Les désillusions de Maître Innocent Ntezi

Redigé par Tite Gatabazi
Le 15 septembre 2025 à 06:34

La 60ᵉ session du Conseil des droits de l’homme, tenue à Genève, se voulait être, aux yeux de nombreux observateurs, un haut lieu de concertation, de rigueur et de vérité.

Nombreux sont ceux qui nourrissaient encore l’espoir que cette enceinte onusienne, censée incarner l’universalité des droits humains, demeurât fidèle à sa vocation première : protéger les plus vulnérables, défendre la primauté du droit et promouvoir un discours ancré dans la probité des faits. Tel était notamment l’idéal auquel s’était attaché Maître Innocent Ntezi, convaincu que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme devait se poser en rempart contre les falsifications et en gardien impartial des valeurs fondamentales.

Or, l’expérience vécue révéla une tout autre réalité. L’illusion céda le pas à la désillusion lorsqu’apparurent au grand jour des compromissions multiples, des récits biaisés et des rapports délibérément tronqués, conçus moins pour éclairer que pour servir un agenda politique prédéterminé. Le comble résida dans le fait que l’institution censée incarner la probité internationale cautionna l’inversion des responsabilités, et, lorsqu’elle fut interpellée, se retrancha derrière l’évasive formule consistant à renvoyer toute discussion à d’hypothétiques échanges bilatéraux.

Cette trahison de l’esprit initial fut encore aggravée par le choix des plus hauts responsables du Conseil de privilégier un événement parallèle organisé par Kinshasa, dont la finalité exclusive consistait à incriminer l’AFC/M23 et le Rwanda. Pour soutenir cette mise en accusation, des vidéos générées par intelligence artificielle furent présentées comme autant de « preuves » d’un génocide prétendument perpétré contre des Congolais. Nul ne songea à interroger la validité d’un tel récit, et les objections formulées par le Rwanda furent, avec une désinvolture manifeste, ignorées.

Le scandale s’amplifia lorsque certains responsables osèrent affirmer que les populations vivant dans les zones sous contrôle de l’AFC/M23 n’étaient pas congolaises, mais rwandaises. Une telle rhétorique, fallacieuse et incendiaire, produisit des conséquences d’une extrême gravité : l’aide humanitaire, y compris les traitements vitaux contre le paludisme et le VIH, fut suspendue sous prétexte que nul Congolais n’habiterait ces territoires. Ainsi, lorsque l’AFC/M23 assurait la protection de ces communautés, celles-ci étaient disqualifiées comme étant de simples « Rwandais » ; mais si des exactions venaient à être constatées, l’AFC/M23 se voyait aussitôt accusée d’avoir assassiné des Congolais. Un tel paradoxe illustre, avec éclat, le règne du deux poids, deux mesures.

Dans le même temps, l’armée congolaise, notamment les milices Wazalendo, diffusait chaque jour des vidéos et des enregistrements appelant à l’expulsion des Banyamulenge d’Uvira vers le Rwanda, tout en bombardant Minembwe et en visant spécifiquement les communautés tutsies et banyamulenge.

Or, aucun des hauts dignitaires du Conseil n’estimait opportun de s’élever contre de telles dérives, ni même de leur accorder la moindre mention. Ce silence obstiné, qui s’apparente moins à une prudente réserve qu’à une abdication morale, consacre l’effacement volontaire de la vérité et la négation délibérée de crimes pourtant patents.

En se refusant à dénoncer, voire simplement à reconnaître, ces atteintes flagrantes à la dignité humaine, l’institution s’est rendue complice par omission, substituant à l’exigence de justice une indifférence coupable qui ruine l’autorité éthique dont elle prétend se prévaloir.

Un tel mutisme ne peut en aucun cas être assimilé à de la neutralité. Il constitue une forme de complicité, active par son silence, passive par son aveuglement volontaire.

Cette attitude rappelle tragiquement les heures sombres de 1994, lorsque la communauté internationale détourna le regard alors que s’accomplissait le génocide contre les Tutsi.

La 60ᵉ session du Conseil des droits de l’homme à Genève devait protéger les plus vulnérables et la primauté du droit, un idéal défendu par Maître Innocent Ntezi

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