L’imprévisibilité inhérente aux dynamiques politiques en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 10 juin 2025 à 11:37

De nombreux analystes et protagonistes politiques congolais devraient s’imprégner de la sagacité empirique de Max Weber, pour qui « le résultat de l’action correspond rarement à l’intention initiale de l’acteur ».

Cette vérité, qui émane d’une observation lucide et implacable, éclaire d’un jour saisissant l’opacité et l’instabilité qui caractérisent le champ politique congolais.

De l’échec retentissant de la candidature unique de l’opposition à Genève, en passant par le pacte opaque scellé à Nairobi entre alliés fraternellement désignés « beaux-frères », jusqu’à l’émergence du FCC/CASH, la scène politique congolaise a vu s’ériger successivement l’Union sacrée, avant de sombrer dans les hésitations profondes d’une Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) fracturée, incarnant une dissension à sa tête. À cela s’ajoute désormais la prolifération diffuse et incertaine d’un prétendu « camp divisionniste de la patrie », qui jette une lumière trouble et ambiguë sur les rapports de force.

Cette succession d’événements et de recompositions illustre, avec une acuité inquiétante, la permanence d’une indétermination politique qui gangrène la gouvernance nationale et installe une opacité quasi organique dans l’architecture du pouvoir.

A l’aune d’une échéance présidentielle proche dans un horizon temporel inférieur à trois ans les conjectures foisonnent, parfois dissonantes, souvent contradictoires : certains anticipent la déchéance imminente du pouvoir Tshisekedi, supposément paralysé par un empêchement constitutionnel ; d’autres prophétisent une résurgence quasi inéluctable de Joseph Kabila ; quelques-uns placent l’AFC/M23 au pinacle du jeu politique national ; enfin, une frange aspire à la réanimation d’un dialogue politique véritablement inclusif et consensuel.

Cette profusion de pronostics hétérogènes impose néanmoins une posture de prudence critique et d’humilité analytique. Il importe de réserver toute certitude définitive à l’après-signature, puis à la mise en œuvre rigoureuse et ininterrompue de l’accord de Washington DC, un jalon encore suspendu aux aléas, aux incertitudes, et aux potentielles convulsions politiques.

Ce mutisme réflexif collectif face aux enseignements des expériences antérieures relève d’un immobilisme cognitif préoccupant, voire d’un refus conscient d’intégrer les leçons du passé.

Les défis structurels profonds : fractures sociétales, crise de la souveraineté politique et enjeux sécuritaires endémiques

Au-delà des fluctuations conjoncturelles, les vérités durables et inéluctables résident dans la trame structurelle qui déchire et affaiblit la République démocratique du Congo. Ces maux fondamentaux sont d’abord incarnés par des fractures sociales et territoriales aussi marquées qu’alarment persistantes, révélant un pays fragmenté, vulnérable aux antagonismes et aux déchirements internes.

Parallèlement, l’interrogation sur l’autorité politique et la gestion des défis sécuritaires, loin d’être résolue, s’impose comme un obstacle majeur à l’édification d’un État fort et légitime, exacerbant tensions et conflits, et alimentant la fragilisation institutionnelle. Cette configuration polyédrique impose une conclusion majeure : aucune réforme de fond ni solution durable ne saurait triompher en l’absence d’une stabilité politique et institutionnelle assumée et pérenne.

En effet, c’est dans ce terreau d’instabilité chronique que s’enracinent, s’aggravent et se cristallisent les dysfonctionnements majeurs, produisant un cercle vicieux délétère. Cette réalité est parfaitement corroborée par les postulats de la science politique, qui enseignent que la liberté du jeu démocratique est toujours circonscrite par le cadre des contraintes structurelles dans lesquelles elle se déploie.

Ainsi, en RDC, la latitude d’action des acteurs politiques est réduite, leur capacité d’innovation se trouve comprimée sous la pression d’un contexte incertain et conflictuel.

Vers une recomposition politique incertaine : entre le défi de la stabilité et l’ombre de l’imprévisible
La société congolaise, marquée par une méfiance grandissante et un scepticisme diffus, exprime un profond désenchantement quant à la capacité des élites politiques à répondre adéquatement à ses aspirations fondamentales.

Dans ce contexte, l’offre politique ne saurait espérer asseoir sa légitimité ni garantir un horizon stable en perpétuant des pratiques usées, routinières et désormais visiblement épuisées.

La prévisibilité, intrinsèquement illusoire en politique, se révèle aujourd’hui en RDC comme une impossibilité manifeste, au regard d’un système politique entré dans une phase d’instabilité chronique et presque organique.

Il suffirait d’un événement, même marginalement chaotique, pour sceller la fin d’un cycle et faire basculer le pays dans ce que l’histoire congolaise nomme des « moments exclusifs » des tournants majeurs, des ruptures brutales, riches d’enjeux et de conséquences imprévisibles.

Cette situation rend dès lors illusoire toute tentative de prévision catégorique, d’autant plus que certains continuent à édicter des scénarios simplistes, occultant délibérément la complexité intrinsèque du réel historique et politique.

Le défi reste colossal : il importe d’instaurer un cadre institutionnel stable, robuste, susceptible de réguler le jeu politique, de canaliser les tensions sociales et territoriales, et de restaurer une autorité politique légitime, conditions sine qua non d’une pacification durable et d’un développement soutenable.

De nombreux analystes et protagonistes politiques congolais devraient s’imprégner de la sagacité empirique de Max Weber, pour qui « le résultat de l’action correspond rarement à l’intention initiale de l’acteur »

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