Le nouveau visage de Londres ou la déferlante populiste et le spectre migratoire

Redigé par Tite Gatabazi
Le 15 septembre 2025 à 12:53

Samedi 13 septembre, la capitale britannique a offert le spectacle d’une mobilisation sans précédent : entre 110 000 et 150 000 personnes, selon les chiffres de Scotland Yard plus d’un million, selon les organisateurs ont envahi les rues de Londres à l’appel de Tommy Robinson, figure sulfureuse et multirécidiviste de l’extrême droite britannique.

Dans ce déferlement humain, la Tamise semblait se refléter dans une marée de drapeaux, Union Jack et croix de Saint-Georges, brandis comme autant de bannières identitaires d’un Royaume-Uni assiégé par ses propres angoisses.

Les slogans, les discours et les témoignages recueillis convergent vers une inquiétude centrale : la question migratoire, érigée en menace existentielle. « Nous ne sommes pas racistes », clament de nombreux participants, se défendant de tout rejet de l’autre pour mieux invoquer la défense des « valeurs chrétiennes » et d’une identité culturelle qu’ils estiment en péril. Une manifestante, drapée de rose en signe de soutien aux femmes, confiait sa crainte de voir émerger une culture importée qu’elle accuse de ne pas respecter la dignité féminine.

Ces propos, largement relayés par la foule, traduisent le glissement d’une revendication politique vers une vision civilisationnelle, où l’immigration devient le point de cristallisation de toutes les peurs contemporaines : déclassement social, insécurité, effritement des repères identitaires.
Cette démonstration de force n’est pas un épiphénomène. Elle survient dans un moment où le gouvernement britannique, affaibli par des crises économiques et sociales multiples, connaît un effondrement de popularité, tandis que le parti anti-immigration Reform UK caracole en tête des sondages.

L’extrême droite britannique, longtemps marginalisée et confinée aux marges hooliganes ou aux groupuscules identitaires, se découvre désormais un souffle populaire, une capacité de mobilisation de masse qui bouleverse l’équilibre politique. Face à elle, une contre-manifestation antiraciste, vingt fois moins nombreuse, tentait de rappeler que la pauvreté, les inégalités et le marasme des services publics ne sauraient être imputés aux seuls réfugiés et migrants. Mais leur voix, dans ce tumulte, résonnait comme un écho fragile.

Londres, métropole-monde, symbole de cosmopolitisme et d’ouverture, se voit aujourd’hui transformée en champ de bataille idéologique. Derrière la question migratoire se joue en réalité une crise plus profonde qui traverse l’Europe tout entière : l’épuisement des modèles d’intégration, l’instrumentalisation politique des flux migratoires, la peur du déclassement et l’angoisse identitaire dans des sociétés travaillées par la mondialisation et la précarisation.

Partout, de Rome à Stockholm, de Paris à Varsovie, les mêmes tensions se manifestent : le migrant devient l’écran commode sur lequel se projettent les angoisses collectives, l’étranger se muant en bouc émissaire d’une société qui peine à se réinventer.

Le Royaume-Uni, qui croyait par le Brexit se libérer du fardeau migratoire et reprendre le contrôle de ses frontières, découvre aujourd’hui que la fermeture n’éteint pas la peur, mais la nourrit. Les mobilisations comme celle du 13 septembre signalent une métamorphose du paysage politique britannique : elles révèlent qu’une frange considérable de la population n’entend plus tolérer le pluralisme culturel, mais aspire à un retour à un ordre homogène et fantasmé.

Ainsi, Londres donne à voir le paradoxe de notre temps : dans une ville façonnée par la diversité, prospère grâce à son cosmopolitisme, c’est au nom de l’identité nationale et de la préservation des valeurs chrétiennes que des foules immenses se rassemblent. Une contradiction apparente qui, en réalité, illustre la crise existentielle de l’Europe contemporaine : entre héritage universaliste et tentation du repli, entre hospitalité et peur de l’autre, le Vieux Continent demeure prisonnier de ses propres fractures.

Londres a été le théâtre d’une mobilisation massive : entre 110 000 et 150 000 participants selon Scotland Yard

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