La particularité de ce dossier, qui prend chaque jour l’allure d’un séisme judiciaire en gestation, réside dans le fait que la plupart des personnes visées, famille présidentielle en tête, ministres, conseillers occultes et officiers supérieurs détiennent la nationalité belge.
Ce qui, hier, apparaissait comme un privilège discret leur garantissant accès et protection au sein de l’Union européenne, devient désormais un angle d’attaque juridique d’une redoutable efficacité.
L’accord belgo-émirati : un basculement irréversible
Le nouveau paradigme tient à une évolution décisive : depuis l’entrée en vigueur, en novembre 2022, du traité d’extradition entre la Belgique et les Émirats arabes unis, les flux criminels qui trouvaient refuge sous les tours clinquantes de Dubaï ne bénéficient plus du même paravent.
Quatre extraditions effectives en moins de trois ans, dont l’une pour blanchiment d’argent, constituent une jurisprudence solide et annonciatrice : le schéma, désormais éprouvé pour les barons de la drogue, pourrait demain s’appliquer à des dignitaires congolais dont les fortunes, logées aux Émirats, relèvent d’une origine manifestement illicite.
La société civile congolaise comme déclencheur procédural
Le mouvement n’est pas spontané. Il procède d’une stratégie méthodique d’ONG congolaises, relayées par la diaspora en Belgique, qui ont multiplié les plaintes documentées. Rapports circonstanciés, relevés bancaires, témoignages directs : le corpus probatoire soumis aux juridictions belges a contraint le parquet fédéral à sortir de sa traditionnelle réserve.
Le CTIF (Cellule de traitement des informations financières) a été saisi, et les premiers signaux d’enquêtes préliminaires sont désormais patents. Ce qui, hier, n’était qu’une rumeur ou une indignation morale, prend la forme contraignante d’une procédure judiciaire.
La famille présidentielle au cœur des soupçons
Le faisceau le plus accablant se concentre sur la Première dame, Denise Nyakeru Tshisekedi, ainsi que sur ses frères Jacques, Christian et Thierry Tshisekedi, tous trois détenteurs de la nationalité belge. Selon les plaintes, ils auraient acquis des biens immobiliers d’un luxe ostentatoire au Qatar et aux Émirats.
Les magistrats belges, dans un souci de traçabilité financière, s’interrogent sur l’origine de ces capitaux. Plusieurs indices concordants laissent supposer un détournement de revenus issus du secteur minier, filière par excellence du drainage opaque de la richesse congolaise. L’enjeu est considérable : si ces allégations se confirment, l’épouse du chef de l’État et sa fratrie se retrouveraient au cœur d’un dossier de blanchiment transnational d’une gravité exceptionnelle.
Ainsi, la nationalité belge, jadis perçue comme un rempart protecteur, se mue en brèche judiciaire par laquelle s’engouffrent les plaignants. La Première dame, figure symbolique du régime et ses frères deviennent les incarnations d’un système de prédation qui n’hésite pas à instrumentaliser les deux rives de son identité juridique.
Les officiers généraux et l’argent des guerres
La procédure ne se limite pas au cercle familial. Plusieurs généraux congolais, eux aussi naturalisés belges, sont cités dans les dossiers. Ils auraient, selon les plaignants, prélevé à leur profit une partie substantielle des budgets militaires destinés à la défense de l’Est du pays, avant de les recycler dans des placements immobiliers à Dubaï.
L’élément est accablant : le sang et les souffrances des populations martyrisées dans les Kivu et l’Ituri se convertiraient, par un mécanisme cynique de prédation, en villas somptueuses et comptes bancaires émiratis. Pour la première fois, des officiers supérieurs congolais pourraient être cités non pas devant la justice militaire de Kinshasa, mais devant des juridictions correctionnelles belges.
Vers un « Qatargate congolais » ?
À Kinshasa, le tremblement est palpable. Jamais le cercle présidentiel n’avait été aussi frontalement exposé. Félix Tshisekedi, qui s’était présenté comme le chantre de la rupture avec les pratiques prédatrices de l’ère Kabila, se retrouve aujourd’hui cerné par des soupçons qui frappent directement son épouse et sa belle-famille. L’opposition congolaise, flairant l’aubaine, évoque déjà la perspective d’un « Qatargate congolais », symbole d’un régime qui n’aurait pas seulement hérité du système de prédation antérieur, mais l’aurait aggravé et amplifié.
Bruxelles, juge malgré elle
La Belgique, longtemps accusée de complaisance et de mansuétude envers ses « doubles nationaux » congolais, n’a pas cherché cette position de juge objectif du destin congolais. Mais la mécanique judiciaire enclenchée lui confère ce rôle malgré elle. Les enquêtes ouvertes, les coopérations actives avec les Émirats, l’extradition de figures criminelles de premier plan : autant de signaux qui montrent que le temps de l’impunité confortable est révolu.
La fin d’une immunité de façade
Une ère se clôt. Celle où l’on pouvait être Congolais à Kinshasa, Belge à Bruxelles et rentier à Dubaï, en pillant sans vergogne les richesses du Congo, tout en se croyant à l’abri derrière les paravents de la complaisance occidentale. Les plaintes des ONG, la rigueur nouvelle du parquet fédéral belge, la coopération renforcée avec Abou Dhabi : autant de pièces d’un puzzle qui dessinent l’image d’une reddition de comptes inévitable.
La famille présidentielle, qui croyait pouvoir conjuguer privilèges politiques à Kinshasa et protection juridique en Europe, se découvre désormais vulnérable. Ce qui, hier, paraissait un acquis intangible la double nationalité comme clé de l’impunité devient aujourd’hui une arme judiciaire redoutable.
L’histoire retiendra peut-être que la chute du système Tshisekedi ne fut pas déclenchée à Kinshasa, mais dans les palais de justice de Bruxelles.

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