Urgent

Sécurité fragmentée et péril institutionnel en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 22 juillet 2025 à 04:30

La récente alerte sécuritaire émise par l’ambassade des États-Unis en République démocratique du Congo, mettant en garde ses ressortissants contre de possibles attaques terroristes ciblant les lieux de culte, constitue bien plus qu’une simple mesure de précaution consulaire. Elle s’inscrit dans un climat délétère où les lignes de fracture de l’appareil sécuritaire congolais se font chaque jour plus visibles, plus profondes, plus inquiétantes.

La recommandation faite aux citoyens américains d’éviter les grands rassemblements religieux, en soi, atteste d’un dérèglement du continuum sécuritaire dans la capitale, mais aussi de l’inquiétude croissante des partenaires étrangers face à la volatilité du contexte congolais. Il ne s’agit plus d’un péril exogène ou marginal, mais d’une menace perçue comme endogène, nourrie par l’instabilité institutionnelle et l’effritement de l’autorité verticale.

Cette alerte intervient en effet dans un moment particulièrement sensible, marqué par l’arrestation du général Franck Ntumba, figure militaire d’importance, soupçonné de tentative de coup d’État contre le président Félix Tshisekedi. Le fait que plusieurs autres hauts responsables militaires soient également cités dans ce complot présumé ne saurait être interprété à la légère.

Il révèle, en creux, une fissuration alarmante de l’appareil sécuritaire, censé incarner la colonne vertébrale de l’ordre républicain. Ce n’est pas seulement une crise de loyauté, mais une crise de légitimité, où les allégeances s’émoussent, les fidélités se renégocient, et le monopole de la force se morcelle.

Ce double signal, l’alerte terroriste d’une part, les purges dans la haute hiérarchie militaire d’autre part souligne une double insécurité : celle du territoire et celle du pouvoir. Le pouvoir, en l’occurrence, ne semble plus s’exercer à partir d’un consensus national mais dans un climat de suspicion, d’isolement, et de gouvernance par la défiance.

Chaque arrestation devient une démonstration de force, chaque accusation, une pièce dans un échiquier plus vaste où se mêlent règlements de comptes, précautions préventives et stratégies d’intimidation.

Dans un tel contexte, la perception internationale de la RDC se dégrade à mesure que ses institutions paraissent s’enliser dans une gestion réactive, souvent improvisée, des crises. Le signal envoyé à la communauté internationale est clair : Kinshasa est un centre de pouvoir fragilisé, traversé par des tensions internes si vives qu’elles justifient des mesures d’alerte préventive sur des menaces à la fois politiques et terroristes.

Si l’on y ajoute les nombreuses zones d’ombre entourant les motivations profondes de ces arrestations, l’opacité des procédures engagées et l’absence d’une communication institutionnelle cohérente, il devient difficile de ne pas voir dans cette conjoncture une menace systémique pesant sur la stabilité de l’État. Car à l’instabilité militaire s’ajoute une défiance citoyenne, nourrie par les précédents de manipulation politique, par la saturation d’un discours sécuritaire usé, et par l’absence d’un horizon politique partagé.

Il devient alors urgent, non seulement de restaurer une architecture sécuritaire cohérente et professionnalisée, mais aussi de reconstruire un contrat de confiance entre l’État et sa population. Car à défaut de cette refondation morale et institutionnelle, la République démocratique du Congo risque de s’enfoncer dans un cycle dangereux où le soupçon prévaut sur la transparence, la force supplée au dialogue, et où le pouvoir, prisonnier de sa propre peur, multiplie les gestes d’autorité au détriment de l’autorité elle-même.

L’alerte de l’ambassade américaine en RDC révèle un climat sécuritaire préoccupant, marqué par des fractures croissantes au sein de l’appareil congolais

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