L’État congolais doit cesser de cautionner des groupes armés criminels, selon HRW

Redigé par Tite Gatabazi
Le 15 septembre 2025 à 06:17

À Uvira, dans la province du Sud-Kivu, les civils se trouvent aujourd’hui pris au piège d’une violence orchestrée tant par des milices alliées à l’État que par les forces armées elles-mêmes.

Human Rights Watch alerte sur les agissements des Wazalendo, milice qui, sous le couvert d’un prétendu patriotisme, harcèle, menace et enlève des civils, particulièrement au sein de la communauté Banyamulenge, accusée de collusion avec le groupe armé M23.

Cette situation d’une gravité extrême met en lumière, avec une acuité troublante, l’inanité profonde des structures étatiques congolaises, dont l’incapacité chronique à assurer la sécurité et la protection des populations civiles confine à une faillite institutionnelle quasi systémique.

L’État, censé incarner l’autorité et la légitimité, apparaît ici démuni, ses institutions minées par l’inefficacité et l’inaction, laissant prospérer des logiques de violence parallèle. Plus inquiétant encore, la complicité tacite, voire implicite, de composantes des forces armées confère à ces milices un blanc-seing implicite pour commettre leurs exactions, instaurant un climat de permissivité où l’impunité se conjugue avec l’oppression.

Dans ce contexte, l’armée, au lieu de remplir sa fonction régalienne de protectrice des civils, se fait instrument de harcèlement et d’intimidation, et l’État tout entier se trouve détourné de sa mission première, au point que le fragile tissu social se voit menacé dans ses fondements mêmes.

Le climat d’Uvira s’est considérablement envenimé après la nomination, le 1er septembre, du général Olivier Gasita Mukunda, membre de la communauté Banyamulenge, au commandement militaire local. Les Wazalendo, soutenus par des réseaux civils complaisants, ont immédiatement paralysé la ville par une grève générale et des manifestations, érigeant barrages et contrôles arbitraires le long des routes menant au Burundi. Transport, commerce et services éducatifs ont été suspendus, affectant directement la survie économique d’une région déjà fragilisée par la crise. Dans le même temps, des habitants se sont vus interdits de fuir vers la frontière, tandis que des tirs d’armes légères et d’artillerie tuaient des civils, dont un garçon de huit ans.

Le 8 septembre, l’armée congolaise a ouvert le feu sur des manifestants désarmés, certains abattus dans le dos. Ces incidents illustrent une ambivalence inquiétante  : alors que l’armée continue d’armer et de financer les Wazalendo, elle se déclare incapable ou refuse de contrôler ses exactions, niant toute responsabilité.

Les abus perpétrés par les Wazalendo s’inscrivent dans une logique ethnique et politique ancienne. Les Banyamulenge, depuis les années 1990, ont été systématiquement marginalisés et criminalisés, perçus comme des «  étrangers  » dans leur propre pays. Le soutien du Rwanda au M23 s’appuie sur ce prisme discriminatoire, justifiant des opérations militaires présentées comme protectrices, alors qu’elles alimentent, en réalité, la spirale de violences et d’expulsions forcées.

Human Rights Watch documente des scènes de harcèlement ciblé, d’intimidation et de spoliation, ainsi que des discours incendiaires alimentant la méfiance et la haine ethnique. Les funérailles d’un colonel Banyamulenge ont été empêchées et pillées, et des civils se voient refuser l’accès à des services essentiels tels que l’eau.

Face à ces exactions, les autorités locales et nationales se montrent impuissantes, oscillant entre complaisance et inertie, tandis que des milliers de réfugiés continuent de fuir vers le Burundi dans des conditions précaires.

Human Rights Watch exhorte le gouvernement congolais à cesser immédiatement son soutien aux Wazalendo, à prendre le commandement effectif de ses forces armées, et à garantir la protection des civils. Les responsables de meurtres et d’abus doivent être traduits en justice par des procédures transparentes, et toute discrimination ethnique doit être proscrite sans délai.

La responsabilité hiérarchique doit s’appliquer  : les commandants qui tolèrent ou ignorent les crimes commis par leurs troupes doivent répondre de leurs actes devant la loi.

«  À Uvira et dans l’ensemble de l’est du Congo, les civils sont pris entre des forces armées et des milices armées, souvent sans aucune garantie de sécurité  », avertit Clémentine de Montjoye, chercheuse principale pour l’Afrique à Human Rights Watch. «  L’État congolais doit cesser d’armer les milices, assumer ses responsabilités et rétablir l’autorité publique pour protéger la vie et la dignité des populations.  »

Human Rights Watch alerte sur les agissements des Wazalendo, milice qui, sous le couvert d’un prétendu patriotisme, harcèle, menace et enlève des civils

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