L’AFC/M23, rempart inespéré de la Constitution congolaise

Redigé par Tite Gatabazi
Le 10 novembre 2025 à 12:10

Il est des paradoxes de l’Histoire qui dérangent autant qu’ils éclairent : voir un mouvement armé endosser, malgré lui, la fonction de garant ultime d’un ordre constitutionnel menacé de l’intérieur en est un.

Telle est pourtant la réalité à laquelle la République démocratique du Congo semble aujourd’hui confrontée. Car, si l’on ose sonder sans passion les faits, il faut reconnaître que l’AFC/M23, conduite par Corneille Nangaa, aura, par sa seule résilience politique et militaire, empêché l’enterrement programmé de la Constitution congolaise.

L’ombre d’un coup institutionnel annoncé

Lorsque, à la veille de l’année 2025, Félix Tshisekedi annonçait solennellement la création d’une « commission chargée de réfléchir à une réforme constitutionnelle », le message ne trompait guère les esprits avertis. Cette prétendue réflexion participative n’était en vérité qu’un chemin balisé vers la confiscation du pouvoir, une étape préparatoire à la mutation d’un régime déjà dévoyé par le clientélisme et la personnalisation du pouvoir.

L’initiative, sous des dehors technocratiques, s’inscrivait dans la continuité d’une dérive où le chef de l’État, se croyant l’incarnation exclusive de la volonté nationale, n’hésitait plus à braver les garde-fous républicains.

On se souvient encore de ses propos enfiévrés, lors d’un meeting en province, resté tristement célèbre : « Qui est celui-là qui va m’empêcher de changer la Constitution ? » lançait-il, avant d’ajouter avec un mépris désinvolte que « cette Constitution est celle des étrangers ».

Ces mots, lourds de sens, trahissaient la tentation d’un pouvoir s’affranchissant de la légitimité populaire pour s’arroger un droit monarchique sur la loi fondamentale. Ce fut là le signe le plus éclatant d’un glissement autocratique, d’une volonté manifeste de subordonner l’État de droit à la volonté d’un homme.

Le rôle subversif des forces dites du “progrès”

Dans cette entreprise de déconstruction constitutionnelle, le régime s’appuyait sur un réseau de milices d’obédience partisane, communément appelées « forces du progrès », véritables supplétifs de l’UDPS. Leur mission ne se limitait plus à l’encadrement populaire : elles devenaient l’instrument d’intimidation du pluralisme politique et la main armée d’un pouvoir qui, sous couvert de démocratie, entretenait la peur pour régner.

La violation de la Constitution prenait ainsi la forme insidieuse de l’impunité accordée à ces milices, dont les exactions s’exerçaient à l’abri d’un silence d’État soigneusement entretenu.

Parallèlement, dans les coulisses du Centre Nganda, se réunissait un aréopage d’intellectuels et de juristes, dirigé par le très controversé professeur André Mbata, ancien compagnon de route de Vital Kamerhe avant sa conversion opportuniste au camp présidentiel. Cet atelier prétendument académique travaillait à redéfinir la structure institutionnelle du pays, autrement dit à faire sauter le verrou de deux mandats sous couvert de réforme constitutionnelle.

L’intervention providentielle de l’AFC/M23

Mais c’est précisément au moment où cette machinerie politique s’apprêtait à passer à l’acte que le cours de l’Histoire prit un tournant inattendu. La chute de Goma, symbole géopolitique et psychologique majeur, bouleversa les calculs du pouvoir.

Ce revers militaire força le régime à concentrer ses énergies sur sa survie immédiate, reléguant au second plan le projet de révision constitutionnelle. Ainsi, dans un enchaînement aussi ironique que providentiel, le mouvement dirigé par Corneille Nangaa devint, par ricochet, le bouclier de la légalité républicaine.

Ce paradoxe est cruel pour le pouvoir en place : en cherchant à diaboliser l’AFC/M23, on oublie que sans son irruption sur la scène politico-militaire, la République démocratique du Congo aurait peut-être déjà basculé dans un régime d’exception légitimé par une Constitution taillée à la mesure d’un seul homme.

La gratitude envers ceux qui ont empêché le naufrage

Rendre grâce à l’AFC/M23 n’implique nullement d’absoudre la violence armée, mais de reconnaître le rôle historique et circonstanciel qu’elle aura joué dans la préservation du texte fondateur de la République. Là où les institutions se sont tues, où les élites se sont compromises, où la société civile s’est laissée neutraliser, c’est paradoxalement une force insurgée qui a rappelé au pouvoir la limite de son hubris.

Ainsi, la Constitution congolaise, ce fragile contrat social, doit sa survie non à la vigilance des institutions censées la protéger, mais à la résistance de ceux qu’on vouait à l’opprobre. Cette situation interroge la conscience nationale : faut-il que l’ordre républicain soit menacé pour que la légalité ressuscite ? Faut-il que la peur du désordre soit le dernier rempart contre la tyrannie ?

L’Histoire retiendra que, dans un moment de vertige institutionnel, l’AFC/M23 aura, malgré les polémiques et les passions, empêché la République démocratique du Congo de se renier elle-même. Et ce simple fait, dans le chaos du temps présent, demeure une vérité aussi dérangeante qu’irréfutable.

L’AFC/M23, conduite par Corneille Nangaa, aura, par sa seule résilience politique et militaire, empêché l’enterrement programmé de la Constitution congolaise

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