Le procès de l’ancien président révéle des dérives d’un pouvoir en faillite

Redigé par Tite Gatabazi
Le 23 août 2025 à 02:00

Me Moïse Nyarugabo s’impose comme l’une des rares consciences congolaises demeurées intactes face aux tumultes de l’histoire.

Sa lucidité, forgée dans la rigueur de la réflexion et la fidélité aux principes, éclaire avec une netteté singulière les zones d’ombre de la vie publique.

Il s’exprime avec une clarté qui transcende les artifices du langage et qui force l’admiration, même chez ses contradicteurs.

En lui se conjuguent l’élégance de l’esprit et la rectitude morale, qualités devenues précieuses dans un univers politique souvent voué à la confusion et à la compromission.

Selon lui, le procès intenté à l’ancien président de la République, devenu sénateur à vie, constitue moins une séquence judiciaire qu’un miroir grossissant des failles abyssales du pouvoir actuel. Loin d’apparaître comme une manifestation de la justice, il se déploie comme une scène grotesque où se donne à voir, à ciel ouvert, l’impuissance d’un régime caractérisé par une gestion calamiteuse de la chose publique, par la frivolité et le vacarme, au point que le peuple lui-même, dans sa sagesse désabusée, le stigmatise comme une assemblée de « jouisseurs et frappeurs », réduits à l’agitation et au simulacre.

Il importe, en ce sens, de rappeler aux magistrats, à l’Auditeur général, aux juges de la Haute Cour et à leur hiérarchie politique, que certaines limites ne sauraient être franchies sans péril pour la République. Car à force de vouloir instrumentaliser la justice comme un théâtre de marionnettes, en enrôlant des avocats improvisés dont les plaidoiries se nourrissent des rumeurs de la rue et des potins numériques, ils produisent une farce judiciaire indigne d’un État moderne. Cette mascarade, loin d’assoir l’autorité du pouvoir, ne fait qu’exposer sa nudité institutionnelle et sa faiblesse morale.

La République confisquée : une illusion dangereuse

Ceux qui croient pouvoir disposer de la République comme d’un bien privé, la tourner et la retourner selon leurs caprices, confondent la chose publique avec la domesticité d’un monarque absolu. Ils se trompent lourdement en pensant que tout se passera à leur guise, dans une mise en scène où la nation entière devrait s’agenouiller devant un nouveau « roi-soleil ». L’histoire enseigne pourtant qu’un tel abus ne se prolonge jamais sans conséquences. Les expériences tragiques de l’« ivoirité » en Côte d’Ivoire ou encore les errements liés à la question identitaire dans de multiples conflits africains et mondiaux devraient suffire à réveiller la lucidité. La haine, lorsqu’elle devient principe directeur, détruit tout : elle consume l’intelligence, ruine la sagesse et finit par engloutir celui qui en vit.

Une folie institutionnelle aux conséquences incalculables

Sommes-nous réellement sérieux, en tant que nation, de consacrer des semaines entières à discuter de la nationalité d’un ancien chef d’État qui, durant dix-huit années, a incarné l’autorité suprême et posé des actes dont dépend aujourd’hui la continuité juridique et politique du pays ? Quel sens y a-t-il à brandir, rétrospectivement, la suspicion de l’apatridie, de l’espionnage ou de l’extranéité, sinon celui de plonger la République dans une incohérence fatale ?

Si, par absurdité, une telle thèse devait être validée, qu’adviendrait-il de la valeur juridique de toutes les Constitutions promulguées par l’intéressé, des serments prêtés par des institutions entières, des lois signées et des traités conclus en son nom ? Ce procès, loin de fortifier la légalité, risque au contraire de délégitimer l’ensemble de l’édifice institutionnel du pays. On ne joue pas impunément avec les fondements mêmes de l’État.

Une nation réduite au ridicule

À force de se complaire dans ces enfantillages institutionnels, le pays tout entier s’expose à la risée de la communauté internationale. Aux yeux du monde, nous apparaissons comme des enfants qui pataugent dans la boue, incapables de se hisser à la hauteur de leurs propres responsabilités. Cette honte nationale, entretenue par des procès spectaculaires mais juridiquement creux, ne peut que miner davantage la crédibilité extérieure et réduire à néant les prétentions à la souveraineté effective.

Le retour de manivelle

Le pouvoir actuel aurait tort de croire que cette entreprise de disqualification ne produira pas de précédents dangereux. En droit comme en politique, toute jurisprudence est appelée à s’appliquer à ses auteurs. La roue de l’histoire ne cesse de tourner, et ceux qui, aujourd’hui, instrumentalisent la justice pour régler des comptes, seront demain les premières victimes du mécanisme qu’ils ont déclenché. L’exemple des négociations menées, la honte bue, avec ceux qu’on qualifiait hier de terroristes ou de supplétifs l’AFC/M23 et le mouvement Twirwaneho illustre déjà cette volte-face humiliante. Ce qui est aujourd’hui considéré comme une victoire tactique se révélera demain comme une lourde défaite morale et politique.

En définitive, le procès de l’ancien président n’est pas seulement une erreur judiciaire ; il est un symptôme de la déliquescence d’un régime qui confond le pouvoir avec le vacarme, l’autorité avec la démagogie, la justice avec la vengeance. Il témoigne d’une immaturité politique qui, si elle persiste, ne pourra conduire qu’à l’effondrement de l’État lui-même. Car gouverner, ce n’est pas faire du bruit ; c’est assumer la continuité, respecter la loi et porter avec gravité le poids de la République.

Me Moïse Nyarugabo s’impose comme l’une des rares consciences congolaises demeurées intactes face aux tumultes de l’histoire

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