dans l’Est du Congo, mais de rappeler que la Belgique, tout comme d’autres puissances européennes, n’est pas une tierce partie neutre, spectatrice compatissante d’un chaos endogène.

Elle en est un acteur historique, une présence qui, par ses choix politiques, ses réseaux d’influence, ses silences éloquents, a contribué à faire de certaines régions congolaises un véritable no man’s land de la souveraineté, un laboratoire de violences où les alliances locales se conjuguent aux ambitions transnationales.

Le paradoxe est glaçant : ceux-là mêmes qui ont contribué à miner les fondements de la paix s’érigent en donneurs de leçons sécuritaires, s’abritent derrière des alertes consulaires et prennent congé des terres qu’ils ont fragilisées.

Le drame est que ce retrait, loin d’être une solution, participe d’un processus de désengagement hypocrite, où la désertion remplace la réparation, et où l’oubli feint d’effacer la dette. Car une vérité demeure, implacable : on ne fuit pas impunément les brasiers que l’on a allumés. Et l’Histoire, tôt ou tard, se chargera de rappeler à la Belgique qu’en diplomatie comme en morale, la responsabilité ne s’éteint pas aux frontières de l’opportunisme.

Certaines postures diplomatiques relèvent moins de la prudence que de l’amnésie stratégique, comme le montre la récente interdiction belge de voyager dans l’Est de la RDC

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