Félix Tshisekedi et Bemba dans le naufrage moral de l’Union sacrée

Redigé par Tite Gatabazi
Le 7 août 2025 à 12:15

Le temps des faux-semblants est révolu. Dans le théâtre politique congolais, les masques tombent avec fracas, et les silences assourdissants du pouvoir en place résonnent comme de véritables actes d’adhésion.

Lors de la dernière réunion de l’Union sacrée, plateforme désormais réduite à un cénacle d’egos surdimensionnés et de rancunes recuites, le président Félix Tshisekedi a, ouvertement et sans ambages, consacré l’inacceptable : l’élévation au rang de porte-parole officieux de l’État d’un Jean Pierre Bemba que rien ne retient plus dans l’outrance, l’injure et l’entreprise méthodique de dénigrement des figures majeures de l’histoire politique nationale.

À entendre Bemba, déchaîné sur les estrades publiques comme dans les cercles fermés, Joseph Kabila, ancien président de la République, ne serait qu’un « étranger », un usurpateur de nationalité ; Moïse Katumbi, pourtant plusieurs fois gouverneur et candidat à la magistrature suprême, serait un « homme sans patrie », un « faux Congolais », un intrus déguisé en patriote.

Quant aux évêques catholiques, derniers bastions d’une morale publique en déshérence, les voilà réduits au rang de « politiciens en soutanes », accusés d’agenda caché et d’activisme séditieux.
Ces assertions ne relèvent plus de la simple polémique ; elles constituent un discours de haine aux relents ethnicistes, attentatoire à la dignité des institutions et destructeur pour le tissu social congolais. Pire encore : elles s’inscrivent dans une stratégie de polarisation identitaire propre aux régimes autoritaires cherchant à masquer leur faillite par la division.

Or, que fait le président Tshisekedi face à cette escalade verbale ? Rien. Pis : il valide, il acquiesce, il encourage. En déclarant que ceux qui parlent « le font en son nom », il lie son autorité à la rhétorique incendiaire de ses lieutenants.

Il abdique son devoir d’arbitre, et endosse, de facto, l’entière responsabilité politique et morale de leurs dérives. Ce faisant, il franchit un seuil dangereux : celui où le chef de l’État ne se contente plus de laisser dire, mais où il fait sien ce qui se dit, fût-ce le pire.

Qu’on ne s’y méprenne point : derrière ce qui pourrait passer, pour les esprits candides, pour une simple indulgence présidentielle à l’égard de l’exubérance verbale de ses alliés, se dissimule en réalité une stratégie bien plus pernicieuse de liquidation méthodique des oppositions internes.

Il s’agit là d’un dessein politique mûrement prémédité, visant à délégitimer, par le discrédit identitaire ou moral, toutes les figures d’envergure susceptibles d’incarner une alternative crédible au pouvoir en place. En permettant que soient ainsi publiquement diffamés des anciens chefs d’État, des opposants charismatiques ou encore des acteurs majeurs de la scène démocratique, le régime envoie un signal clair : nul ne sera épargné s’il prétend incarner un autre horizon que celui imposé par l’actuel titulaire du pouvoir.

Dans ce climat de verrouillage progressif, l’épiscopat catholique, jusqu’alors ultime vigie éthique et institutionnelle, se voit à son tour pris pour cible, réduit par les sbires du régime à une caricature de clergé politisé, accusé d’intrigues partisanes sous couvert de soutane. Ce procès en sorcellerie n’a qu’un objectif : disqualifier le dernier contre-pouvoir encore audible et tenté de rester fidèle à sa vocation prophétique. Cette entreprise de disqualification s’inscrit dans une dynamique plus vaste de désinstitutionnalisation de la vie publique, où toute voix dissonante devient suspecte, et où l’État, dépossédé de ses garde-fous, sombre dans une fuite en avant aussi irresponsable que périlleuse.

Loin d’une gouvernance assumée, c’est une politique de la déresponsabilisation qui s’installe, où l’outrance des alliés devient doctrine et l’aveuglement du chef une méthode.

L’histoire jugera sévèrement ce moment où le président Tshisekedi, plutôt que d’endiguer les tentations sectaires, a choisi de les sanctifier au nom d’une fidélité clanique, sans mesurer le coût pour la République. Car si la haine devient parole d’État, alors la démocratie congolaise aura perdu plus qu’un débat : elle aura perdu son âme.

Félix Tshisekedi a consacré, sans détour, le rôle officieux de porte-parole d’un Jean-Pierre Bemba désormais livré à l’outrance et au dénigrement des grandes figures politiques du pays

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité