Alors que nombre de commentateurs redoutaient un effondrement définitif du processus, certains signaux laissent entrevoir, contre toute attente, une volonté du mouvement palestinien de renouer avec les médiateurs, au nom d’une exigence stratégique : obtenir l’arrêt des hostilités et le retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza.
Pour autant, la question cardinale n’est plus tant celle d’une reprise des discussions que celle du lieu et de l’architecture de cette médiation. Le Qatar, longtemps pivot incontournable des tractations, pourrait voir sa légitimité et sa disponibilité compromises.
Le Premier ministre, Mohammed ben Abderrahmane Al Thani, a publiquement reconnu, sur les ondes de CNN, que son pays « réévaluait » son rôle, allant jusqu’à dénoncer l’attitude dilatoire de Benyamin Netanyahou, jugée frivole et dépourvue de toute sincérité. Derrière ce ton inédit se profile une inflexion de fond : Doha pourrait désormais se désengager, au moins partiellement, de ce rôle d’intermédiaire qui, depuis plusieurs années, l’exposait à la critique de toutes parts.
L’Égypte, médiateur de substitution
Dans ce climat de recomposition diplomatique, l’Égypte, forte de son expérience de médiation quasi permanente depuis 2021, se trouve propulsée en première ligne. Le Caire s’affaire d’ores et déjà à réactiver les discussions, notamment sur la base du dernier plan américain, et se positionne comme le lieu naturel vers lequel pourrait se déplacer le théâtre des négociations.
Cette hypothèse, évoquée dans les colonnes de Ha’Aretz, s’accompagne d’un soutien implicite de la diplomatie américaine : Elliott Abrams, ancien conseiller de l’administration Trump, a ainsi exhorté publiquement l’Égypte à assumer un rôle central dans la gestion des pourparlers, soulignant que la frappe de Doha ne saurait constituer un obstacle définitif.
Un basculement aux répercussions régionales
Cette possible reconfiguration du dispositif de médiation ne relève pas d’un simple ajustement technique : elle dessine une nouvelle hiérarchie des puissances régionales. Le Qatar, qui avait su imposer sa marque en combinant ses liens privilégiés avec le Hamas et son étroite relation avec Washington, pourrait voir son influence érodée au profit d’un Caire pragmatique, disposant d’un ancrage historique et géopolitique indéniable dans la gestion du dossier palestinien.
Ce basculement, s’il devait se confirmer, traduirait une double dynamique : d’une part, la fragilité d’un Qatar fragilisé par sa trop grande proximité avec les factions islamistes et désormais exposé à la vindicte israélienne ; d’autre part, la volonté des États-Unis de s’appuyer sur l’Égypte, acteur plus classique et plus contrôlable dans le jeu diplomatique régional.
Loin de constituer une rupture nette, la situation actuelle illustre un glissement progressif des équilibres, où l’influence des monarchies du Golfe pourrait céder le pas à la centralité retrouvée du Caire.
En définitive, la frappe israélienne à Doha, en fragilisant l’un des médiateurs emblématiques du conflit, a rouvert la compétition régionale pour l’arbitrage de la question palestinienne. Si le Hamas semble disposé à reprendre langue avec ses interlocuteurs, la scène de négociation pourrait bien changer de décor : de la modernité vitrine du Qatar à l’antique poids diplomatique de l’Égypte. Un déplacement qui, au-delà des apparences, traduit l’éternelle oscillation entre innovation et continuité dans la gestion des crises du Proche-Orient.

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