La magistrature congolaise est ce miroir de l’abandon

Redigé par Tite Gatabazi
Le 13 septembre 2025 à 02:15

Le drame silencieux que traversent les magistrats nommés par ordonnance présidentielle en date du 28 mars 2025, aujourd’hui désignés par l’appellation de M25, illustre avec une acuité implacable la déshérence structurelle dans laquelle végète l’État congolais.

Depuis cinq mois, ces serviteurs de la justice, théoriquement investis de la haute mission de dire le droit et de garantir l’équilibre institutionnel, se trouvent en situation d’incompatibilité professionnelle, privés de toute prise en charge par le Trésor public. Leurs foyers s’enfoncent dans une précarité inouïe : enfants exclus des écoles faute de frais, familles humiliées par les bailleurs impitoyables, dignitaires contraints d’implorer à crédit un quignon de pain ou un verre d’eau sucrée dans l’anonymat des quartiers populaires.

Ce spectacle de magistrats réduits à la mendicité quotidienne est d’autant plus tragique qu’il n’est pas une exception, mais bien le symptôme d’un abandon systémique : la magistrature congolaise, tout comme l’armée, la police, l’enseignement ou la santé publique, n’est rien d’autre que l’enfant sacrifié d’une République confisquée.

Ces institutions vitales, censées incarner la permanence et la dignité de l’État, sont laissées en jachère par une classe dirigeante obèse de privilèges, mais rachitique de sens républicain.

L’indifférence d’une élite repue

Car il faut le dire sans fard : le Congo vit sous l’emprise d’une élite politique insouciante, gavée de prébendes et de rentes, qui s’illustre davantage par l’ostentation de ses cortèges et l’opulence de ses banquets que par la sollicitude due aux institutions vitales du pays. Cette aristocratie bureaucratique, enivrée de sa propre suffisance, a relégué la justice, la défense, l’éducation et la santé au rang de variables d’ajustement, sacrifiant le bien commun sur l’autel de l’enrichissement personnel et du clientélisme politique.

Pendant que des magistrats, jadis auréolés de respect, sont traduits en justice pour avoir tenté de survivre sous des identités usurpées, leurs prétendus protecteurs s’abandonnent aux fastes d’une vie mondaine déconnectée des réalités populaires.

Pendant que les soldats meurent sur les lignes de front sans solde, pendant que les enseignants errent d’école en école à la recherche d’un salaire dérisoire, pendant que les hôpitaux s’écroulent sous le poids du dénuement, les puissants festoient, inconscients que leur insouciance scie lentement la branche déjà vermoulue de l’État.

Une République mutilée par ses propres gardiens

La RDC, amputée de ses forces vives, ressemble désormais à une cité orpheline, privée de ses défenseurs naturels. La magistrature, au même titre que l’armée, la police, l’enseignement et la santé, incarne ce patrimoine commun que l’élite gouvernante a trahi. Il n’est pas exagéré de dire que ces corps, censés protéger, instruire, soigner et rendre justice, sont les véritables enfants abandonnés d’une Nation que ses propres gardiens exploitent comme une vache à lait plutôt que de la servir.

Le cri d’alarme des M25 n’est pas une plainte corporatiste : il est l’écho d’un désastre national. La justice sans juges, l’armée sans solde, l’école sans maîtres et l’hôpital sans médecins ne sont pas seulement des scandales sociaux ; ils sont les prémices d’un effondrement étatique.

Car une République qui néglige ses fondements finit toujours par s’écrouler, sous le poids conjugué du mépris de ses élites et de la colère inexpiable de ses citoyens.

Le drame des magistrats M25 révèle la profonde défaillance de l’État congolais

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