La rencontre entre le président Félix Tshisekedi et Erik Prince, figure controversée du mercenariat international et fondateur de Frontier Services Group, illustre ce décalage inquiétant. Il ne s’agit plus seulement d’une coopération ponctuelle, mais de l’éventuelle prolongation d’un engagement qui consacre l’idée qu’un État souverain peut externaliser sa force militaire à des acteurs privés, motivés par le profit et non par la sécurité collective.
Cette démarche, qui se superpose aux processus de paix officiels et aux négociations internationales, trahit une logique bien connue de ceux qui privilégient l’efficacité immédiate à la durabilité : la guerre comme instrument d’intérêts mesquins. La multiplication des groupes de mercenaires opérant sur le territoire congolais, chacun avec ses propres tarifs, méthodes, commandements et zones de déploiement, traduit un chaos stratégique où la coordination et la loyauté sont secondaires face à la promesse d’une victoire rapide. La République démocratique du Congo, nation pourtant éreintée par des décennies de conflits, semble renouer avec une pratique périlleuse : confier sa souveraineté militaire à des entités privées, dont la fidélité est proportionnelle au montant de leurs contrats et non à la stabilité du pays.
Cette course au mercenariat expose une vérité inquiétante : le pouvoir politique, lorsqu’il est confronté à l’impopularité de sa propre armée ou à l’échec d’un commandement national, se tourne vers des solutions ponctuelles et externalisées, dans l’espoir illusoire qu’elles inverseront le cours d’un conflit profondément enraciné.
Espérer que des mercenaires étrangers viendront mettre l’AFC/M23 en déroute est non seulement un pari risqué, mais également un aveu implicite de la faiblesse structurelle des forces armées nationales. On retrouve là un adage millénaire : « Qui veut la paix prépare la guerre », mais dans une version dévoyée, où la guerre n’est plus préparée pour défendre la nation, mais pour prolonger des intérêts étroits, consolider un pouvoir fragile et masquer les insuffisances du dispositif étatique.
En définitive, le recours aux mercenaires étrangers en République démocratique du Congo n’est pas seulement une stratégie militaire ; il constitue un indicateur révélateur de priorités inversées. La paix y est instrumentalisée, l’intérêt national relativisé, et la guerre érigée en outil de sauvegarde politique et financière.
Tant que ces logiques persisteront, le pays restera prisonnier d’un cycle pernicieux : celui où la diplomatie et le droit international sont relégués au rang de décor, tandis que la force privée, motivée par l’appât du gain, devient le véritable arbitre du destin congolais.

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