Le Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe examinera, le 5 décembre prochain, la plainte déposée par l’ancien député et éminent professeur d’université Sam Bokolombe Batuli, contre la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
Derrière ce dossier individuel se profile en réalité le spectre d’un désordre électoral systémique, fruit d’un processus entaché d’irrégularités criantes, de manipulations partisanes et d’un mépris manifeste pour le principe sacro-saint de la souveraineté populaire.
Un scrutin confisqué et une institution dévoyée
Selon l’acte d’assignation, que plusieurs médias ont pu consulter, le professeur Bokolombe reproche à la Céni d’avoir invalidé son élection dans la circonscription de Basankusu, dans l’ouest du pays, sans notification préalable, sans respect du contradictoire et sur la base d’accusations fallacieuses de fraude, de violences et de vandalisme.
La Cour constitutionnelle, saisie en appel, a d’ailleurs confirmé l’illégalité de la décision de la Céni dès le mois de janvier 2024, estimant que l’institution électorale avait outrepassé son champ de compétence en se substituant aux juridictions compétentes pour trancher les différends électoraux.
Forte de cette reconnaissance implicite d’une injustice flagrante, la victime réclame aujourd’hui 12,5 millions de dollars de réparations, au titre du préjudice moral, matériel et professionnel subi, solidairement à la charge de la Céni et de l’État congolais.
Mais au-delà de ce cas d’école, c’est tout le crédit du processus électoral de 2023 qui se trouve remis en question. L’élection de décembre, marquée par une logistique chaotique, des irrégularités massives et des proclamations hâtives de résultats contestés, avait déjà semé le doute dans l’opinion.
La Céni, censée être l’arbitre impartial de la compétition démocratique, s’est muée en instrument de légitimation politique, obéissant davantage aux injonctions partisanes qu’aux impératifs de transparence et d’équité.
Une majorité proclamée avant même le décompte
Le scandale atteignit son paroxysme lorsque Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS et proche collaborateur du président Félix Tshisekedi, se vanta publiquement d’avoir “constitué la majorité à l’Assemblée nationale”, avant même la publication officielle des résultats.
Cette fanfaronnade, qui relevait moins de la victoire électorale que de la mise en scène du pouvoir, révéla la nature profonde d’un scrutin où les “élus” furent davantage désignés que choisis.
En s’arrogeant ainsi le droit de décider, en amont, de la configuration du futur Parlement, le parti présidentiel donnait à voir le triomphe du fait accompli sur le suffrage universel, réduisant la démocratie à une simple fiction institutionnelle.
Ce geste, symptomatique d’une dérive autoritaire, ôta toute légitimité aux représentants proclamés et contribua à miner durablement la confiance du peuple congolais dans ses institutions.
La majorité ainsi “fabriquée” dans les bureaux politiques, bien plus que dans les urnes, demeure le symbole d’un pouvoir qui préfère la fidélité partisane à la légitimité électorale.
Vers une jurisprudence du désenchantement démocratique
L’affaire Bokolombe, à cet égard, revêt une signification qui dépasse le seul cadre d’un contentieux individuel. Elle apparaît comme le procès emblématique d’une époque où le droit fut relégué au second plan, où la manipulation des résultats tint lieu de stratégie politique, et où la Céni se compromit dans des pratiques contraires à l’éthique républicaine.
Que cinq autres anciens candidats aient déjà annoncé leur intention de suivre la même voie judiciaire illustre le degré d’exaspération d’une classe politique trahie par le simulacre démocratique de 2023.
Si la justice congolaise se montre à la hauteur de ce défi, elle pourrait réaffirmer la primauté du droit sur la raison d’État et inaugurer une ère nouvelle de reddition des comptes électoraux.
A défaut, l’histoire retiendra que l’élection de 2023, loin d’avoir renouvelé le contrat social, aura institutionnalisé le chaos, transformant la représentation nationale en théâtre d’ombres et la volonté populaire en simple décor d’une démocratie d’apparat.














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